Yves Pouliquen, ophtalmologiste, membre de l’Académie nationale de médecine et membre de l’Académie française publie « L’œil dévoilé, l’œil guéri » (Odile Jacob) dans lequel il raconte cinquante ans d’ophtalmologie, une médecine qui a fait des pas de géant : « J’ai fait 60 ans d’activités (…) Les souvenirs que j’ai de 1956, c’était les souvenirs d’une médecine du 19e siècle (…) J’ai assisté à cette évolution prodigieuse de l’ophtalmologie. Cette évolution était absolument imprévisible lorsque j’avais trente ans. »
La cataracte, une opération de routine aujourd’hui, était « une décision grave », à la fin des années 50 : « Opérer une cataracte en 1960, c’était de l’art. De l’art et du danger (…) Le décollement de rétine était encore pire parce que (…) c’était presque à coup sûr (…) l’œil perdu une fois sur deux. Alors que maintenant, on guérit anatomiquement 95% des décollements de rétine. »
Pour l’ophtalmologiste, les progrès sont tels qu’« il est possible, probablement, de recréer un jour, un organe visuel, même élémentaire. »
Pour réaliser sa passion, le jeune Yves Pouliquen a caché à ses parents son inscription en médecine. Il ne souhaitait pas se spécialiser en ophtalmologie mais sa rencontre avec une jeune femme aux yeux verts, dont le père était lui-même ophtalmologiste, l’a fait changer d’avis, lui qui méprisait cette spécialité : « Je trouvais que je me dégradais par rapport à la grande médecine que je voulais faire. Mais en réalité, l’ophtalmologie est une science merveilleuse. L’œil participe de tout l’organisme. C’est une discipline médicale (…) on a tendance à l’oublier, et c’est une discipline chirurgicale. Les deux exquisément. »
Yves Pouliquen est de ceux qui pensent que la relation médecin-malade est fondamentale. Pas toujours fréquent chez les grands pontes français, plus connus pour leur technicité :
« Aborder la médecine, sans avoir ce goût de l’autre, sans avoir cette volonté de servir, est peut-être une erreur. Car à ce moment-là, on souffrira de ce métier qui est (…) dur, constant, (…) permanent et qui exige de vous énormément (…) La médecine moderne a diminué la part de communication entre le médecin et son patient. Or, je pense que cette communication, déjà, résout une partie du problème pathologique qu’a le patient (…) On est presque sûr de guérir, maintenant. Ce que je n’étais pas sûr de faire quand j’étais jeune. Mais par contre, cette certitude est peut-être aux dépens de la communication que le malade réclame. Car le malade est très exigeant aussi. Et il a changé ses exigences (…) Les médecins ont changé par rapport aux malades et les malades ont changé par rapport à ce qu’ils demandaient aux médecins. »
Vous pouvez voir l’entretien d’Yves Pouliquen, en intégralité :
Yves Pouliquen : l’œil jamais loin du coeur