Paris : Weekly council of ministers

Immigration : quelles dispositions censurées pourraient revenir dans le nouveau texte ?

Le gouvernement a annoncé l’examen d’un nouveau texte sur l’immigration dès le début de l’année 2025. Il y a à peine un an, la droite sénatoriale menée par Bruno Retailleau avait vu ses amendements au précédent texte largement censurés par le Conseil constitutionnel au motif de cavaliers législatifs. Ces dispositions pourraient réapparaître.
Simon Barbarit

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Un nouveau texte sur l’immigration en examen à peine un an après la large censure du précédent, c’est ce qui pourrait ressembler à la revanche de Bruno Retailleau. Sur BFM TV dimanche la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon a indiqué que le projet de loi pourrait être examiné au Parlement, début 2025.

Le dernier texte porté par Gérald Darmanin, mais largement remanié par la droite sénatoriale menée à l’époque par Bruno Retailleau reste un souvenir cuisant pour le ministre de l’Intérieur. Il avait vu 35 dispositions sur 58 ajoutées par voie d’amendements sénatoriaux censurées par les Sages. « C’est un déni du pouvoir du Parlement. On nous interdit de faire une politique migratoire efficace », avait fustigé le patron des sénateurs LR. L’élu de Vendée avait alors souhaité prendre le problème à bras-le-corps en déposant une proposition de loi constitutionnelle visant à permettre de « consulter, par référendum, le peuple français » sur les questions d’immigration. Sans soutien de ses alliés centristes, Bruno Retailleau avait retiré son texte de l’ordre du jour.

Le projet de loi ordinaire reprendra tout d’abord une mesure inscrite dans une proposition de loi déposée par les députés de la Droite Républicaine sur « la prolongation » de « la rétention administrative » des étrangers clandestins jugés dangereux, a précisé Maud Bregeon. Une des pistes envisagées est de faire passer la durée maximale de rétention de 90 à 210 jours, ce qui n’est possible pour le moment qu’en matière d’infractions terroristes. « On ne s’interdit pas de réfléchir à d’autres dispositions », a-t-elle ajouté. Un revirement par rapport aux premières déclarations du Premier ministre, Michel Barnier qui début octobre estimait que des progrès étaient « possibles, mais dans le cadre de la loi actuelle ».

32 cavaliers législatifs

Les nouvelles dispositions seraient donc à chercher dans les 32 dispositions censurées pour non-respect de la procédure parlementaires les fameux « cavaliers législatifs », comme l’a confirmé une source gouvernementale. Les cavaliers législatifs définis à l’article 45 de la Constitution, sont des dispositions sans rapport direct avec le texte initial. Sans se prononcer sur le fond, le Conseil constitutionnel avait alors censuré toutes les mesures relatives au durcissement des conditions du regroupement familial, l’instauration d’une « caution retour » pour les étudiants étrangers, les modifications apportées au Code civil sur le droit de la nationalité, telle que la fin de l’automaticité du droit du sol, ou la déchéance de nationalité après une condamnation pour « homicide volontaire commis sur toute personne dépositaire de l’autorité publique », le délit de séjour irrégulier puni d’une amende délictuelle, le renforcement du contrôle des mariages de complaisance, la délivrance d’un visa de long séjour de plein droit aux ressortissants britanniques propriétaires d’une résidence secondaire en France, la création d’un fichier des mineurs non accompagnés délinquants ou encore l’obligation pour les déboutés du droit d’asile de quitter les lieux d’hébergement d’urgence.

« L’invalidation de ces 32 dispositions pour des motifs procéduraux ne préjuge en rien de leur constitutionnalité, ou de leur inconstitutionnalité, si jamais celles-ci étaient réintroduites dans un nouveau texte », précise Serge Slama, professeur de droit public à l’Université Grenoble-Alpes. Les sénateurs centristes avaient d’ailleurs déposé une proposition de loi en février ayant pour « objet de reprendre la plupart des dispositions censurées pour des motifs procéduraux ».

« Toutefois, tout dépendra du rapport de proportionnalité entre la mesure et l’objectif poursuivi. En ce sens, la décision du Conseil sur la proposition de loi des Républicains en faveur d’un référendum d’initiative partagé (RIP) sur l’immigration donne une indication », rappelle Serge Slama.

La conditionnalité des prestations sociales non contributives, contraire à la Constitution

En mai dernier, la droite pensait avoir trouvé la parade en enclenchant un référendum d’initiative partagé (RIP) sur certains « cavaliers législatifs » retoqués par les sages de la rue Montpensier. Le texte avait pour but de soumettre à référendum certaines dispositions comme la conditionnalité des prestations sociales non contributives, la transformation de l’aide médicale d’État (AME) en aide médicale d’urgence (AMU), la fin des réductions tarifaires sur les titres de transport pour les étrangers sans papiers, la prise en compte des centres d’hébergement provisoire dans le quota de logements sociaux par commune et l’impossibilité, pour un étranger débouté du droit d’asile, de se maintenir dans un hébergement d’urgence. Des mesures

Le Conseil avait jugé que la condition de résidence en France d’une durée d’au moins cinq ans ou d’affiliation au titre d’une activité professionnelle d’une durée d’au moins trente mois pour bénéficier de prestations sociales portait « une atteinte disproportionnée » « aux exigences constitutionnelles » et était donc « contraire à la Constitution ».

« D’un point de vue légistique, beaucoup d’amendements du Sénat ne tenaient pas route »

« En substance, le Conseil constitutionnel dit au législateur : vous pouvez prendre des mesures pour restreindre l’immigration à condition de rester au-dessus d’un palier de droits fondamentaux. Par exemple, vous pouvez transformer l’AME en aide médicale d’urgence mais pas la supprimer. En ce qui concerne l’allongement de la durée de rétention, elle devra être compatible avec la directive retour pour ne pas être inconventionnelle », explique Anne -Charlene Bezzina, maître de conférences en droit public.

Dans sa décision sur la loi Darmanin, Conseil constitutionnel avait également censuré trois dispositions pour des motifs de fond. Dont l’une était la traduction d’une demande constante de la droite sénatoriale : la tenue d’un débat annuel au Parlement afin de fixer des quotas migratoires pluriannuels. « L’article 48 de la Constitution (sur l’ordre du jour parlementaire NDLR) ne donne pas la possibilité au législateur d’imposer au Parlement l’organisation d’un débat en séance publique ou la fixation par ce dernier de certains objectifs chiffrés en matière d’immigration », rappelle Serge Slama avant d’ajouter : « D’un point de vue légistique, beaucoup d’amendements du Sénat ne tenaient pas route. En passant par un projet de loi et donc un avis préalable du Conseil d’Etat, il est fort probable que ces dispositions seront mieux rédigées. Et si le ministre décidait de passer outre cet avis il s’exposerait une nouvelle fois à un risque de censure ».

C’est pourquoi, il y a quelques mois, en matière de politique migratoire Bruno Retailleau optait pour une révision de la Constitution au risque que « les Français ne voient le Parlement réduit à l’impuissance ».

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