« Les Français.e.s », « Les Françaises et les Français ». La pratique de l’écriture inclusive se développe dans la société et fait réagir la classe politique. Opposé à cette nouvelle manière d’écrire, le député (La République en Marche) François Jolivet a déposé, mercredi, une proposition de loi pour interdire dans tous les documents administratifs l’écriture inclusive, c’est-à-dire « les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l’usage du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie qui fait ressortir l’existence d’une forme féminine. »
« Les règles de grammaire ne font pas de politique »
Soutenu par une soixantaine de députés de la majorité présidentielle, ce texte pourrait plaire aussi à la majorité de droite sénatoriale. Pour Max Brisson, sénateur (Les Républicains) des Pyrénées-Atlantiques, inspecteur général de l’Education nationale de profession, l’écriture inclusive est une « attaque profonde des règles de grammaire. Ces règles ne font pas de politique. Le masculin générique en français est juste une conséquence de la disparition du neutre latin. Y voir du sexisme est acadabrantesque ! », s’indigne le sénateur basque.
L’écriture inclusive, « une pratique de bobos »
« L’enjeu c’est la compréhension de la langue français alors que le niveau d’orthographe de nos enfants a baissé », rappelle Max Brisson. « La langue française est déjà difficile et la maîtriser est un moyen d’émancipation pour les jeunes des quartiers défavorisés. L’écriture inclusive est une pratique de bobos pour qui la maîtrise de la langue française n’est plus un sujet. » Cette interdiction de l’écriture inclusive dans les documents administratifs va donc dans le bon sens : « en tant qu’inspecteur de l’Education nationale, quand on me demandait d’écrire « la professeure » je n’étais pas fier. »
Ces sénatrices qui se font appeler « Madame le sénateur »
« Je voterai des deux mains cette proposition de loi quand elle arrivera au Sénat », s’exclame Catherine Procaccia, sénatrice (LR) du Val-de-Marne, mais qui se fait appeler « Madame le sénateur”. « C’est ma préférence. Sénateur c’est une fonction donc j’utilise le masculin générique. Et je demande à tous les sénateurs de mon département de m’appeler ainsi. On dit bien un médecin, quelque soit le sexe, et pas une médecine. N’ayons pas l’esprit tordu. »
Même avis pour la sénatrice (LR) Marie Mercier, qui préfère qu’on l’appelle « sénateur ». « Sénateur est le nom d’un parlementaire qui siège au Sénat. Il ne faut pas confondre le genre d’un nom et le sexe de la personne”, explique cette fervente opposante de l’écriture inclusive. « Un jour, alors que j’étais le rapporteur d’un projet de loi, une journaliste du Monde m’a désignée dans son article comme « la rapporteuse » du texte ! Avec la connotation péjorative qu’on connaît. »
« Une résistance à l’émancipation des femmes » selon Laurence Rossignol
A la gauche de l’hémicycle, cette proposition de loi venue de La République en Marche passe mal. « C’est une résistance à l’évolution de la société et à l’émancipation des femmes », regrette Laurence Rossignol, sénatrice socialiste et ancienne ministre des Droits des Femmes, sous François Hollande. Au début du quinquennat, elle s’était déjà étonnée que le Premier ministre de l’époque, Edouard Philippe, interdise l’écriture inclusive dans les documents ministériels. « La règle de grammaire « le masculin l’emporte sur le féminin” est très politique. Elle a été décidée au XVIIe siècle par des académiciens au motif que le masculin était un genre plus noble que le féminin. Et on répète cette règle à nos enfants à longueur de journée », explique la sénatrice qui écrit tous ses courriers en écriture inclusive.
A Lyon, la municipalité écologiste réfléchit à adopter l’écriture inclusive
Sur le modèle de la mairie de Paris, la municipalité écologiste de Lyon réfléchit à adopter l’écriture inclusive dans ses documents administratifs. « Nous menons actuellement un audit sur les pratiques d’écriture dans notre administration et nous réfléchissons à utiliser davantage un vocabulaire épicène, c’est-à-dire des mots dont la forme ne varie pas selon le genre », explique Thomas Dossus, sénateur écologiste du Rhône et conseiller municipal lyonnais. Parmi des exemples de mots et expressions épicènes, « les êtres humains », « les membres du conseil municipal », « les personnes handicapées ». « Au Québec, l’utilisation de ce vocabulaire épicène est recommandée », explique l’élu écologiste pour qui la proposition de loi des députés LREM n’a pas d’intérêt. « Ces temps-ci, ils surfent sur des polémiques réactionnaires et conservatrices. On nous avait vendu En Marche comme un mouvement progressiste, ce n’est pas le cas. »