Elles sont jeunes, mères célibataires, et souvent au chômage. D’autres sont encore plus jeunes, Français ou étrangers, seuls, et également très nombreux à être sans emploi. Enfin, certains sont enfants, adolescents, ou jeunes adultes, tous nés dans des familles précaires qu’ils n’ont pas les moyens de quitter.
« Malgré l’extrême diversité des populations que nous rencontrons, les jeunes sont les plus précaires » analyse Bernard Thibaud, secrétaire général du Secours catholique-Caritas France. Comme chaque année, l’association humanitaire tire la sonnette d’alarme d’une précarité toujours plus grande. En 2017, 21% des personnes accueillies par le Secours populaire avaient entre 25 et 34 ans, et 12% entre 15 et 24 ans.
« Ce sont les femmes les plus touchées »
« Ce sont les femmes les plus touchées » précise-t-il. Celles-ci représentent 56 % des personnes accueillies par le Secours catholique. « La précarité des femmes, c’est beaucoup de situations de femme seule au foyer : neuf familles monoparentales sur dix sont tenues par des femmes, qui doivent éduquer leurs enfants avec un budget de plus en plus restreint, et qui ont aussi une grande difficulté à accéder à l’emploi et à la formation, faute de pouvoir faire garder leurs enfants », détaille Bernard Thibaud.
Dans le cadre de son Plan pauvreté, le gouvernement a justement annoncé des mesures visant à améliorer l’accès à un mode de garde, avec la création de 30 000 places en crèches et l’instauration d’un « bonus mixité sociale » pour les crèches qui accueillent des enfants défavorisés. Pour favoriser le travail des parents, et a fortiori des mères célibataires, 300 crèches d’insertion professionnelle devraient également être créées d’ici 2020, ainsi que 300 nouveaux centres sociaux. De « bonnes mesures » et même un « progrès » de l’avis de Daniel Verger, responsable du pôle Action et plaidoyer du Secours catholique, mais cela reste « insuffisant » à plusieurs égards : « Les moyens donnés à ce plan sont modestes et celui-ci ne prévoit pas d’augmentation des minima sociaux » explique-t-il. Et d’ajouter : « C’est un vrai handicap car, quand on a la tête sous l’eau, c’est difficile de construire un parcours de vie et de prendre des risques. »
Pour un « minimum de survie »
Pour enrayer la précarité des jeunes, femmes ou hommes, avec ou sans enfant, le Secours catholique milite pour que le RSA soit revalorisé et applicable aux jeunes majeurs (18-25ans). Comme deux personnes en recherche d’emploi sur trois ne touchent pas d’allocation-chômage, l’association espère ainsi que chacun puisse disposer d’un « minimum de survie ». D’autant que 67,6% des personnes accueillies au Secours catholique en 2017 sont au chômage, quand le taux de chômage en France avoisine les 10%.
Pauvre « de génération en génération »
La situation des jeunes précaires est d’autant plus inquiétante que le temps resté au chômage est de plus en plus long, explique Daniel Verger. « + 1 an en une dizaine d’années » alerte-t-il. Un temps long, une précarité qui l’est tout autant et qui se transmet souvent de génération en génération : grandir dans une famille précaire « alimente le risque de continuer dans une situation de pauvreté » constate désespérément le responsable du pôle Action et plaidoyer du Secours catholique. En France, 3 millions de mineurs sont pauvres. Et si le gouvernement s‘est attelé à protéger la petite enfance, « il reste cet angle mort de la jeunesse, même si un effort a été fait pour les 16-18 ans avec l’obligation de formation. » L’élargissement de la Garantie jeunes (applicable aux 15-25 ans) par le Plan pauvreté ne contente pas le secrétaire général du Secours Catholique : « On parle de 500 000 jeunes en plus, mais c’est sur l‘ensemble du quinquennat, donc c’est insuffisant. » D’où l’importance de rendre le RSA accessible aux plus jeunes, martèlent une fois encore les membres de l’association.
« Un reste à vivre de 2 à 5 euros par jour »
Au-delà de l’importance des aides financières, Bernard Thibaud dénonce les charges qui pèsent sur les jeunes précaires : « On aborde la pauvreté par l’angle des ressources mais on ne parle pas assez des dépenses constantes qui ne font que croitre », souligne l’humanitaire. Et de préciser qu’ « une fois ces charges payées, le « reste à vivre est parfois de 2 à 5 euros par jour ».
Parmi ces dépenses, celles liées à l’énergie, qui « augmentent à un rythme plus élevé que celui de l’inflation » et que la revalorisation du chèque énergie ne suffira probablement pas à juguler. Les dépenses de logement grèvent également les ressources des foyers : « On a besoin de mettre un effort considérable dans la construction de logements accessibles », implore Bernard Thibaud. Enfin, les coûts associés aux transports, que l’augmentation de la taxe sur les carburants n’a, par définition, pas vocation à faire diminuer. Reste à trouver un moyen d’endiguer la pauvreté, tant celle des jeunes que celles des seniors et des retraités. Le Secours catholique appelle à « réinventer » notre protection sociale, vers un système « plus inclusif ».