Conseil national de la transition Ecologique

Climat : derrière l’ambition du gouvernement, les sénateurs restent méfiants sur les modalités du plan d’action

Devant le Conseil national de la transition écologique, Elisabeth Borne a fait part de la détermination du gouvernement à accélérer la baisse des émissions de gaz à effet de serre en France. Si Matignon a levé une partie du voile sur son grand plan, les parlementaires membres de la concertation s’interrogent encore sur les modalités précises et surtout sur les moyens alloués.
Guillaume Jacquot

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Sur l’accélération de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, les pièces du puzzle se mettent progressivement en place. Accompagnée d’une dizaine de ministres, la Première ministre Elisabeth Borne a évoqué les futurs chantiers à venir ce 22 mai en présidant le Conseil national de la transition écologique (CNTE). Devant cette commission consultative, réunissant parlementaires, collectivités locales, partenaires sociaux ou encore représentants de la société civile, la cheffe du gouvernement a rappelé que l’effort devait être « collectif » et que la planification écologique devait être « équitablement répartie » pour être « acceptée ».

Dans la stratégie globale imaginée par l’exécutif, « la moitié de l’effort » sera portée par les entreprises, un quart par l’Etat et les collectivités locales et le dernier quart par les ménages. Conformément aux engagements européens, la France doit diminuer de 55 % ses émissions d’ici 2030, par rapport à 1990. A l’heure actuelle, le pays affiche un recul à hauteur de 25 %, ce qui supposera de « doubler le rythme de baisse des émissions » pour atteindre la cible, a insisté la Première ministre.

La stratégie complète doit être finalisée « dans le courant du mois de juin ». D’ici là, de nouvelles réunions vont se tenir, notamment entre les ministères et les différentes filières pour affiner le plan. « Nous ne sommes pas dans un exercice de planification descendant. C’est par le dialogue, les initiatives, celles des territoires, des entreprises, de la société civile et des citoyens, que nous réussirons à bâtir un plan d’action collectif et approprié par tous », a assuré Elisabeth Borne.

« C’est dans les groupes de travail qu’on verra la crédibilité de l’Etat »

Membre du collègue parlementaire du Conseil national de la transition écologique (CNTE), Ronan Dantec (écologiste) salue un « discours de méthode » qui « relégitime » cette instance. L’annonce d’objectifs de réduction par grands secteurs laisse le sénateur de Loire-Atlantique un peu sur sa faim. « C’est très macro. L’enjeu, c’est comment chaque secteur va atteindre ses objectifs. Tant qu’on n’a pas de la part de l’Etat les actions prioritaires et leurs impacts, c’est compliqué. C’est dans les groupes de travail qu’on verra la crédibilité de l’Etat. »

« Par rapport aux six dernières années, il y a une volonté de faire différemment, en tout cas dans le discours », reconnaît Jean-François Husson (LR). Mais le sénateur, membre également du CNTE, redoute un exercice « illusoire », étant donné le calendrier. La prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la révision de la stratégie nationale bas carbone seront dévoilées en juin. « Ça veut dire que la copie est déjà écrite », s’étonne-t-il. Reste un gros projet de loi de programmation énergie-climat annoncé pour l’automne, le temps d’approfondir les échanges avec les territoires. « On sent qu’il y a une volonté de contractualisation avec les collectivités territoriales. Cela va dans le bon sens », anticipe Ronan Dantec.

Interrogations sur les modalités de financement

Si de nouveaux « leviers » d’action doivent être identifiés d’ici l’été pour accélérer la baisse des émissions de gaz à effets de serre de plusieurs secteurs, certains axes emblématiques sont désormais bien connus. Pour les transports, la stratégie repose essentiellement sur l’électrification du parc automobile et le développement des transports en commun. Pour le bâtiment, au-delà des rénovations, le gouvernement table sur la disparition progressive des chaudières au fioul, interdites dans les nouveaux bâtiments résidentiels ou tertiaires. Le projet de Matignon ambitionne d’aller plus loin avec les chaudières à gaz. Une telle mesure pourrait, selon l’estimation du secrétariat général à la planification écologique, éviter le rejet de 26 millions de tonnes de CO2 par an, l’équivalent de ce qui est attendu avec la décarbonation des plus gros sites industriels. Le projet de loi industrie verte doit permettre de répondre en partie à ce volet précis.

Avant la déclinaison de mesures plus concrètes, Jean-François Husson lance quelques avertissements en direction de l’exécutif. « Cela reste quand même pour l’instant au stade d’une ambition déclarative. On va être jugés sur l’opérationnalité des solutions, leur temporalité acceptable. Ma crainte, c’est d’avoir des affichages qu’on va juxtaposer. » Depuis sa casquette de rapporteur général de la commission des finances, le sénateur s’interroge également sur l’acceptabilité budgétaire des mesures, dans un contexte désormais contraint pour les finances publiques. « Il n’y a pas de modalités de financement », constate-t-il.

Dans cette accélération de la transition écologique, le budget jouera évidemment un rôle clé, étant donné la masse des investissements à venir. « Tout le monde l’a dit, la question du financement est au cœur du sujet », relate Ronan Dantec. Dans son discours, Élisabeth Borne a simplement rappelé que les ministères ont été invités à identifier « des marges de manœuvre », « qui participeront à financer la transition écologique ». C’est la fameuse demande envoyée à tous les membres du gouvernement en avril.

Les pistes de l’économiste Jean Pisani-Ferry face au mur de l’investissement

Depuis lundi, le gouvernement dispose néanmoins d’une proposition sur la table : celle de l’économiste Jean Pisani-Ferry. Ce pilier de la campagne d’Emmanuel Macron en 2017 a remis à Matignon un rapport sur les « incidences économiques de l’action pour le climat ». Il y donne une idée du mur d’investissements à réaliser : jusqu’à 34 milliards d’euros d’investissements publics annuels à l’horizon 2030. Pour y parvenir, Jean Pisani-Ferry préconise un recours massif à l’endettement : 25 points de plus d’ici 2040. Actuellement le niveau de dette publique s’établit à 111,6 % du PIB. En parallèle, il préconise un « impôt exceptionnel et temporaire » sur le patrimoine financier des 10 % de Français les plus aisés, pour un produit de 5 milliards d’euros par an.

L’écologiste Ronan Dantec affirme qu’il ne peut être « que favorable » à ces deux pistes, soulignant au passage que Jean Pisani-Ferry est considéré « comme modéré par rapport à d’autres économistes ». Jean-François Husson rappelle pour sa part que tout endettement supplémentaire en faveur de la transition écologique devra s’accompagner « concomitamment » par des efforts dans d’autres postes de dépense. « Il faut sortir quand même de cette posture du déni où l’endettement serait vertueux. Pas à ce niveau d’endettement », s’inquiète le rapporteur général. Impossible de savoir dans quelle mesure le gouvernement s’appuiera ou non sur le rapport Pisani-Ferry. Ce lundi, Elisabeth Borne a simplement « salué » la présence de l’économiste. Avant de réaffirmer la volonté de l’État : « Chacun a compris que nous avions besoin d’une action fort et résolue pour nous adapter, limiter les changements en cours et restaurer la biodiversité. »

En parallèle de ce plan de réductions des émissions de gaz à effet de serre, le gouvernement veut mieux préparer le pays aux conséquences du réchauffement climatique. Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, lancera ce mardi une consultation publique pour définir une nouvelle stratégie pour adapter la France aux températures de la fin du siècle. L’exécutif compte intégrer dans les réflexions le scénario pessimiste d’un réchauffement de 4° degrés des températures en France d’ici la fin du siècle.

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