Pénurie de médicaments : « C’est un sujet majeur, soulevé par le Sénat depuis deux ans »

Pénurie de médicaments : « C’est un sujet majeur, soulevé par le Sénat depuis deux ans »

Alors que l’association UFC-Que Choisir alerte sur la pénurie de médicaments qui touche le territoire, les sénateurs, qui se sont emparés du sujet à plusieurs reprises, reprochent un manque d’écoute de la part du gouvernement.
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« Il y a urgence sur le sujet » s’accordent les sénateurs. Ce lundi, une enquête révélée par UFC-Que Choisir alerte sur la pénurie de médicaments qui touche de plus en plus gravement la France, en cette période de crise sanitaire. Selon l’association, le nombre de pénuries médicamenteuses aurait triplé en trois ans sur le territoire, passant de 407 en 2016 à plus de 1200 l’an dernier. « Cette situation est d’autant plus alarmante que ces médicaments déclarés en pénurie par les laboratoires partagent tous une caractéristique primordiale : il s’agit de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) », pointe du doigt UFC-Que Choisir. « Notre étude, (…) montre en effet que les médicaments qui font l’objet de tensions d’approvisionnement ne sont pas les molécules récentes vendues à prix d’or. Au contraire, le portrait-robot d’un médicament en pénurie est celui d’un produit ancien et vendu peu cher » ajoute l’association, qui pointe du doigt la responsabilité des laboratoires et des pouvoirs publics dans cette situation.

« Je suis ravie que cette étude sorte, on remet le débat pour la table et ce sera peut-être l’occasion pour les politiques de s’en saisir », réagit la sénatrice centriste Catherine Fournier. Si le Sénat débute, ce lundi, les discussions autour du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le sujet est en débat à la Haute assemblée depuis plusieurs années. « C’est un sujet majeur, soulevé par le Sénat depuis deux ans », confirme Véronique Guillotin, vice-présidente en 2018 d’une mission d’information portant sur la pénurie de médicaments. « Il faut travailler sur ce sujet, nous ne pouvons plus nous permettre de rester en situation de dépendance vis-à-vis de l’Inde ou de la Chine, cela n’est pas viable en situation de crise, et ce sont les patients qui en subissent les conséquences. »

Un amendement du Sénat rejeté sur la question

« Je suis très en colère, car cette enquête sort au moment même où l’on apprend qu’un amendement que nous avions déposé pour demander la confection d’un stock de quatre mois de médicaments a été frappé d’irrecevabilité », tempête la sénatrice communiste Laurence Cohen. L’article additionnel à l’article 38 du Projet de loi pour le financement de la Sécurité sociale proposé par les sénateurs prévoyait ainsi de « tenir compte de l’importance majeure des MITM » en doublant les stocks des besoins en médicaments. « Ce gouvernement fait preuve d’un manque absolu d’écoute vis-à-vis du Sénat : on met le Parlement devant un fait accompli et on travaille par ordonnances », regrette Catherine Fournier. « C’est dommage, car le Sénat est toujours dans l’anticipation. Si le gouvernement accordait plus d’importance au Parlement, il éviterait d’agir perpétuellement dans l’urgence. »

Car les sénateurs le répètent : plusieurs propositions ont déjà été soumises au gouvernement pour traiter le problème de la pénurie médicamenteuse sur le territoire. « Il est urgent de relocaliser une partie de la production de ces médicaments », avance Véronique Guillotin. « C’est ce que proposait le rapport de notre mission d’information, mais il donnait également les moyens pour y arriver, par exemple l’exonération de charges pour les entreprises qui produiraient en France, ou une coordination accrue entre les grossistes, les pharmacies et les industries pour permettre une sécurisation du médicament de remplacement. » Des propositions qui, selon certains sénateurs, ont été ignorées par le gouvernement. « Ce n’est pas une situation facile pour le gouvernent qui doit faire face à une crise sanitaire », tempère la sénatrice LREM Patricia Schillinger. « Le contexte n’est pas idéal pour l’ouverture des discussions et des négociations. »

La nécessité d’une coopération européenne

Et si la plupart des élus du territoire pointent du doigt la responsabilité des laboratoires pharmaceutiques et du gouvernement, ils s’accordent sur la nécessité de mener un travail européen pour faire face à cette pénurie médicamenteuse. « Il faut imaginer une mutualisation européenne de cette industrie », plaide Catherine Fournier. « Avec, par exemple, une taxation sur les produits de base à l’import pour forcer l’industrie pharmaceutique à se réimplanter sur le territoire européen. » Alors que les discussions s’ouvrent sur le budget de la Sécurité sociale 2021, les sénateurs sont plus que jamais alertes sur le sujet et préparent leurs propositions. Le 9 décembre, nous allons porter dans notre niche notre proposition de création d’un pôle public du médicament et de la recherche dans notre niche », avance déjà Laurence Cohen.

 

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