Porno : « C’est du proxénétisme à l’échelle industrielle », dénoncent les associations féministes auditionnées au Sénat
Au cœur d’une enquête retentissante en France, l’industrie pornographique rime désormais avec violences sexuelles. La délégation aux droits des femmes du Sénat prépare un rapport d’information sur le sujet et démarrait ses travaux par une table ronde avec des associations féministes.
« Vous nous avez dressées un cadre extrêmement inquiétant. La réalité est parfois difficile à entendre ». Annick Billon, présidente de la délégation (centriste) aux droits des femmes a bien décrit l’ambiance lourde dans la salle à l’issue de la première audition sur la problématique du porno.
Plusieurs représentantes d’associations (Le Nid, Les Effrontées, Osez le féminisme) étaient reçues au Sénat pour parler non pas de libération sexuelle, de travailleuses et de travailleurs du sexe, d’actrices et d’acteurs… Mais de viols filmés, d’actes de torture et de barbarie, de pédocriminalité, d’incitation à l’inceste, de proxénétisme.
C’est d’ailleurs l’enjeu du prochain procès dit « du porno français » ou « french bukkake » dans lesquelles ces associations sont parties civiles. Une cinquantaine de victimes sont déjà identifiées, huit producteurs et acteurs sont mis en examen pour viols en réunion, traite d’êtres humains et proxénétisme.
« Il est plus approprié de parler de prostitution filmée »
« L’industrie pornographique est une industrie dont la particularité est de ne pas être du cinéma. Les actes sexuels sont réels, les actes de pénétration sont réels, les coups et les tortures sont réels […] Le porno c’est aussi du proxénétisme à l’échelle industrielle […] Il s’agit de violences sexuelles qui sont commanditées, le consentement est extorqué par l’argent et l’exploitation de la vulnérabilité […] Pour toutes ces raisons, il est plus approprié de parler de prostitution filmée que de film pornographique », liste Sandrine Goldschmit du mouvement du Nid, qui rappelle « que représenter l’acte sexuel n’est pas le problème en soi, mais bien de commanditer des violences sexuelles pour y parvenir ».
Que penser alors de la charte éthique mise en place par les productions Dorcel, à la suite des premières mises en examen dans l’affaire « French Bukkake » ? « Pour que le consentement en matière sexuelle ait un sens, il faut qu’il soit à tout moment réversible […] Le consentement des actrices est demandé en amont. Ce n’est qu’un moyen de pression supplémentaire », oppose Sandrine Goldschmit.
C’est un « combat « de David contre Goliath » qui oppose les associations à une industrie qui génère 136 milliards de vidéos par an sur les plateformes dédiées (XVidéos, Pornhub, Xhamster….) pour 140 milliards de profits. Ces vidéos sont accessibles en deux clics par les mineurs malgré la loi du 30 juillet 2020, qui oblige les sites pornographiques à mettre en place un contrôle de l’âge de leurs clients, selon un amendement déposé à l’époque par la sénatrice LR Marie Mercier.
Les mots-clés dans les moteurs de recherche de ces plateformes « sont des infractions caractérisées » souligne Claire Charlès, porte-parole des Effrontées. « Du racisme, de la misogynie, de la lesbophobie, de la pédocriminalité » liste-t-elle avant de donner quelques exemples de titre de vidéos comme « Daddy fucks his teen daughter ».
« Apologie de crime, de la pédocriminalité, de la haine raciale, c’est puni par la loi […] insiste Céline Piques, porte-parole d’Osez le Féminisme, qui rappelle également « qu’il y a de vraies vidéos de viols d’enfants, de vraies vidéos de viols de femmes sur Pornhub » car « Pornhub n’a aucun système de retrait de vidéos ». On demande que la pornographie cesse d’être cette zone de non droit que les lois actuelles s’appliquent, comme elles s’appliquent sur la prostitution et le proxénétisme.
« La plupart de ces sites sont dans l’illégalité totale alors les injonctions du CSA, ils s’en fichent »
En décembre dernier, conformément à la nouvelle loi, le CSA a pourtant sommé cinq sites pornographiques de bloquer leur accès aux mineurs dans les 15 jours sous peine de voir leur plateforme bloquée en France. « La plupart de ces sites sont dans l’illégalité totale alors les injonctions du CSA pour vérifier l’âge des mineurs, ils s’en fichent », se désole Sandrine Goldschmit.
Alors que près d’un enfant de 12 ans sur trois a déjà été exposé à la pornographie, le visionnage de ces scènes n’est évidemment pas sans conséquences. « Pour pouvoir ressembler à ce qui est montré dans la pornographie, on a énormément de jeunes qui vont avoir recours à la chirurgie, les vulvoplasties, allongement du pénis, opération des seins, de la bouche », indique Claire Guidet du mouvement du Nid.
L’ancienne ministre du Droits des femmes, Laurence Rossignol salut « le combat » de ces associations. « Mais ne suis pas sûre que l’éducation puisse faire contrepoids à la puissance de l’image pornographique chez les adolescents. Je doute en notre capacité collective de faire quoi que ce soit, tant que ces images sont accessibles. On ne peut pas lutter », regrette-t-elle
La délégation aux droits des femmes compte néanmoins faire des propositions dont certaines « législatives » d’ici l’été. En attendant, la délégation auditionnera le 27 janvier, les représentants du CSA désormais appelé l’Arcom.
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