Bioéthique : le Sénat, à majorité de droite, adopte l’article sur la PMA pour toutes les femmes

Bioéthique : le Sénat, à majorité de droite, adopte l’article sur la PMA pour toutes les femmes

Les sénateurs ont adopté l’article qui ouvre la PMA à toutes les femmes, mais en réservant son remboursement par la Sécu aux couples hétérosexuels infertiles. Un vote attendu, après le rejet la veille des amendements de suppression, grâce à une majorité alliant droite, gauche, centre et majorité présidentielle. La droite s’est retrouvée particulièrement divisée.
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C’est fait. Le Sénat, à majorité de droite, a adopté, peu avant minuit, dans la nuit de mercredi à jeudi 23 janvier, l’article 1er du projet de loi bioéthique qui ouvre la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules, par 160 voix pour, 116 contre et 45 abstentions. Un vote obtenu grâce à une majorité hétéroclite, rassemblant LR, centristes, PS, PCF ou encore LREM. Sur ce sujet, plus qu’un autre, les clivages politiques habituels pèsent moins.

La majorité sénatoriale a cependant réservé le remboursement par la Sécurité sociale aux seuls couples infertiles, excluant de fait les couples de lesbiennes. La gauche et le gouvernement ont défendu, en vain, des amendements visant à rétablir ce remboursement. La socialiste Laurence Rossignol a dénoncé une « mesure dissuasive » et la communiste Laurence Cohen une décision « inégalitaire et discriminatoire ». « L’assurance maladie n’est pas la vache à lait des politiques gouvernementales de solidarité » a rétorqué Philippe Bas, président LR de la commission des lois. Sa collègue LR Muriel Jourda, seule des quatre rapporteurs à être contre la PMA, s’est référée au code de la Sécu, qui dit que « notre système a vocation à "la protection contre le risque et les conséquences de la maladie" ».

Les sénateurs ont aussi voté ce mercredi contre le « double don » de gamètes, une mesure défendue par le gouvernement et qui autoriserait le recours à la fois à un don d'ovocyte et à un don de sperme dans le cadre d'une PMA. En fin de journée, la Haute assemblée a par ailleurs rejeté, à seulement 5 voix près, la PMA post-mortem (voir notre article).

La bataille entre pro et anti PMA pour toutes s’est jouée la veille

Les débats ont été beaucoup moins intenses que la veille et, fait rare au regard du sujet, sans explications de vote sur l’article. La bataille entre pro et anti PMA pour toutes s’est jouée en réalité mardi soir, lors du rejet des amendements de suppression de la PMA (voir notre article).

Il y a quelque mois, peu d’observateurs auraient parié sur un vote positif du Sénat, forcément conservateur aux yeux de certains. Mais la réalité est toujours plus complexe. Et la société, comme la droite et le centre, a changé. Certains sénateurs, comme le centriste Olivier Henno, l’un des quatre rapporteurs, ont évolué vers un vote favorable. D’autres, plus pragmatiques, voient bien qu’une opposition n’est pas forcément politiquement payante, et risque de les cornériser. Et la pression de la Manif pour tous, rassemblée devant le Sénat deux soirs de suite, sono à fond et drapeaux agités, n’y a rien fait.

Bruno Retailleau, président du groupe LR, n’a lui rien lâché sur ses convictions. Le sénateur de Vendée a combattu corps et âme la PMA pour toutes, dénonçant les conséquences d’un enfant sans père, ou craignant que la PMA mène à la marchandisation du corps, via la GPA. La gestation pour autrui est pourtant interdite en France, et le gouvernement ne compte rien modifier en la matière, comme l’a rappelé la ministre de la Santé, Agnès Buzyn.

La droite profondément divisée

Mais le président de groupe s’est retrouvé mis en minorité sur sa position. La droite est profondément divisée, tiraillée. Gérard Larcher, président LR de la Haute assemblée, est lui ouvert à la PMA pour toutes, tout comme le président de la commission spéciale, Alain Milon (LR), médecin de profession. Il est même à titre personnel pour la GPA.

En réalité, au sein du groupe LR, le bloc des anti-PMA pour toutes a régressé en quelques mois. Des trois quarts des sénateurs LR en 2018, qui avaient signé une tribune, ils sont aujourd’hui un peu plus de la moitié à être contre au moment du vote sur l'article (60%), le reste se partageant entre abstention ou choix de ne pas prendre part au vote. Le groupe Union centriste s’est retrouvé aussi partagé (voir le détail du vote ici).

A noter que le petit groupe LREM du Sénat n’a pas fait le plein des voix. 5 des 24 sénateurs ont voté contre, dont Michel Amiel et le co-président de la commission nationale d’investiture, Alain Richard.

« Il y a moins d’opposition. Donc la réforme existe moins médiatiquement. C’est dommage » confie un proche d’Emmanuel Macron

Du côté de l’exécutif, c’est une forme de victoire, même si le projet de loi est encore loin d’être définitivement adopté. Il y aura deux lectures par chambre sur ce texte sans procédure d’urgence. Mais quand le texte sera définitivement adopté, le gouvernement pourra-t-il en tirer un gain politique ? Face à une image qui penche à droite, la PMA pour toutes, réforme sociétale, pourrait-elle permettre, à l’heure du bilan, de contrebalancer l’équilibre à gauche ? « J’espère, mais c’est possible que non » craint et reconnaît un proche d’Emmanuel Macron. Explication : « Il y a moins d’opposition. Donc la réforme existe moins médiatiquement. C’est dommage » confie ce proche à publicsenat.fr. Lors du mariage pour tous, les débats étaient extrêmement polarisés et avaient permis à François Hollande de marquer le coup, faisant de la loi l’une des principales réformes de son quinquennat. Ce clivage très marqué n’est plus présent sur la PMA pour toutes. Ce qui explique aussi le vote positif du Sénat.

Si le climat est plus apaisé, c’est aussi en raison de l’évolution de la société. « C’est réconfortant symboliquement. C’est positif » se console ce fidèle macroniste. Le gain politique sera a minima à prendre du côté de l’électorat d’Emmanuel Macron. « C’est une promesse de campagne et à la fin, on le fait. Mais ce n’est pas un élément différenciant qui fera dire aux gens "Macron, c’est très bien" » pense ce proche du chef de l’Etat, « mais il fallait le faire ».

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