Ecriture inclusive : une circulaire « proscrit son usage » à l’école, annonce le gouvernement

Ecriture inclusive : une circulaire « proscrit son usage » à l’école, annonce le gouvernement

Lors d’un débat organisé cette après-midi au Sénat à la demande du groupe Les Indépendants, la secrétaire d’Etat chargée de l’Education prioritaire a annoncé la publication au Journal Officiel d’une circulaire par le ministère de l’Education nationale, de la jeunesse et des sports « proscrivant l’usage de l’écriture inclusive dans les enseignements. » Une décision, au vu des débats, largement en phase avec les positions de la majorité sénatoriale.
Louis Mollier-Sabet

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Comme on pouvait s’y attendre, l’hémicycle a été le théâtre de débats houleux cette après-midi. C’était pourtant seulement un débat, sans vote ni résolution qui devait occuper les sénateurs et les sénatrices présents. Mais la cause de l’ardeur des oratrices et des orateurs résidait plus dans le thème du débat que dans la procédure utilisée : « Écriture inclusive : langue d’exclusion ou exclusion par la langue. » Le cadrage suffit à comprendre que le débat n’en était pas vraiment un et les sénateurs et sénatrices d’opposition ont paru bien esseulés entre la majorité sénatoriale et le gouvernement.

L’écriture inclusive « asservit les droits de l’homme au profit d’une dictature de minorités défendant des intérêts particuliers. »

Ecriture inclusive : "Asservir les droits de l’homme au profit d’une dictature de minorités" Decool
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C’est le groupe Les Indépendants-République-et Territoires, par l’intermédiaire de Jean-Pierre Decool, qui a le premier sonné la charge contre l’écriture inclusive, émanation des « sphères bienpensantes et politiquement correctes à l’américaine ». Mais le sénateur du Nord ne s’arrête pas en si bon chemin : l’écriture inclusive exclut, elle est « un marqueur idéologique, un signe extérieur de richesse culturelle et la Rolex de la bien-pensance. » Non seulement elle va contre « le bon sens », mais l’écriture inclusive semble mettre en danger le socle même de notre société. Elle est accusée de « nourrir l’archipélisation de la société française […] d’asservir les droits de l’homme au profit d’une dictature de minorités défendant des intérêts particuliers. »

Inefficace pour Max Brisson, « puisqu’il n’y a pas de lien entre grammaire et place de la femme dans la société », l’écriture inclusive mettrait en danger la place de la langue depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) faisant du français la langue officielle de l’administration et du droit. Le sénateur LR rejoint son collègue du groupe les Indépendants : l’écriture inclusive « créera un fossé entre ceux qui la maîtrisent et ceux qui la subissent […] et qui en seront exclus par la complexité ».

Malvoyants et dyslexiques : « L’écriture inclusive devient excluante pour une partie de la population »

Et c’est un des arguments les plus repris cette après-midi au Sénat : l’écriture inclusive – et en fait la pratique du point médian – est « inaccessible pour un grand nombre de nos concitoyens » explique entre autres, Joël Guerriau, sénateur Les Indépendants. Il est là-dessus rejoint par tous les orateurs des groupes de la majorité sénatoriale : les logiciels de synthèse vocale utilisés notamment par les malvoyants pour lire les textes ne peuvent reconnaître l’écriture qui utilise le point médian.

Cette pratique complexifierait aussi la lecture pour les dyslexiques, les dyspraxiques ou certains autistes. « Tous les systèmes d’écriture connus ont vocation à être oralisés, or il est impossible de lire l’écriture inclusive. L’écriture inclusive devient excluante pour une partie de la population, une pratique complexe et élitiste », conclut ainsi Annick Billon, présidente centriste de la délégation sénatoriale aux droits des femmes. Stéphane Ravier, sénateur RN, élargit même la focale de ces exclus de l’écriture inclusive : « L’écriture inclusive n’est rien d’autre qu’une écriture de l’exclusion, qui met la langue française en péril. Les malvoyants, les dyslexiques et les étudiants étrangers seront les victimes de ce saccage. »

« Bal des Tartuffes »

En face, les sénateurs et sénatrices de gauche ont tenté d’apaiser les craintes de leurs collègues de la majorité sénatoriale, non sans une ironie parfois piquante. Thomas Dossus, sénateur écologiste, a ainsi remercié ses collègues du groupe les Indépendants d’avoir ouvert ce débat « d’une importance capitale pour traiter d’une menace civilisationnelle aussi importante. » La suite de son intervention était plus directe : « Les réactionnaires et les conservateurs, paniqués par toute forme de progrès montent en épingle cette pratique du point médian. […] Non le point médian n’est pas le seul outil d’écriture inclusive : ça n’est pas un péril mortel ni un risque civilisationnel. » Preuve à l’appui : « Mon discours, comme celui des sénateurs et sénatrices de mon groupe a été rédigé en respectant les principes de la langue épicène que vous fustigez tant. Je vous laisse le soin de constater s’il a mis en danger la langue française. »

Le sénateur écologiste du Rhône a tout de même reconnu la difficulté de lecture qu’implique la pratique du point médian pour certaines personnes : « Son usage rend la lecture difficile pour les personnes souffrant d’un handicap de lecture, c’est pour cette raison que Jean-Michel Blanquer veut interdire son usage à l’école. » Avant, là aussi, d’être un peu moins conciliant : « Bal des tartuffes : cette soudaine passion pour les enfants en situation de handicap disparaît comme par magie quand il faut parler de revaloriser les salaires des accompagnants des élèves en situation de handicap [AESH]. »

Ecriture inclusive : "Bonne croisade, pendant ce temps là, la langue évolue." Laurence Rossignol
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Même son de cloche chez Laurence Rossignol, sénatrice socialiste, qui rappelle à ses collègues l’évolution des usages de la Haute assemblée, où « il y a 12-15 ans » les orateurs ne féminisaient pas les fonctions et appelaient les sénatrices « sénateurs ». « Maintenant tout le monde trouve ça normal » rappelle-t-elle. La sénatrice de l’Oise veut faire confiance à la marche de l’histoire : « Les féministes radicales seront les féministes dont tout le monde louera l’apport dans une dizaine d’années, nous avons l’habitude. […] C’est une bataille de résistance à l’évolution. Ce sont les mêmes qu’on a trouvés en 2014 contre le mariage pour tous, puis contre l’allongement des délais d’IVG, contre la PMA pour toutes… Bonne croisade, pendant ce temps-là la langue évolue. »

Une circulaire « proscrivant l’usage de l’écriture inclusive dans les enseignements »

Nathalie Elimas, secrétaire d’Etat chargée de l’éducation prioritaire, a pris la parole en tant que dernière oratrice au nom du gouvernement, comme le veut l’usage dans ce type de débat. Et loin de la maxime présidentielle du « en même temps », elle a semblé largement partager les craintes de la majorité sénatoriale. Jean-Michel Blanquer avait déjà déclaré vouloir « clarifier le fait » que l’écriture inclusive est interdite « dans nos usages pédagogiques ».

Cela semble être chose faite puisque Nathalie Elimas a annoncé devant les sénateurs que « le ministère de l’Education nationale, de la jeunesse et des Sports [venait] de publier une circulaire proscrivant l’usage de l’écriture inclusive dans les enseignements, […] afin de conforter les élèves dans leur apprentissage et les professeurs dans leur enseignement. »

La circulaire a effectivement été publiée aujourd’hui au Journal Officiel. La secrétaire d’Etat à l’éducation prioritaire a tout de même précisé à quel type de pratique cette interdiction s’appliquerait : « Je ne parle pas ici de l’évolution nécessaire de la langue et des usages consistant à accorder les fonctions et les métiers en fonction du genre. Je ne parle pas de la féminisation des noms mais de l’écriture dite inclusive. Nous parlons bien du point médian et des néologismes dits neutres comme le pronom non binaire ‘iel’. »

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