Ce vendredi 26 juillet, la Commission européenne a annoncé placer la France en procédure de déficit excessif, compte tenu du dévissage de la trajectoire des finances publiques. En effet avec une dette publique qui atteint 110 % du PIB et un déficit public réévalué à 5,5 % du PIB à cause d’une surestimation de la croissance, la France ne respecte pas les critères posés par le Pacte de stabilité et de croissance qui demande aux Etats membres de l’Union européenne de ne pas avoir un niveau d’endettement supérieur à 60 % du PIB et de ne pas dépasser un déficit de 3 % du PIB.
L’Italie, la Belgique, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et Malte sont également concernés par cette procédure, la première depuis la fin de la crise du Covid qui avait vu les Etats membres s’endetter pour relancer l’activité économique. Le déclenchement de la procédure n’implique pas nécessairement des sanctions mais prévoit un travail renforcé de coordination avec la Commission européenne pour enrayer l’endettement.
Un risque de sanctions financières ?
Ces règles budgétaires, introduites par le traité de Maastricht pour garantir la stabilité de la zone euro, permettent à la Commission européenne de sanctionner les Etats membres en cas de non-respect prolongé des obligations. En effet, le Pacte de stabilité prévoit une amende à hauteur de 0,1 % du PIB, soit 2,5 milliards d’euros, si le pays mis en cause ne prend pas les mesures nécessaires pour assainir ses finances publiques. « On brandit le risque de sanctions financières, mais elles ont en réalité peu de chances d’arriver, les sanctions viendraient encore plus aggraver la situation des déficits publics », estime Stéphanie Villers, conseillère économique chez PwC. En effet, aucun État n’a jamais été sanctionné financièrement dans le cadre de la procédure pour déficit excessif. Pour rappel, la France a été ciblée par la procédure entre 2009 et 2018.
Au-delà des sanctions encourues, c’est plutôt le message envoyé qui pourrait porter préjudice à la France. « À terme, cela peut braquer les marchés financiers et ceux qui financent la dette de la France. Les créanciers reçoivent tellement d’alertes de toutes parts concernant la France que cela pourrait créer des tensions », explique Stéphanie Villers. En s’appuyant sur ces indications, les agences de notation pourraient dégrader la note de la France augmentant mécaniquement les taux d’intérêt auxquels la France peut emprunter.
« La Commission va surtout évaluer la volonté de la France de réduire sa trajectoire »
Faut-il pour autant anticiper une période d’austérité ? Pas forcément ; En effet, depuis la crise de la dette du début des années 2010, l’Union européenne a ajusté ses règles budgétaires et une réforme a été adoptée au printemps 2024. « Depuis la crise de 2010, on n’est plus sur des coupes drastiques des dépenses car elles ont un effet récessif. Maintenant on évalue davantage la trajectoire de désendettement que le ratio du déficit public par rapport au PIB, donc la Commission va surtout évaluer la volonté de la France de réduire sa trajectoire » affirme Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste de BDO, docteure en sciences économiques EHESS et professeure d’économie à la Sorbonne. « La Commission juge plutôt la trajectoire sur 4 ans et les moyens mis en œuvre que le non-respect des taux du Pacte de stabilité », abonde Stéphanie Villers.
Concrètement, la France devra présenter, d’ici septembre, un plan présentant les trajectoires des finances publiques, les réformes engagées pour y arriver et les économies qu’elles doivent permettre de dégager. Trois leviers sont à disposition pour réduire le déficit public, agir sur les dépenses, sur les recettes ou sur la croissance. En novembre, la Commission européenne devra se prononcer sur le plan de réduction du déficit présenté par la France. Depuis le rehaussement du déficit public, le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire a annoncé 25 milliards d’euros d’économies dont 15 ont déjà été exécutées.
« Le niveau de déficit public est en partie conjoncturel et dû à la récession en Allemagne, mais cela met aussi en lumière un déficit lié au fonctionnement de l’Etat »
Si le Haut conseil aux finances publiques et la Cour des comptes avaient alerté sur des trajectoires de croissance surestimées pour l’année 2023, l’une des principales difficultés réside dans les raisons de l’endettement français. « Le niveau de déficit public est en partie conjoncturel et dû à la récession en Allemagne, mais cela met aussi en lumière un déficit lié au fonctionnement de l’Etat », souligne Anne-Sophie Alsif. La réforme des règles budgétaires de l’Union européenne insiste effectivement sur la nature et les raisons de l’endettement. Ainsi, les dépenses liées à l’investissement n’impliquent pas forcément le placement en procédure de déficit excessif. « La difficulté est liée à la productivité, et au type d’emplois créés, en majorité dans les services. Ce sont des emplois moins productifs, et qui ne génèrent pas une importante valeur ajoutée. La différence avec les Etats-Unis, qui ont un déficit public bien supérieur à celui de la France (7 %), c’est que leurs dépenses sont tournées vers un investissement qui crée de la richesse, notamment dans l’industrie. Le décrochage important de la zone euro sur la question des investissements productifs est plus préoccupant que les chiffres eux-mêmes », analyse Anne-Sophie Alsif.
Néanmoins, selon l’économiste, c’est le décrochage de la zone euro sur les investissements productifs qui inquiète et notamment les difficultés à développer une politique industrielle commune. Autre écueil pour la France, l’incertitude politique ne devrait pas aider à fournir des trajectoires budgétaires stables. Sans avancées sur les orientations budgétaires pour 2025, difficile de convaincre la Commission européenne de l’existence d’une trajectoire de réduction du déficit public.