Audiovisuel public : le Sénat adopte une proposition de loi pour pérenniser son financement

Mercredi soir, le Sénat a adopté à la quasi-unanimité une proposition de loi organique déposée par la majorité LR et centriste visant à maintenir le système de financement de l’audiovisuel public mis en place depuis la suppression de la redevance en 2022. Si le texte ne satisfait pas pleinement les élus de gauche, ils reconnaissent son mérite d’éviter une budgétisation l’année prochaine.
Simon Barbarit

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Le Sénat a mis la première pierre ce soir à une pérennisation du système de financement de l’audiovisuel public. Examinée dans le cadre de la procédure d’urgence, la proposition de loi organique déposée par les sénateurs LR, Cédric Vial, Roger Karoutchi et les centristes, Catherine Morin Desailly et Laurent Lafon, président de la commission de la culture a été adoptée à la quasi-unanimité, 339 voix contre 1.

Il y a effectivement urgence à « sanctuariser » le mode de financement de l’audiovisuel public, selon le terme de la ministre de la Culture, Rachida Dati. Le remplacement de la redevance supprimée en 2022, par l’affectation d’une fraction de TVA ne peut perdurer au-delà de 2024. La loi organique du 28 décembre 2021, relative à la modernisation de la gestion des finances publiques (LOLF), prévoit, en effet, qu’au-delà de 2025 une affectation de taxe ne peut être maintenue que si celle-ci est en lien avec la mission de service public qu’elle vient financer.

Lors du dernier budget, l’affectation de la fraction de TVA avait représenté 4 milliards pour l’audiovisuel public en 2024. En attendant l’adoption définitive par le Parlement de cette loi organique, l’audiovisuel public est donc pour le moment financé par des crédits budgétaires, dans le budget 2025. Or, comme l’a rappelé Cédric Vial à la tribune, « la budgétisation est une menace parce qu’elle modifie profondément la relation entre le gouvernement et le média concerné. En cas de budgétisation, le gouvernement prend le pouvoir comme pour n’importe quelle politique publique ».

Sa collègue centriste, Catherine Morin-Desailly a souligné que le « gouvernement précédent a supprimé la redevance à l’audiovisuel public sans se soucier de lui substituer une solution pérenne. A croire que Bercy avait purement et simplement en tête, à terme, la budgétisation allant à l’encontre de l’article 5 du règlement européen sur la liberté des médias ».

 

Réécrite en commission des finances par le rapporteur (apparenté LR), Jean-Raymond Hugonet le texte clarifie le mécanisme actuel en affectant un montant d’impôt d’Etat à l’audiovisuel public. Cette précision permettra d’éviter une évolution automatique à la hausse comme à la baisse du montant versé par l’audiovisuel public », a-t-il justifié.

La gauche veut le retour de la redevance

Sans succès, les écologistes et les socialistes ont défendu des amendements visant à revenir à un système de redevance. Le sénateur écologiste, Thomas Dossus a estimé que cette proposition de loi équivalait « à une méthode de repli, moins pire que la budgétisation […] La solution de la TVA est injuste sur le plan fiscal car elle fait peser la charge sur tous les consommateurs, y compris des ménages les plus modestes […] Notre groupe aurait préféré une approche plus juste et pérenne avec la mise en place d’une redevance progressive ».

« Je ne pense pas que ce financement soit si ‘’secure’’ en matière d’indépendance. Nous devons retravailler à une redevance modernisée », a plaidé la sénatrice socialiste, Sylvie Robert auteure d’une proposition de loi en ce sens.

Le financement d’Arte ne constitue pas un cas à part

« Une redevance relève d’une loi de finances », a rappelé Jean-Raymond Hugonet. Le rapporteur a aussi supprimé, en commission, l’article 2 qui prévoyait un financement spécifique pour Arte, avec prélèvement sur recettes. « Le mécanisme des prélèvements sur recettes est actuellement limité aux collectivités territoriales et à l’Union européenne […] La modification proposée par cet article reviendrait à mettre sur le même plan collectivités territoriales, Union européenne et Arte France », avait expliqué le rapporteur, la semaine dernière.

Les écologistes ont déposé un amendement pour réintroduire l’article 2. « Arte est un cas spécifique dans sa gouvernance et dans son financement […] Il a été avancé […] que le prélèvement sur recettes répondrait aux exigences du traité franco-allemand qui a donné naissance à la chaîne », a argué la sénatrice écologiste, Monique de Marco.

« Le prélèvement sur recettes n’offre pas plus de visibilité pluriannuelle supplémentaire. A ce titre, il ne répond pas plus aux engagements internationaux d’Arte que l’affectation d’une fraction de TVA », a répondu Jean-Raymond Hugonet. Cédric Vial, à l’origine en faveur du prélèvement sur recettes pour Arte, a finalement reconnu que ce traitement spécifique constituait une « dimension symbolique » mais qu’il n’y avait pas « de blocage juridique ou politique » à ce qu’on revienne à cette fraction de TVA.

En examinant le texte en procédure d’urgence, l’objectif pour les parlementaires, est une adoption définitive avant la fin de l’année pour une entrée en vigueur dès 2025. Dans le cas contraire l’audiovisuel public sera financé par des crédits budgétaires dans le budget 2025.

Après le financement viendra la réforme de la gouvernance. « Plutôt que de disperser ses forces l’audiovisuel public doit les regrouper, c’est l’ambition de la réforme de la gouvernance portée par le président Lafon », a rappelé la ministre de la Culture, Rachida Dati. Laurent Lafon est l’auteur d’une proposition de loi créant une holding, nommée « France Médias » qui regrouperait ainsi France Médias Monde (RFI, France 24 et MCD), Radio France, France Télévisions et l’Institut national de l’audiovisuel (INA).

Pour mémoire en mai dernier, la ministre de la Culture allait encore plus loin en défendant l’idée d’une fusion des différentes filiales sous la responsabilité de cette holding France Médias.

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