Un autre article clé du projet de loi pour le plein-emploi vient d’être adopté ce 11 juillet au Sénat, sous l’impulsion de la majorité de droite et du centre. L’article 3 du texte en question réforme le régime de sanctions applicables aux allocataires du revenu de solidarité active (RSA), qui ne respecteraient pas leurs obligations. La veille, le Sénat a validé l’inscription automatique de tous les bénéficiaires du RSA sur la liste des demandeurs d’emploi et la création d’un « contrat d’engagement », comprenant notamment une obligation de 15 heures d’activité d’insertion par semaine.
En cas de non-respect de ces contrats, le projet de loi a pour objectif de rendre « plus progressives » et « plus effectives » les sanctions prévues par la loi. Il crée à ce titre, avant la sanction maximale de la radiation (peu utilisée), la suspension temporaire du RSA en cas de manquements. Une régularisation est prévue si la personne respecte à nouveau ses devoirs. Pour le ministre du Travail Olivier Dussopt, cette nouvelle sanction nommée « suspension-remobilisation » vise à « rénover l’accompagnement » des allocataires du RSA. « Cela nous paraît équilibré, cela nous paraît utile aussi », a-t-il ajouté.
En commission des affaires sociales, les sénateurs ont limité à trois mois de RSA les sommes pouvant être restituées. Le gouvernement ne s’est pas opposé à cette modification, en séance. Une petite partie du groupe LR était même partisane de ne restituer aucune somme quand le bénéficiaire se conforme à ses obligations, l’amendement déposé par Philippe Tabarot (LR) n’a pas été retenu. « Nous ne pouvons pas viser le plein-emploi et dans le même temps, demeurer laxiste », a-t-il déclaré.
Un « bouleversement de la philosophie initiale du RSA », selon la gauche
Les groupes de gauche ont vigoureusement protesté contre les dispositions de cet article. « La notion de devoir des allocataires du RSA ne doit pas se transformer en punition au moindre faux pas », a fait valoir la sénatrice Cathy Apourceau-Poly (communiste), craignant une aggravation de la précarité de ces personnes. « Il est à craindre que les sanctions ne remobilisent pas les bénéficiaires du RSA », s’est inquiété la socialiste Corinne Féret, sa collègue Annie Le Houérou évoquant ensuite un « bouleversement de la philosophie initiale du RSA ».
Les écologistes, par la voix de Raymonde Poncet-Monge, ont également insisté sur la disparition de la notion de réciprocité dans les contrats d’engagement, ce qui revient, selon eux, à « effacer la responsabilité qui incombe à l’ensemble de la société ». « Cela nourrit une vision antisociale, qui consiste à rendre les allocataires seuls coupables de leur situation, à les faire passer éventuellement pour des profiteurs », a pointé la sénatrice du Rhône.
De son côté, la rapporteure LR Pascale Gruny a pointé le fait que le taux de retour à l’emploi des bénéficiaires du RSA s’établissait à 3,9 %, soit moitié moins que la moyenne des demandeurs d’emploi.
En réponse au ministre qui évoquait le « manque d’accompagnement » des personnes au RSA, le sénateur LR René-Paul Savary a estimé qu’il faudra « y mettre les moyens ». « Il faudra être très vigilant au moment du projet de loi de finances, pour faire en sorte que les départements puissent faire cette action d’accompagnement », a-t-il mis en garde.
Dans la version adoptée cet après-midi, les sénateurs ont par ailleurs permis à Pôle Emploi (ou le futur France Travail) de proposer cette suspension du versement du RSA, si le président du conseil département ne statue pas lui-même sur le dossier, dans un délai qui sera fixé par décret.