Dans un communiqué publié lundi, l’alliance Pfizer-BioNTech indique que son vaccin contre le covid-19 est sûr et efficace pour les enfants âgés de six mois à cinq ans avec l’injection de trois doses. Une annonce qui tombe alors que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) poursuit ses travaux sur les effets secondaires de la vaccination contre le SARS-CoV-2. L’OPECST a été saisi le 9 février 2022 de cette question par la commission des Affaires sociales du Sénat, après le dépôt de trois pétitions auprès de la Chambre haute. Après avoir auditionné une cinquantaine d’intervenants, professionnels de santé, chercheurs, représentants de victimes d’effets indésirables, etc., les parlementaires se penchaient ce mardi 24 mai sur le signalement et la prise en compte des effets connus ou suspectés, auditionnant notamment plusieurs responsables des dispositifs de pharmacovigilance.
Il a longuement été question au cours de cette audition des troubles du cycle menstruel. Les signalements de saignement anormaux se sont multipliés dès les premiers mois de la campagne de vaccination. « Les troubles menstruels, dont on parle beaucoup depuis de nombreux mois, ne sont toujours pas reconnus comme des effets indésirables », s’est inquiétée la sénatrice centriste du Calvados Sonia de La Provôté qui fait partie des trois rapporteurs chargés de conduire les travaux de l’OPECST. « C‘est un sujet d’étonnement. Comment cela est-il possible ? Que manque-t-il pour que cet effet indésirable soit reconnu ? […] Ces troubles interpellent par leur fréquence, ils ont inquiété certaines femmes, notamment des jeunes femmes à qui on a affirmé que ce n’était pas grave. Mais la réponse du ‘pas grave’ n’est pas une réponse médicalement et scientifiquement étayée », a-t-elle relevé.
« L’Europe a estimé qu’il était compliqué de trancher »
En 18 mois, près de 80 % de la population française a reçu une primo-vaccination complète (deux doses) et 59 % une dose de rappel. En tout, ce sont 144,3 millions d’injections qui ont été réalisées depuis le début de la campagne, en décembre 2020. « Dès l’été 2021, nous avons analysé 230 cas de troubles menstruels pour le vaccin Pfizer. Une vingtaine de cas pour le vaccin Moderna », indique la professeure Joëlle Micallef, référente pour le vaccin élaboré par Pfizer et BioNTech auprès du réseau français des centres de pharmacovigilance. « On a été surpris par le nombre de déclarations sur ce sujet. On ne comprend pas très bien comment cela fonctionne. Le tableau clinique est très large, cela va du saignement à l’aménorrhée, c’est-à-dire l’absence de règles, en passant par la douleur utérine très violente », abonde la professeure Sophie Gautier, référente Moderna.
En décembre 2021, la France produit un rapport sur la base de 4 000 signalements. Et pourtant, le comité de pharmacovigilance et d’évaluation des risques des médicaments (PRAC) de l’Agence européenne du médicament, qui s’est saisie du sujet dès l’été 2021, choisit d’abandonner ce dossier. « L’Europe a estimé qu’il était compliqué de trancher : les troubles mensuels sont quelque chose de fréquents en population générale, multifactoriels, avec des histoires de stress. L’UE a estimé qu’elle n’avait pas les moyens d’établir un lien avec le vaccin et a clos le signal », décrypte Sophie Gautier.
Des études pharmacologiques difficiles à conduire sur de grands échantillons de population ?
« Je suis alertée par cette situation. Je suis depuis longtemps le collectif ‘Où ets mon cycle’ qui recense des témoignages de femmes, et l’on voit bien que ce phénomène touche tous les milieux », réagit auprès de Public Sénat la sénatrice LR du Bas-Rhin Laurence Muller-Bronn, qui a suivi cette audition et qui s’est opposée au passe vaccinal. « Historiquement, les problèmes gynécologiques n’ont jamais été suffisamment pris au sérieux, parce que l’on considère que c’est une affaire de femmes. Devant un tel nombre de remontées, on ne peut que déplorer l’absence de signal au niveau européen. Tant que ce problème n’est pas reconnu comme un effet secondaire, les médecins ne sont pas prévenus et il ne peut pas y avoir de prise en charge », s’agace-t-elle.
« Pour un patient donné, on peut établir un lien avec le vaccin, mais une étude pharmacologique peut ne pas confirmer, au niveau populationnel, que le vaccin augmente bien cette pathologie », explique le docteur Annie-Pierre Jonville-Bera, présidente du réseau des Centres régionaux de pharmacovigilance. « Cela s’explique par la présence de pathologies très particulières chez certains, des facteurs de risque chez d’autres ou certains biais. »
Une nouvelle enquête européenne
Face à l’ampleur des signalements, l’Union européenne a finalement choisi de rouvrir ce dossier, mais sur deux points particuliers : les saignements abondants qui gênent la vie quotidienne et les aménorrhées de plus de trois mois. « Nous n’étions pas les seuls : les Norvégiens, les Suédois, les Anglais ont insisté en disant qu’il y avait beaucoup de cas », rapporte Sophie Gautier. « Ce sont des effets considérés comme non graves », souligne encore cette intervenante. « Ils ne conduisent pas à une hospitalisation, ne durent pas plus d’un cycle. Mais ils sont suffisamment impactants sur la vie des personnes concernées pour être un objet de préoccupation. » Les résultats de l’enquête européenne sont attendus pour le mois de juin.
Retrouvez cette audition en intégralité ici.