Avec 6% de PIB, la France entre en récession, c’était prévisible ?
Oui, ce n’est pas une surprise. La quasi-cessation d'activité depuis le 16 mars et le début du confinement décidé pour lutter contre le Covid-19 produisent leurs premiers effets statistiques. Il s'agit bien de la plus forte diminution trimestrielle de l'activité de l'économie française depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les industries pharmaceutiques et agroalimentaires sont celles qui résistent le mieux, avec le maintien respectif de plus de 70% de leur activité. L'automobile et la métallurgie à moins de 50% ne peuvent pas en dire autant. Cet arrêt presque total en France, mais aussi dans les autres pays d’Europe, se traduit logiquement par des pertes de points de croissance.
Cette récession liée la crise sanitaire du Covid-19 n’est pourtant pas comparable aux précédentes crises ?
C’est effectivement une crise de nature différente car la récession n’est pas liée à l’éclatement d’une bulle financière ou immobilière, ce n’est pas une crise structurelle : le gouvernement a mis à l’arrêt l’économie avec le confinement pour pouvoir juguler la crise du Coronavirus, c’est un choix. On n’est pas au sortir d’une guerre, le système économique est à l’arrêt mais pas détruit. L’État a décidé de prendre en charge au maximum le coût de la récession avec le chômage partiel pour limiter les destructions d’emplois. En France, ce sont désormais près de 6 millions de salariés qui sont concernés par des mesures de chômage partiel, soit un quart du privé. Il y a un effort important pour maintenir l’activité économique en sommeil, même si le dispositif permet de protéger uniquement les salariés, et pas les contrats courts ou les indépendants. Le chômage va donc augmenter un peu mais moins que si nous étions dans une récession classique. Il faudra attendre un peu avant d’avoir une idée de l’impact réel de ces mesures sur l’emploi. Elles permettront de limiter la casse, mais difficile de savoir dans quelle proportion. De nombreuses PME/TPE risquent de faire les frais de ce confinement prolongé.
L’État en fait-il assez pour les entreprises ?
Différentes mesures ont été prises afin d’aider les entreprises à surmonter la crise actuelle. Il y a notamment un report possible des dettes sociales et fiscales, un soutien pour les prêts bancaires... Mais il va falloir sans doute que le plan soit supérieur. C'est très bien de geler pendant un mois ou deux un certain nombre de dépenses, type fiscalité. Mais s’il faut qu'elles remboursent dès que ça repart suffisamment, alors cela peut poser des problèmes. Il y a une différence entre : est-ce que c'est gelé ou est-ce que c'est complètement annulé ? La perte d’activité des entreprises devrait être entièrement prise en charge par l’État. Ce serait un peu plus en adéquation avec le discours du président. Rappelons qu’il a dit vouloir sauver l’économie ‘quoi qu’il en coûte’. Les plans de relance après le déconfinement, ce seront des plans visant l’offre, si des entreprises n’ont pas pu bénéficier des aides. Il faudra les aider.
Mais tout ça va coûter cher ?
Évidemment on va augmenter les déficits mais on se posera les questions plus tard sur comment gérer ce surcroît de dette. Pour le moment, le plus important, c’est de permettre à l’économie de redémarrer rapidement, et pour ça il faut de l’argent public. Si on arrive à maintenir un système productif en place, alors on aura une probabilité de rebond un peu plus important mais si aujourd'hui on ne prend pas les bonnes décisions, alors ce tissu productif va se détruire progressivement et là on aura une crise beaucoup plus structurelle. On a fait l’erreur avec la crise financière de 2008 de resserrer trop rapidement les cordons de la bourse.
Pour certains économistes la crise du coronavirus va nous faire perdre jusqu’à 10% du PIB. C’est ce qui nous attend ?
Oui, nous devons nous préparer à un scénario plus sombre car le confinement est parti pour durer et nous perdons 2,6 points de PIB par mois de confinement. Les chiffres peuvent faire peur mais ce n’est pas le plus important : c'est la reprise de la consommation après la crise. Et maintenant le pouvoir d’achat des ménages. Il y a des taux d’épargne qui vont être extrêmement élevés à la sortie du confinement. Après, il n’y aura pas de problème de demande : il va juste falloir redonner confiance.
Puis nous devrons mettre de l’offre en face de cette demande or, nous ne savons pas encore comment les entreprises vont s’en sortir car les mesures de soutien de report leur laissent une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Plus le confinement dure et plus les pertes seront importantes. Payer tous les arriérés sera très compliqué pour beaucoup d’entreprises alors, je le répète, il faudra faire le maximum pour éviter les faillites. Nous pourrons favoriser une réallocation de personnes qui sont au chômage temporaire dans des secteurs qui vont rester à l’arrêt pendant longtemps vers des secteurs qui ont besoin de personnes pour travailler, pour produire.