L’hypothèse d’un retour à la normale mi-mars prend de plus en plus d’épaisseur. Après que le Pr Alain Fischer a évoqué cette échéance devant la même commission il y a deux semaines, Olivier Véran est resté prudent, mais résolument optimiste sur une levée du passe vaccinal mi-mars : « Si cette trajectoire positive se confirmait, en particulier sur le plan hospitalier, nous pourrions envisager la levée du passe à la mi-mars dans toute ou partie des lieux où il s’applique. Il faut procéder par paliers pour accompagner l’épidémie en conservant une grande prudence, une certaine progressivité, parce que notre système de santé reste très exposé. »
Levée du passe vaccinal « d’ici 2 ou 3 semaines »
Le ministre de la Santé a détaillé les indicateurs à atteindre pour envisager une telle levée des restrictions sanitaires : « Le Conseil scientifique dit qu’il faudrait redescendre à 1500 patients covid en réa pour considérer que le fonctionnement hospitalier normal sera restauré. Au rythme actuel on y sera dans 2 ou 3 semaines. Il faut aussi que le facteur R soit inférieur à 1 pour être sur une pente descendante et que le taux d’incidence soit assez faible (300-500 maximum). Là aussi, on atteindra ces niveaux d’ici 2 ou 3 semaines maxi, c’est une bonne nouvelle. »
Olivier Véran se montre ainsi confiant sur la fiabilité des modélisations dont il dispose et qui font espérer au gouvernement une accalmie printanière : « On a des courbes de l’Institut Pasteur, donc on regarde si les modélisations voient juste et on sait ce qu’il va se passer dans 3 semaines. C’est pour ça que je me permets de dire qu’à la mi-mars on aura atteint les critères qui permettent d’assouplir le port du masque en intérieur et la levée du passe vaccinal dans toute ou partie des lieux où il est exigé. »
Olivier Véran concède qu’il lui est « impossible de répondre sur les effets du passe vaccinal » un mois seulement après son entrée en vigueur.
Ainsi, la circulation massive d’Omicron aurait aussi permis d’anticiper une embellie épidémique : « Le variant omicron a traversé la France, c’est près de la moitié de la population qui a été contaminée. Dès lors, le niveau d’immunité, en plus de la vaccination, fait que l’on pouvait anticiper une réduction de la circulation du virus et des mesures d’allégements. » Mais seulement grâce à une couverture vaccinale importante et donc, d’après Olivier Véran, au passe vaccinal : « Le passe vaccinal a contribué utilement à la lutte contre l’épidémie, incontestablement. Il a renforcé la protection de lieux de brassage et progressé la primo-vaccination tout en favorisant une campagne de rappels massive. On était à plus de 30 000 primo injections chaque jour depuis la mi-janvier. Depuis, la dynamique s’est atténuée, mais toute primo-vaccination supplémentaire est une bonne nouvelle. » Sur la campagne de rappel aussi, le ministre de la Santé se félicite du dispositif du passe vaccinal : « Au 20 février 38,5 millions avaient fait leur rappel contre 18 millions au 17 décembre [jour de l’annonce du passe vaccinal, ndlr], c’est-à-dire plus de 20 millions de rappels en 2 mois. »
Or devant la même commission d’enquête, le PDG de Doctolib avait bien différencié l’impact de l’annonce du passe vaccinal sur les primo-vaccinations et la campagne de rappel, qui avait surtout accéléré les prises de rendez-vous pour des deuxième ou troisième doses, et pas les primo injections d’après lui – sur Doctolib en tout cas. Devant les questions des sénateurs, Olivier Véran concède qu’il lui est « impossible de répondre sur les effets du passe vaccinal » un mois seulement après son entrée en vigueur. Mais il renvoie aux évaluations du passe sanitaire – et notamment du CAE – sur « le nombre de vies sauvées » : « Le chiffre est extrêmement élevé, avec 13 points de vaccination gagnés en France, 4000 décès, 32 000 hospitalisations et 45 % d’occupation de réanimation évités. » Le ministre de la Santé se veut donc « positif » sur un impact semblable du passe vaccinal, tout en admettant que « factuellement », il était trop tôt pour le dire.
« On n’est pas capable dans ce pays de déposer une loi pour rendre obligatoire la vaccination contre le papillomavirus »
Olivier Véran se félicite en tout cas de l’évolution de la couverture vaccinale en France, grâce à laquelle « la vague Omicron a pu être contenue sans mesure de restriction, contrairement à nos voisins européens. » Enfin avec un bémol puisque, contrairement là aussi à certains de nos voisins européens comme l’Espagne, le taux de vaccination des enfants ne décolle pas : « Il y a des médecins qui ne sont pas ‘chauds’pour la vaccination des enfants, c’est vrai et c’est dommage. En Espagne les enfants sont 10 fois plus vaccinés que chez nous. Il y a plus largement un problème de défiance, notamment sur les enfants. On n’est pas capable dans ce pays de déposer une loi pour rendre obligatoire la vaccination contre le papillomavirus qui tue 700 jeunes femmes chaque année et touche aussi des garçons, avec des cancers. »
Le ministre de la Santé entend continuer de « se montrer ferme sur les fondamentaux scientifiques », tout comme en 2020 – lors de la première vague – lorsque « des parlementaires, au Sénat comme à l’Assemblée, ne comprenaient pas pourquoi je ne distribuais pas des plaquettes de chloroquine à tous les gens qui étaient malades. Ce qui m’aurait valu, et à raison, un beau procès en pénal deux ans après », poursuit Olivier Véran. « Voilà, c’est dit. » Olivier Véran remet les pendules à l’heure, et les plaquettes de chloroquine au placard.