Le salon de l’agriculture, théâtre de guignols ?
Il y a ceux qui s’y sentent bien et les autres. Nous sommes en 1972, Jacques Chirac vient d’être nommé ministre de l’agriculture et il effectue sa visite du salon sous les acclamations des agriculteurs. Devenu premier ministre puis Président de la République, il reste un habitué de cette « grande messe agricole » et revendique sa proximité avec la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) au point de nommer lors de la première cohabitation, l'un de ses dirigeants comme ministre de l'Agriculture.
Orphelins du Président corrézien et du dialogue direct avec le sommet de l’État, le monde paysan n’aura pas la même bienveillance à l’égard de ministres contestés. En 1999, Dominique Voynet alors ministre de l’Environnement est insultée. Lionel Jospin, premier ministre en 2001, est lui aussi largement sifflé et reçoit même des œufs. Déjà en 1982 Édith Cresson, alors ministre de l’Agriculture se retrouve bousculée et confesse y aller « par devoir, et pas par plaisir ».
La première visite de François Hollande en tant que Président de la République ne se déroulera pas mieux. Mais au salon de l'agriculture l'hostilité peut aussi venir des visiteurs. Nicolas Sarkozy, repoussé par un visiteur, lâchera son célèbre « Casse-toi pauvre con » qui le poursuivra durant tout son quinquennat. « Dans la mesure où vous insultez un visiteur durant le salon, vous vous en prenez symboliquement à l’ensemble des Français » observe l’historien Jean Garrigues.
José Bové : « Marine le Pen a su dire aux agriculteurs ce qu’ils avaient envie d’entendre »
L'arrivée d'une "bête politique"
Aujourd’hui en proie à des crises environnementales et sanitaires successives, et lassés d’être réduits au rôle de figurants, l'hostilité des agriculteurs a gagné du terrain.
Au moment où les partis politiques perdent la confiance des agriculteurs, une autre « bête politique » trace son sillon : Marine Le Pen. Année après année, la présidente du rassemblement national, essaye de s’imposer comme l’avocate d'un monde rural qui conteste de plus en plus la politique agricole commune. Un mouvement qui s'observe dès 2002, date à partir de laquelle une partie de l’électorat agricole bascule de la droite « chiraquienne », à laquelle il était profondément attaché, à une droite plus extrême. « Marine le Pen a su dire aux agriculteurs ce qu’ils avaient envie d’entendre » reconnaît José Bové, fondateur du syndicat Confédération paysanne.
« Avec elle, c’est du cinéma : elle ne connaît pas un animal et ce n’est pas un problème » tranche Bernard Martin. Chargé du protocole du salon jusqu’en 2016, il confesse être « tombé des nues » face à l’adhésion des agriculteurs à ce discours.
En y consacrant toujours plus de temps, Emmanuel Macron tente à son tour de rétablir le dialogue avec les paysans, avec un enjeu de taille : montrer qu'il n’est pas seulement le Président des urbains et qu’il sait s’adresser au monde agricole.