Alors que le gouvernement demande un effort budgétaire de 5 milliards d’euros aux collectivités – « 11 milliards » selon les élus – le socialiste Karim Bouamrane affirme que « Michel Barnier est totalement inconscient ». Le PS a organisé ce matin, devant le congrès des maires, un rassemblement pour défendre les services publics.
Jean-Yves Potel : « La Pologne est un des pays les plus europhiles de l’UE. »
Par Marie Oestreich
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« Nous sommes de retour en Pologne », a lancé le président polonais en 2003 lors du « oui » au référendum de l’adhésion de la Pologne à l’Union européenne. Un « retour » en Europe plus qu’un élargissement de l’Union pour les Polonais, comme le rappelle Joanna Nowicki, professeure de sciences de l’Information et de la communication à l’université de Cergy-Pontoise qui a travaillé sur l’identité européenne et les relations entre l’Est et Ouest : « La Pologne, dans la conscience collective fait partie de l’Europe depuis toujours, et elle en a été privée pendant l’occupation soviétique. » Une lecture toujours actuelle, comme l’historien spécialiste de l’Europe centrale Jean-Yves Potel le souligne : « 77 % des Polonais considèrent que l’adhésion à l’Union Européenne a renforcé la souveraineté de leur pays » (IPSOS, août 2018). Quelles explications apporter à ce paradoxe entre un parti au pouvoir qu’on peut qualifier de populiste et eurosceptique et l’opinion du peuple en Pologne ?
« 77 % des Polonais considèrent que l’adhésion à l’Union Européenne a renforcé la souveraineté de leur pays » (IPSOS, août 2018)
La Pologne symbole de la « contre-révolution culturelle » en UE
L’analyse de Jean-Yves Potel est la suivante : L’électorat du PIS renvoie, dans des contextes différents, « au Mouvement 5 étoiles en Italie ou à l’électorat du Brexit » dans la dimension de protestation contre les mouvements politiques traditionnels. Un phénomène qui fait partie des problèmes qui rongent l’Europe aujourd’hui. Martin Michelot, chercheur associé à l’Institut Jacques Delors, observe que « le recul de l’État de droit en Pologne est très largement inspiré de ce qui se passe en Hongrie », au point qu’on appelle les présidents des deux pays « les deux frères ». En somme, un projet de « contre-révolution culturelle dans l’Union Européenne » commun. Joanna Nowicki, qui travaille notamment sur les incommunications européennes, insiste sur la force des symboles en politique avec l’utilisation de « la nation, du drapeau, de l’autodéfense » qui polarisent les opinions et donnent l’impression qu’il y aurait une « bonne et une mauvaise polonité ». Une question « souvent négligée dans le débat européen » qui implique que les pouvoirs qui gagnent sont ceux « qui maîtrisent bien ces symboles. »
« Le recul de l’état de droit en Pologne est très largement inspiré de ce qui se passe en Hongrie », au point qu’on appelle les présidents des deux pays « les deux frères »
Une « européanité Polonaise » très forte
Le terme « européanité », très peu utilisé en France, est pourtant très présent dans le vocabulaire des Polonais, ce qui montre bien un attachement profond à l’Union Européenne, comme l’observe la franco-polonaise Joanna Nowicki. Et d’insister : il ne faut pas mélanger le pouvoir et la population polonaise : « Les dirigeants actuels ne reflètent pas à 100 % la société polonaise et le discours pro-européen reste ». Si un parti conservateur et eurosceptique est au pouvoir aujourd’hui, pour Jean-Yves Potel, la question du « Polexit » (sortie de la Pologne de l’UE) est très peu présente dans les esprits : « il y a très peu de gens et de groupes politiques favorables au Polexit » et même les plus hostiles à l’Union Européenne prônent plutôt une Europe des Nations avec plus de souveraineté des États. »
« Il y a très peu de gens et de groupes politiques favorables au Polexit, à la sortie de l'Union Européenne »
Il semble donc bien que l’argument « anti Europe » ne soit pas à l'origine de la victoire du PIS. Pour Frédéric Zalewski, « ce qui a fait la victoire du PIS en 2015 c’est le discours social, une possibilité de financer un État providence plus fort qu’auparavant dans un contexte où il n’est pas aussi construit que dans d’autres États ». Mais pour Martin Michelot, on peut tout de même se demander « comment un pays qui a autant bénéficié de l’UE peut être opposé à l’UE politiquement ? » Si d’après lui « la Pologne ne serait pas où elle en est aujourd’hui », notamment avec une économie qui se porte très bien, sans son adhésion à l’Union Européenne, il en reste que le parti libéral anciennement au pouvoir était impliqué dans des « abus et des captations de fonds européens ». Arguments facilement récupérables pour le parti conservateur au pouvoir qui tente d’imposer un régime autoritaire. En insistant sur le fait que le pouvoir précédent était au service des classes dirigeantes et des plus riches, il s’agit donc d’attirer l’électorat populaire. Comme dans d’autres pays tels que la Hongrie d’Orban, « Le PIS a réussi à repolitiser les groupes populaires, et cela donne une visibilité à un clivage culturel » pour Frédéric Zalewski, chercheur en science politique à l’Université Paris-Nanterre. Si pour Joanna Nowicki, « Une partie de la société polonaise développe complètement ce chemin autoritaire », le parti PIS va-t-il gagner à ce niveau ? L’avenir le dira.
« Le PIS a réussi à repolitiser les groupes populaires, et cela donne une visibilité à un clivage culturel »
À quelques semaines des élections européennes, ce sera l’occasion pour la société Polonaise de remettre la question de sa position dans l’Union européenne sur la table. La franco-polonaise Joanna Nowicki semble confiante et imagine que « les élections européennes montreront l’attachement à l’Union européenne des Polonais »