Présentée lors d’un colloque sur les « faits religieux et la radicalité en entreprise » au Palais du Luxembourg, lundi 24 mars, l’enquête publiée par le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF) et l’Institut Supérieur du Travail (IST) révèle une meilleure acceptabilité des pratiques religieuses au sein de l’entreprise et en particulier auprès des jeunes.
La sénatrice socialiste Hélène Conway-Mouret salue « l’importance » de ce type de colloque et la discussion nécessaire auprès des entreprises. « Il vaut mieux en parler et regarder la réalité en face avant que des tensions montent et que tout cela dégénère. Nous sommes dans un pays laïc et il ne faut pas que la religion devienne revendicative au sein de l’entreprise », pointe la sénatrice.
Une attention accrue des faits religieux chez les plus jeunes
Près de quatre salariés sur dix ont ainsi déclaré avoir été confrontés à des faits religieux sur leur lieu de travail soit une très légère hausse par rapport à 2021. Mais c’est vers les salariés les plus jeunes que l’écart se creuse avec sept salariés sur dix, âgés entre 18 et 24 ans, qui estiment avoir eu connaissance de faits religieux dans le cadre du travail. « Je ne suis pas étonné puisque nous avons une nouvelle génération qui a une relation plus ouverte avec la religion », explique le sénateur du Rhône, Bernard Fialaire (RDSE) et auteur d’une proposition de loi contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur.
Pour Hélène Conway-Mouret, cette attention des plus jeunes vient probablement d’une plus « grande sensibilité » de leur part. « Il y a chez les jeunes, peut-être, une prédominance de jeunes femmes voilées par rapport au reste de la société ce qui conduit à une plus grande acceptabilité ».
Parmi les faits religieux les plus constatés, le sondage note les signes religieux ostentatoires et également des demandes alimentaires spécifiques ou des demandes de congés au moment des fêtes religieuses.
Fossé générationnel sur les pratiques religieuses dans l’entreprise
Un salarié sur deux se déclare favorable à la mise en place d’aménagements liés à la pratique religieuse en entreprise. Un score en progression puisqu’en 2021, seules 42 % des personnes sondées y étaient favorables.
Mais cette tolérance se retrouve principalement chez les plus jeunes salariés. 70 % d’entre eux se déclarent en faveur de l’aménagement du port du voile en entreprise soit une augmentation de 16 points par rapport à 2021 et 67 % ne voient pas de problèmes avec un aménagement du travail en fonction de la religion. A l’inverse, le port du voile est accepté de manière favorable chez seulement 20 % des salariés âgés entre 50 et 65 ans. Une hausse de 5 points tout de même par rapport à 2021.
58 % des jeunes salariés acceptent qu’une personne refuse de serrer la main d’une personne de l’autre sexe pour des raisons religieuses
L’écart générationnel se creuse encore un peu plus sur certaines pratiques. 58 % des salariés de 18 à 24 ans acceptent qu’une personne refuse de serrer la main d’une personne de l’autre sexe contre 28 % pour la moyenne des salariés. Quatre jeunes sur dix acceptent également que des salariés refusent d’entrer en contact avec certains clients en fonction de leur religion.
Les pratiques les plus acceptées par les salariés portent sur le jeûne pendant les heures de travail avec 76 % d’approbation. La mise à disposition systématique de plats végétariens et la prise de jours de congé pour raison religieuse sont également très acceptées.
« Globalement on note une plus grande acceptation de la place du religieux dans la vie commune, observe Hélène Conway-Mouret. Les chiffres augmentent sur plusieurs thématiques mais on observe tout de même une gêne prononcée qui tient à la laïcité telle que nous la connaissons. Comme quoi le religieux ne doit pas s’immiscer ».
« L’obligation de neutralité qui s’impose à l’Etat et aux services publics ne s’applique pas aux entreprises »
En conclusion de colloque, la ministre du Travail et de l’Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet a rappelé que « la laïcité ne pouvait pas être réduite à la neutralité » avant d’ajouter : « Le principe de laïcité ne doit pas rester à la porte de l’entreprise mais bien constituer une ressource pour les entreprises ».
Elle a également déclaré sur X que « l’obligation de neutralité qui s’impose à l’Etat et aux services publics ne s’applique pas aux entreprises ».
Enquête réalisée auprès d’un échantillon de 1 155 salariés français âgés de 18 à 65 ans travaillant dans des entreprises privées de 100 salariés et plus ou dans le secteur public, issus d’un échantillon de 2 513 personnes représentatif de la population française âgée de 18 à 65 ans.