Porno : quand Jacquie et Michel dénonçait « les attaques » des associations féministes devant le Sénat

Porno : quand Jacquie et Michel dénonçait « les attaques » des associations féministes devant le Sénat

Nouveau rebondissement dans l’affaire dite « du porno français », le patron du groupe Ares (Jacquie & Michel) a été placé en garde à vue dans le cadre d’une enquête pour « viol » et « proxénétisme ». Il y a un mois devant le Sénat, le responsable des opérations du groupe, avait mis en avant des pratiques éthiques.
Simon Barbarit

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Le 11 mai dernier, une audition pour le moins inhabituelle avait lieu entre les murs du Palais du Luxembourg. Les deux poids lourds du porno amateurs français, Gregory Dorcel, président du groupe éponyme et celle de Vincent Gey, responsable des opérations au sein du groupe Ares (Jacquie & Michel), passaient un mauvais quart d’heure devant la délégation aux droits des femmes du Sénat qui mène une mission d’information sur les dérives de l’industrie pornographique.

> > Lire notre article. Porno : coup de chaud pour Dorcel et « Jacquie et Michel » auditionnés au Sénat

Depuis deux ans, l’enquête tentaculaire dite « du porno français » ou « french bukkake » a déjà identifié une cinquantaine de victimes dans le milieu du porno amateur. Une dizaine de producteurs et acteurs sont mis en examen pour viols en réunion, traite d’êtres humains et proxénétisme. Et le vent du boulet frôle désormais de près les diffuseurs, les sites qui hébergent les vidéos.

Ce mardi, Michel Piron, le président du groupe Ares a été placé en garde à vue pour répondre à des accusations d’agressions sexuelles ainsi que pour complicité de plusieurs infractions parmi lesquelles viols aggravés, proxénétisme aggravé et traite des êtres humains, selon le parquet de Paris. Trois hommes, présentés comme des « acteurs », sont notamment en garde à vue pour viols aggravés ou en réunion, traite des êtres humains ou encore proxénétisme.

« Ce n’est pas une surprise. Les producteurs comme Jacquie et Michel se dédouanent de toute responsabilité pour les contenus qu’ils diffusent. Or, certaines auditions nous ont montré le contraire. Demain, mercredi, nous auditionnerons la procureure et la vice-procureure de Paris (à huis clos) et nous verrons comment le parquet se positionne sur ce sujet », commente sobrement, la présente centriste de la délégation aux droits des femmes du Sénat, Annick Billon (centriste).

Nicolas Cellupica, l’avocat du groupe Arès a expliqué que le groupe Jacquie et Michel n’avait « jamais produit ou réalisé de film et n’est que diffuseur de films réalisés par des producteurs indépendants ». « Il s’est toujours dit du côté des victimes si des actrices ont subi des actes de violences sexuelles qu’il ignorait parfaitement », a-t-il ajouté.

Pornographie = « proxénétisme à l’échelle industrielle », pour les associations

Le parquet a ouvert l’enquête après un signalement adressé par Osez le féminisme, les Effronté-es et le mouvement du Nid. Devant la délégation aux droits des femmes, celles-ci avaient comparé le milieu du porno à du « proxénétisme à l’échelle industrielle ». « Il s’agit de violences sexuelles qui sont commanditées, le consentement est extorqué par l’argent et l’exploitation de la vulnérabilité […] Pour toutes ces raisons, il est plus approprié de parler de prostitution filmée que de film pornographique », avait listé Sandrine Goldschmit du mouvement du Nid.

> > Lire notre article : Porno : « C’est du proxénétisme à l’échelle industrielle », dénoncent les associations féministes auditionnées au Sénat

« Raccourcis », « amalgames », avait répondu le directeur des opérations du groupe Ares, auditionné quelques mois plus tard. Il avait également insisté sur « le déferlement d’attaques par le biais de fausses informations énoncées par des associations radicales ».

Jacquie et Michel met en avant sa « charte éthique »

Suite aux premières révélations dans la presse des témoignages de victimes présumées, en novembre 2020, les deux diffuseurs français avaient indiqué leur volonté d’adopter des chartes éthiques et déontologiques. Vincent Gey, avait insisté sur l’obligation faite désormais à tous les producteurs collaborant avec le groupe Ares de signer une charte éthique. « Les équipes internes du groupe procèdent à de nombreux contrôles inopinés […] Nos équipes n’ont jamais relevé d’incidents majeurs sur les tournages », avait-il assuré. Poussé dans ses retranchements, il avait fini par concéder que l’équipe en question n’était en fait « qu’une seule personne » et que certains contrôles se faisaient à distance, en visioconférence.

« Pendant des années, Jacquie et Michel était au courant du fonctionnement de leurs producteurs »

Ces chartes éthiques avaient également été fortement épinglées par le journaliste Robin d’Angelo, auteur du livre-enquête intitulé « Judy, Lola, Sofia et moi » dans lequel il dénonçait l’absence récurrente de consentement sur les tournages. « Jacquie et Michel essaye de développer aujourd’hui tout un marketing éthique, alors que pendant des années il était au courant du fonctionnement de leurs producteurs » […] les diffuseurs font tout pour ne pas être les responsables légaux des producteurs, parce qu’ils savent très bien que certaines vidéos sont tournées dans des conditions déplorables avec des abus », avait-il expliqué aux sénatrices et sénateurs.

> > Lire notre article. Porno : « Il ne faut pas voir uniquement ces femmes comme des victimes », souligne le journaliste, Robin D’Angelo

La mission du Sénat présentera ses propositions fin juillet

Vincent Gey avait, d’ailleurs, dû reconnaître que son groupe avait travaillé avec Mat Hadix, un producteur, placé en détention provisoire, mis en examen pour « proxénétisme aggravé », « traite des êtres humains » et « viols ». « En novembre 2020, on a cessé de travailler avec les gens susceptibles d’être impliqués dans cette histoire » expliquait-il, tout en assurant, à tort, que « ce n’était pas les conditions de tournage des productions de Mat Hadix qui étaient en cause mais celle de Pascal OP (un autre producteur placé en détention provisoire) ».

La mission d’information du Sénat présentera son rapport le 21 juillet. « Nous avons repoussé la date car nos recommandations vont balayer un grand nombre de sujets, le consentement des actrices, la porosité entre pornographie et prostitution, l’accessibilité de ces contenus aux mineurs, le rôle de l’Arcom, le volet éducatif. Nous avons des arbitrages à faire et nous ne voulons pas faire de propositions qui ne soient pas applicables », indique Annick Billon.

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