Violences entre bandes de jeunes : les sénateurs appellent à « un effort collectif d’éducation »

Violences entre bandes de jeunes : les sénateurs appellent à « un effort collectif d’éducation »

Après la mort de deux adolescents de 14 ans dans des rixes entre bandes rivales, les sénateurs appellent à un effort d’éducation et de protection des jeunes de la part de tous les acteurs concernés pour lutter contre cette banalisation de la violence.
Alexandre Poussart

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« Cette violence qui touche nos jeunes peut frapper partout, y compris à Saint-Chéron, une bourgade rurale très tranquille », constate Jean-Raymond Hugonet, sénateur (Les Républicains) de l’Essonne, attristé par la mort de deux adolescents lors de deux rixes de bandes rivales, dans son département, à Saint-Chéron et Boussy-Saint-Antoine. Ces scènes de violences de jeunes se multiplient ces derniers mois, notamment en Île-de-France, et marquent l’opinion, comme l’agression du jeune Yuriy, 14 ans, par une bande rivale, dans le XVe arrondissement de Paris.

Des actes commis par « des enfants de plus en plus jeunes »

« Ces phénomènes de bandes ne sont pas nouveaux à Paris mais ils touchent des enfants de plus en plus jeunes », observe la sénatrice (LR) de Paris, Céline Boulay-Espéronnier, qui vit dans la capitale depuis 25 ans. « Cet été, dans le XVIe arrondissement, près de chez moi, j’ai vu des jeunes que je connais depuis qu’ils sont tout petits, agresser des policiers en disant à leurs copains « Canardez-les ! Tapez-les ! ». Il y a 10 ans, on ne voyait pas ça », estime la sénatrice qui a envoyé, il y a trois semaines, une question écrite au gouvernement sur ces rixes entre bandes : « une question pour l’instant laissée sans réponse de la part du ministère de l’Intérieur ».

Le sénateur LR du Rhône Etienne Blanc a également interrogé le ministre de l’Intérieur sur ce phénomène lors des questions d’actualité. Il constate une surenchère de la violence lors de ces affrontements entre jeunes. « Quand on regarde les images de vidéosurveillance, on est surpris par la violence inouïe de ces jeunes. Ils ne frappent plus pour blesser mais pour tuer. Les coups sont plus précis. »

Un effort collectif d’éducation contre la banalisation de la violence

« Il faut un effort collectif d’éducation pour faire face à cette banalisation de la violence chez nos jeunes. Ils baignent dans une culture violente à travers les séries qu’ils regardent ou les vidéos qu’ils voient sur les réseaux sociaux », estime Jean-Raymond Hugonet, membre de la commission de la Culture et de l’Education du Sénat. La responsabilité des parents est aussi pointée du doigt. « Certains parents sont complètement débordés par leurs enfants. » Même constat pour Thani Mohamed Soilihi, sénateur (RDPI-LREM) de Mayotte, département d’Outre-mer qui constate une montée des violences entre bandes rivales : « depuis des années, nous observons une démission des familles pour s’occuper de la jeunesse. Avant il y avait une solidarité entre les familles d’un quartier. Quand un adulte voyait un enfant faire une bêtise, il allait le remettre à ses parents. Les jeunes étaient vraiment surveillés. Ce n’est plus le cas. »

Le rôle des associations est également primordial dans l’encadrement de la jeunesse. « Depuis un an, à cause de la crise sanitaire, les associations qui permettent aux jeunes de se sociabiliser et de faire des activités sont en grande difficulté », regrette Cécile Cukierman.

Une réponse judiciaire adaptée à ce phénomène

Outre le volet éducatif, certains pointent l’importance de la réponse judiciaire à cette délinquance juvénile, alors que le Parlement a adopté récemment la réforme de la justice pénale des mineurs. Pour Thani Mohamed Soilihi, qui a participé au débat au Sénat, cette réforme va permettre d’accélérer la réponse pénale concernant les mineurs, alors que jusque-là les délais pour sanctionner un jeune et décider de mesures éducatives étaient trop longs. » La sénatrice communiste Cécile Cukierman souligne la nécessité de renforcer l’accompagnement judiciaire du jeune auteur de violences : « Cela ne sert à rien de le condamner rapidement pour ensuite le renvoyer dans son quotidien de violences. Il faut lui proposer des solutions à long terme. »

Renforcer les moyens de la police

Comme beaucoup d’élus, les sénateurs déplorent un manque de moyens de la police pour faire face à ce phénomène de bandes rivales. « Dans mon commissariat à Firminy (Loire), il manque des policiers », regrette Cécile Cukierman. « Il faut aussi une police de proximité qui désamorce la violence entre jeunes dans les quartiers. » Pour le sénateur (LR) Philippe Dominati, « les policiers ont été, ces derniers temps, détournés de la mission de lutte contre la délinquance pour s’occuper du respect des mesures sanitaires. Revenons aux fondamentaux ! » Même avis pour le sénateur du Rhône Etienne Blanc, « libérons les policiers de toutes les lourdeurs administratives, pour qu’ils puissent traquer ces bandes violentes et faire un vrai travail de surveillance, notamment sur les réseaux sociaux. S’ils ont besoin d’outils juridiques supplémentaires pour remplir cette mission, le Sénat devra leur donner lors de l’examen de la proposition de loi Sécurité globale en mars prochain. »

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Procès de l'assassinat de Samuel Paty : tous les accusés ont été reconnus coupables

Les deux amis de l’assassin du professeur Samuel Paty, Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov, ont été reconnus coupables de complicité d’assassinat et condamnés à 16 ans de réclusion criminelle. Le verdict a été accueilli par des cris et des pleurs de la part de la famille de Naïm Boudaoud, âgé de 22 ans. « Ce soir, c’est la République qui a gagné », s’est félicité Thibault de Montbrial, avocat de Mickaëlle Paty, une des sœurs du professeur assassiné. La cour a également déclaré coupables d’association de malfaiteurs terroriste les deux auteurs de la « campagne de haine « qui ont fait de Samuel Paty une « cible » : Brahim Chnina, 52 ans et le prédicateur islamiste Abdelhakim Sefrioui, 65 ans, ont écopé respectivement de 13 et 15 ans de réclusion criminelle. « J’ai compris que vous avez fait de la politique, pas de la justice », s’est exclamé depuis son box Abdelhakim Sefrioui avant d’être sèchement interrompu par le président, tandis que la famille de Brahim Chnina, très nombreuse sur les bancs du public, éclatait en sanglots et cris de désespoir. Vincent Brengarth, un des avocats d’Abdelhakim Sefrioui, a annoncé aussitôt que son client faisait appel de sa condamnation. Ouadie Elhamamouchi, autre avocat du prédicateur, a estimé que son client était désormais « un prisonnier politique ». « Je me désolidarise de ces propos-là », a cependant nuancé Me Brengarth, montrant des failles dans la défense du prédicateur. Avocat de la compagne de Samuel Paty et de leur fils, présent à l’audience, Francis Szpiner s’est félicité d’un « verdict équilibré ». Le fils de Samuel Paty, âgé seulement de 9 ans, a compris que « justice a été rendue pour son père », a-t-il ajouté. Si le quantum des peines n’est pas très différent de ce que réclamait le parquet, la cour présidée par Franck Zientara a choisi de maintenir l’infraction de « complicité » pour les deux amis d’Abdoullakh Anzorov, un islamiste radical tchétchène de 18 ans, abattu par la police peu après son acte. Les quatre autres accusés, dont une femme, appartenant à la « jihadosphère » qui était en contact avec Anzorov sur les réseaux sociaux, ont également tous été condamnés à des peines de prison ferme ou avec sursis. Pour deux d’entre eux (Ismaël Gamaev et Louqmane Ingar) la cour a retenu l’association de malfaiteurs terroriste tandis qu’elle a déclaré coupable Priscilla Mangel de provocation au terrorisme et Yusuf Cinar d’apologie du terrorisme. La veille de l’attentat, Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov avaient accompagné Anzorov à Rouen pour y acheter un couteau (pas celui qui a servi à décapiter Samuel Paty) qui sera retrouvé sur la scène de crime. A l’audience, Boudaoud et Epsirkhanov ont répété qu’Anzorov leur avait expliqué que ce couteau était « un cadeau » pour son grand-père. Le jour de l’attentat, le 16 octobre 2020, Boudaoud, le seul sachant conduire, avait accompagné le tueur dans un magasin de pistolets airsoft puis l’avait déposé à proximité du collège où enseignait Samuel Paty. « Volonté de s’attaquer à l’intégrité physique d’un tiers » Les deux jeunes gens « avaient conscience de la radicalité » d’Anzorov et qu’il « avait la volonté de s’attaquer à l’intégrité physique d’un tiers », a estimé la cour. Cependant, a souligné le président Zientara, « il n’est pas démontré que (les deux jeunes gens) étaient avisés de l’intention d’Anzorov de donner la mort à Samuel Paty ». Les magistrats du Pnat avaient requis 14 ans de réclusion assortie d’une période de sûreté des deux tiers contre Boudaoud et 16 ans de réclusion également assortie d’une période de sûreté des deux tiers contre Epsirkhanov. La cour n’a cependant pas retenu la période de sûreté des deux tiers à leur encontre. Brahim Chnina, père de la collégienne qui a menti en accusant le professeur d’avoir discriminé les élèves musulmans de sa classe lors d’un cours sur la liberté d’expression où il a présenté une caricature de Mahomet, avait lui posté des messages et une vidéo hostile au professeur dès le 7 octobre. Quant à Abdelhakim Sefrioui, fondateur de l’association (aujourd’hui dissoute) pro-Hamas « Collectif Cheikh-Yassine », il avait qualifié Samuel Paty de « voyou » dans une autre vidéo. Mais rien ne prouve qu’Anzorov avait vu la vidéo d’Abdelhakim Sefrioui, avaient mis en avant ses avocats, ajoutant que leur client n’avait pas rencontré l’assassin de Samuel Paty. « La cour a considéré que (MM. Chnina et Sefrioui) avaient préparé les conditions d’un passage à l’acte terroriste », a indiqué M. Zientara. (Avec AFP)

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