Ce matin, la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a été adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat. Elle prévoit des assouplissements sur les pesticides et le stockage de l’eau, et entend calmer les tensions entre les agriculteurs et l’Office français de la biodiversité.
Zones à faibles émissions : Christophe Béchu annonce de nouvelles aides pour déminer « un sujet hautement inflammable »
Par Romain David
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L’exécutif rectifie le tir. Face aux inquiétudes grandissantes des élus locaux, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a annoncé mardi 25 octobre une série de mesures destinées à améliorer l’accompagnement du déploiement des « zones à faibles émissions » (ZFE). Ce dispositif, qui prévoit de restreindre d’ici à 2025 la circulation des véhicules les plus polluants dans certains périmètres urbains, soulève de nombreuses interrogations, notamment en ce qui concerne un risque de mise au ban des usagers les plus modestes, détenteurs de véhicules anciens ou à moteurs diesel. Dans la matinée, Christophe Béchu a reçu les représentants des métropoles concernées pour un premier comité de suivi.
Les particuliers résidants ou travaillant dans une ZFE pourront souscrire un prêt à taux zéro, à hauteur de 30 000 euros, pour l’achat d’un véhicule neuf, ou une location longue durée, a annoncé le ministre lors de la conférence de presse, qui a suivi ce comité. Ce prêt pourra également s’appliquer au « retrofit », une procédure qui consiste à changer de moteur sans toucher à l’enveloppe du véhicule. « Nous sommes en train de travailler à ce que la garantie d’Etat puisse rendre le dispositif plus effectif que s’il ne reposait que sur la capacité contributive des ménages qui le demandent », a précisé Christophe Béchu. De plus, la surprime de 1 000 euros, réservée aux intercommunalités mettant déjà en place une prime locale, sera accessible à l’ensemble des ZFE. Ces aides sont cumulables avec d’autres dispositifs existants, comme le bonus écologique de 6 000 euros à l’achat d’un véhicule à faibles émissions, qui doit être porté à 7 000 euros pour 50 % des Français les plus modestes. Mais aussi la prime à la conversion de 5 000 euros pour la mise au rebut d’un véhicule polluant.
Un système automatisé de verbalisation
En ce qui concerne les collectivités, le fonds vert annoncé par Élisabeth Borne, doté de 2 milliards d’euros dans le cadre du budget 2023, destiné à accompagner les territoires sur le chemin de la transition énergétique, comportera une enveloppe de 150 millions d’euros, fléchés en direction des territoires concernés par la mise en place des ZFE. Le gouvernement va également proposer aux agglomérations un dispositif de contrôle, l’une des principales inquiétudes des élus étant liée à la verbalisation des usagers – les contrevenants s’exposent à une amende de classe 4 -, qui nécessite d’importants moyens techniques et humains, à l’heure où les collectivités sont priées de surveiller leurs dépenses. « Nous travaillons à la mise en place d’un contrôle-sanction automatisé sous forme de radars, qui sera disponible au deuxième semestre 2024. Ce système par lecture de plaques d’immatriculation permettra d’y intégrer des dérogations, puisque nous aurons la liste des usagers concernés : véhicule d’urgence, personnes en situation de handicap… », a expliqué Christophe Béchu.
Le gouvernement entend également surveiller de plus près le déploiement des ZFE à travers la nomination d’un « interlocuteur unique, un monsieur ou une madame ZFE, qui sera un référent interministériel », doté de compétences liées aux transports, à la santé et aux PME. La réunion interministérielle de mardi matin sera désormais reconduite deux fois par an, afin d’échanger, entre élus locaux et membres du gouvernement, « sur les bonnes pratiques et les freins » au dispositif. Par ailleurs, différents groupes de travail vont voir le jour. L’un pour une mise en cohérence des règles entre les ZFE, plus particulièrement en ce qui concerne les poids lourds. « Il va de soi qu’il est souhaitable que les règles soient harmonisées pour que le transport logistique, partant d’un endroit pour aller à un autre, se retrouve avec les mêmes règles », a souligné le ministre. Un autre groupe sera chargé de plancher sur les ZFE situées en zones portuaires, là où les villes subissent déjà des règles de limitation liées à la pollution des navires. Des réflexions pourront également s’engager autour des ZFE touristiques ou frontalières, qui accueillent un grand nombre de véhicules immatriculés à l’étranger, l’objectif étant de faire en sorte qu’ils soient soumis aux mêmes restrictions que les nationaux.
Accompagnement ou « changement de braquet » ?
Enfin, un dernier groupe de travail se penchera sur les questions d‘accessibilité sociales. « À aucun moment on ne peut imaginer que cet impératif de santé publique aurait vocation à rétablir des péages ou des octrois à l’entrée de nos métropoles, avec une exclusion sociale des plus fragiles, puisque nous avons une surreprésentation des ménages modestes [concernés par les interdictions] », a insisté Christophe Béchu. Face à ce qui pourrait s’apparenter à une reprise en mains du dispositif par l’exécutif, le ministre, également chargé de la Cohésion des territoires, a tenu à déminer le terrain : « Nous ne sommes pas dans l’optique de nous subtiliser aux collectivités, mais de leur donner les moyens de mettre en œuvre », a-t-il fait valoir. « Toute la politique des ZFE repose sur le choix des collectivités territoriales, la mise en œuvre est à la main des collectivités : quelles zones, quels véhicules, quelle amplitude horaire… », a-t-il encore insisté.
Mais pour le sénateur LR Philippe Tabarot, qui a été l’un des rapporteurs du projet de loi à l’origine des ZFE, il s’agit bien « un changement de braquet » de la part du gouvernement sur « un sujet devenu hautement inflammable ». « Ce qui est agaçant, c’est de constater que tous ces sujets ont été abordés et défendus lors de l’examen du texte au Sénat. Tout ce que l’on avait réussi à faire passer, notamment le prêt à taux zéro, a été retoqué pendant la commission mixte paritaire. Aujourd’hui, le gouvernement fait volte-face parce que le principe de réalité lui saute au visage », s’agace-t-il auprès de Public Sénat. « Les Gilets Jaunes ont un peu commencé comme ça, et l’on sait bien qu’entre le Français et sa voiture, c’est une longue histoire d’amour… » Plus nuancée, la sénatrice socialiste Martine Filleul, qui a participé à la rédaction d’un rapport sur la « logistique urbaine durable », y voit plutôt une « volonté de concerter pour accélérer sur la mise en place d’un dispositif très compliqué, alors que la France est sommée de tenir ses engagements en matière d’écologie ». « Il y a une véritable inquiétude sur ce point, la pollution aux particules fines, c’est 47 000 personnes tuées prématurément chaque année », pointe-t-elle.
45 zones de faibles émissions d’ici 2025
Les ZFE ont été instaurées par la loi du 24 août 2021, issue des travaux de la Convention citoyenne sur le Climat, également appelée « loi climat et résilience ». Il s’agit d’un périmètre au sein duquel la circulation des véhicules les plus polluants est strictement encadrée, et dans certains cas interdite. Le texte prévoit leur déploiement dans 45 métropoles et agglomérations de plus de 150 000 habitants d’ici le 1er janvier 2025. Une mesure qui concerne donc les principales aires urbaines françaises, Paris, Lyon, Marseille-Aix-en-Provence, Lille et Bordeaux, mais aussi des villes de moindre importance comme Béthune et Douai dans le Nord, Lens dans le Pas-de-Calais, Tours en Indre-et-Loire, Limoges en Haute-Vienne ou encore Pau dans les Pyrénées-Atlantiques.
Dans ces différentes zones, les véhicules identifiés comme étant les plus polluants par le système de certification Crit’Air, qui classe les niveaux d’émissions de particules fines, seront soumis à des limitations de circulations dont les modalités et le calendrier d’application sont laissés à la liberté des collectivités territoriales. Onze agglomérations ont déjà sauté le pas. Dans le détail, il s’agit des véhicules concernés par les vignettes 5 (pastille grise pour les diesels produits entre 1997 et 2000), 4 (pastille bordeaux pour les diesels produits entre 2001 et 2005) et 3 (pastille orange pour les diesels produits entre 2006 et 2010, et les moteurs à essence produits entre 1997 et 2005).
Un dispositif qui cible indirectement les plus modestes
Mais depuis que la loi a été votée, et alors qu’approche le délai limite pour son déploiement, l’acceptabilité sociale de la mesure interroge et l’inquiétude des élus locaux ne cesse de monter. Beaucoup redoutent de voir ce dispositif embraser la grogne sociale. À plus forte raison dans un contexte de très forte inflation et de crise de l’énergie. Dans son rapport, la mission d’information mise en place à l’Assemblée nationale autour des mesures d’accompagnement prévues pour la mise en œuvre des ZFE rappelle que 44 % de la population française sera impactée d’ici 2025. Selon l’enquête « Mobilité des personnes », publiée par l’INSEE en 2019, 38 % des ménages les plus pauvres ont un véhicule classé Crit’Air 4 ou 5, contre seulement 10 % parmi les ménages les plus riches.
Insuffisance des aides versées aux automobilistes pour la conversion, développement trop lent des offres de mobilités alternatives… Les élus locaux alertent depuis de longs mois sur la nécessité d’un effort supplémentaire de la part de l’Etat. « Au moment de l’examen du texte, nous n’avons peut-être pas suffisamment insisté sur tout ce que cette loi aller impliquer », concède le sénateur centriste Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. « Moi-même, j’ai été beaucoup marqué par les mails que j’ai reçus depuis, notamment de la part de travailleurs installés en périphérie urbaine, qui ne savent pas comment ils vont pouvoir se rendre au travail quand la loi sera appliquée ».
« Changer de véhicule est financièrement inaccessible pour de nombreux ménages »
Dans une question écrite adressée au Premier ministre, et datée de 20 octobre dernier, la sénatrice communiste de Seine-Maritime, Céline Brulin, est même allée jusqu’à réclamer un moratoire. « Si les objectifs d’amélioration de la qualité de l’air et de la lutte contre le réchauffement climatique sont absolument nécessaires et légitimes, il n’en demeure pas moins que l’application de ces ZFE se heurte à une réalité économique moins évidente pour nos concitoyens. En effet, les ZFE ne doivent pas être un obstacle à leur mobilité. Or, changer de véhicule est financièrement inaccessible pour de nombreux ménages », fait valoir l’élue.
Dans la version de la loi amendée par le Sénat, le délai limite de mise en place des ZFE avait été renvoyé à 2030, rappelle Philippe Tabarot. « Plus tôt, la filière de l’électrique ne pourra pas être au rendez-vous. Matériellement, il est impossible d’avoir un parc d’occasions électriques pour répondre aux besoins des foyers à faibles revenus », note-t-il. « Il est vrai qu’en se donnant plus de temps, on donne aussi l’occasion aux prix du marché de baisser. Mais devant l’urgence climatique, je préconiserais davantage d’aides pour les particuliers », oppose Martine Filleul. À ce propos, la sénatrice du Nord relève qu’aucune mesure à l’intention des artisans n’a été annoncée, même s’ils peuvent faire partie des profils exonérés d’obligations : « Un dispositif d’aides dédiées à tous ceux qui utilisent leur voiture ou une camionnette, parfois ancienne, pour se rendre en ville et travailler sur des chantiers, me semble indispensable », pointe-t-elle.
« Avec le dispositif des zones à faibles émissions, il y a un risque évident de grogne, aussi bien du côté des Français que des collectivités », résume le président Longeot. « Il s’agit de nouvelles contraintes, c’est certain, mais elles doivent aussi être vues comme une nécessaire adaptation. »
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