« La moitié des féminicides ont lieu en milieu rural »

« La moitié des féminicides ont lieu en milieu rural »

Isolement géographique, précarité, recul des services publics… Les femmes résidant en milieu rural sont plus vulnérables aux violences sexistes et sexuelles. Ce jeudi, la délégation aux droits des femmes recevait les acteurs spécialisés pour dégager des pistes d’action.
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Par Héléna Berkaoui

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« La moitié des féminicides ont lieu en milieu rural », rappelle la cheffe du Service des droits des femmes, Hélène Furnon-Petrescu, devant la délégation aux droits des femmes du Sénat. La vulnérabilité particulière des femmes résidant en milieu rural est l’objet de la table ronde organisée par les sénatrices, ce jeudi. Une rencontre qui s’inscrit dans le cadre de l’élaboration d’un rapport sur la situation des femmes dans les territoires ruraux qui sera publié dans l’année.

L’une après l’autre, les intervenantes ont appuyé sur les spécificités des violences faites aux femmes dans ces territoires : l’isolement géographique et social, la précarité, le manque de services publics et de solutions d’hébergement, l’absence d’anonymat. Selon la Fédération nationale des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (FNCIDFF), l’isolement social et géographique touche 73,3 % des demandes formulées par ce public. Les dispositifs existants semblent par ailleurs mal adaptés aux femmes vivant en milieu rural.

Sur le numéro d’écoute et d’orientation contre les violences faites aux femmes, le 3919, « on constate une sous-représentation des femmes vivant en milieu rural, elles représentent seulement 26 % des appels », indique la directrice générale de la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF), Françoise Brié. « En milieu rural, la dénonciation des violences est complexe et les femmes sollicitent moins les dispositifs qui peuvent les soutenir dans leur démarche », constate-t-elle. « En ce qui concerne l’éloignement géographique par des mises en hébergement pour des femmes en très grave danger, là aussi on note que seulement 4 % des demandes proviennent d’un territoire classé en zone rural ».

En 2019, un rapport du centre Hubertine Auclert documentait les inégalités accrues entre les femmes et les hommes dans les territoires ruraux. Les femmes rencontrent des difficultés dans leur mobilité, leur accès aux soins, particulièrement concernant la santé sexuelle et reproductive, soulignent-elles. Dans le cadre des violences conjugales, ces spécificités peuvent s’illustrer par l’interdiction de prendre la voiture ou le contrôle du kilométrage par le conjoint violent.

Moins opérants dans ces territoires, les dispositifs de lutte contre les violences faites aux femmes font l’objet d’une « méconnaissance systématique chez toutes les femmes » rencontrées par l’association Les Chouettes qui agit dans la ville de Die (Drôme). Les représentants de la gendarmerie nationale pointent également les limites, notamment en termes de temps d’intervention, de certains outils comme le téléphone grand danger mis à la disposition des victimes de violences conjugales pour prévenir les féminicides.

« Le confinement a accentué les difficultés »

« Le confinement a accentué les difficultés notamment pour les couples vivant encore ensemble », rapporte la Fédération nationale des centres d’information sur les droits des femmes et des familles. « Dans la Manche en 2020, c’est une augmentation de 16 % des violences faites aux femmes par rapport à 2019 », renseigne la vice-présidente du Conseil départemental de la Manche, Anne Harel. « Les publics sont souvent des personnes âgées ou handicapées, les violences conjugales sont parfois niées ou banalisées », précise-t-elle également.

Toutes les intervenantes soulignent le manque de services de proximité et une formation inégale chez les professionnels sur les violences faites aux femmes. La coprésidente de l’association Les Chouettes à Die (Drôme) réclamant par exemple la création de brigades spécialisées « pour qu’il y ait des gendarmes formés qui ne minimisent pas les témoignages des victimes ».

Nora Husson, responsable du département suivi et exploitation statistiques de la (FNCIDFF), appelle également au développement de permanences de proximité. « La notion de confidentialité est aussi importante, il faut que ce soit des lieux pluridisciplinaires pour que ces femmes puissent y venir sans être stigmatisées », insiste-t-elle.

Représentant la gendarmerie nationale, Denis Mottier, dégage des pistes similaires pour accompagner ces femmes comme « doter tous les départements de maisons de confiance et de protection des familles ». La question de la mobilité apparaît centrale pour le gendarme, en l’absence de dispositifs suffisants, il estime que c’est à ses services d’assurer cette mission pour le moment. Des initiatives locales pourraient également servir de modèle et être généralisé comme le minibus itinérant « Nina et Simone » mis en place dans les Hauts-de-France pour aider les femmes en difficulté.

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