Il y a un an la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) présentait cette recommandation : « Une suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi pour viol ou agression sexuelle incestueuse contre son enfant ».
Nouveau texte législatif
Ce mercredi, un communiqué du secrétariat d’Etat à l’Enfance s’inspire de cette recommandation et annonce « le dépôt au Parlement d’une modification législative permettant le retrait de principe de l’exercice de l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent pour violences sexuelles incestueuses sur son enfant ». Ce « retrait de principe » serait prononcé « sauf mention contraire de la juridiction de jugement par motivation spéciale ».
Rappelons que la Ciivise avait été mise en place début 2021 à la suite des révélations du livre de Camille Kouchner dans le but d’aiguiller les politiques publiques dans la lutte contre les violences sexuelles sur mineurs. En un an, la commission a recueilli 16 414 témoignages. Son coprésident, le juge des enfants Édouard Durand indique à l’AFP se réjouir de voir les préconisations de la Ciivise reprises par le gouvernement ».
Pour Isabelle Aubry, présidente de l’association Face à l’Inceste, le retrait de l’autorité parentale reste « une mesure dérisoire ». « Il faudrait que l’autorité parentale soit automatiquement suspendue dès le dépôt de plainte. Car la procédure peut durer des années et l’enfant reste sous l’influence de son agresseur, subit violences et menaces, n’ose plus parler. L’enquête n’avance pas et on va vers un non-lieu et un classement sans suite », souligne-t-elle.
Dans le Figaro, Charlotte Caubel, la secrétaire d’État à l’Enfance, va dans ce sens. « Un dispositif de suspension de l’autorité parentale quand il y a un meurtre de parent au sein de la famille existe déjà. Il n’y a aucune raison de ne pas l’étendre », estime-t-elle.
Conjoint violent : quand la suspension de l’autorité parentale provoquait des tensions au Sénat
Voilà qui fait écho aux débats (houleux) au Sénat lors de l’examen il y a trois ans de la proposition de loi d’Aurélien Pradié (LR) sur les violences conjugales. En première lecture, les amendements de sénateurs socialistes et communistes, en faveur de la suspension de l’autorité parentale pour le conjoint violent, s’étaient vus opposer le refus du gouvernement et du groupe LR. La gauche de l’hémicycle, exaspérée de voir ses amendements systématiquement rejetés par le recours au scrutin public avait décidé de quitter l’hémicycle. L’exécutif préférait renvoyer la mesure aux conclusions du Grenelle des violences conjugales, prévu quelques semaines plus tard.
Un accord avait finalement été obtenu en commission mixte paritaire pour une suspension de l’autorité parentale, fixée à 6 mois. « Même si cette disposition ne va pas assez loin à mon sens. Le caractère provisoire de la suspension de l’autorité parentale (6 mois) en limite sa portée » avait regretté Annick Billon, la présidente centriste de la délégation aux droits des femmes et auteure de la proposition de loi sur les crimes et délits sexuels sur mineurs.
« La Ciivise a permis de prendre conscience de l’ampleur du phénomène »
Examiné début 2021, son texte, s’était enrichi au fil de la navette parlementaire et de l’impact dans l’opinion du livre de Camille Kouchner d’un volet sur l’inceste en fixant un seuil de non-consentement à 18 ans pour les relations sexuelles incestueuses. Annick Billon se félicite néanmoins de voir le retrait de l’autorité parentale pour les parents condamnés pour inceste reprise par le gouvernement. « C’est une évidence et c’est dommage de ne pas l’avoir voté avant. Il faut se rappeler que lors de l’examen du projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes en 2018, nous n’avions pas réussi à fixer un seuil d’âge de non-consentement ni une disposition sur l’inceste. La Ciivise a permis de prendre conscience de l’ampleur du phénomène en évaluant à 160 000 par an, le nombre de mineurs victimes ».
La sénatrice appuie également fortement une autre proposition émise par la Commission indépendante sur l’inceste et reprise par le gouvernement. « Un accompagnement de l’enfant tout au long du processus pénal par les associations d’aide aux victimes et avec l’intervention d’un administrateur ad hoc ». « Les témoignages recueillis par la Ciivise ont montré les conséquences traumatiques très graves que ces violences sexuelles entraînent », rappelle l’élue.
En effet, la Ciivise vient de dresser un bilan de ces séquelles parfois invisibles sur la santé, physique et mentale, autant que leur vie familiale, sexuelle et professionnelle des victimes.
« Un enfant peut mentir mais sa souffrance ne ment pas »
S’appuyant sur les travaux de la commission, le gouvernement indique aussi vouloir « renforcer la formation des professionnels de santé autour de la détection active des maltraitances ». « Les adultes doivent mieux repérer les signaux et le cas échéant, faire part de leurs doutes, avant même d’avoir des certitudes », déclare Charlotte Caubel, toujours au Figaro.
Une mesure qui satisfait, Marie Mercier, sénatrice LR, rapporteure la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste. « Un enfant peut mentir mais sa souffrance ne ment pas. Oui, il faut renforcer le repérage mais il faut des moyens pour former tous les professionnels de la parentalité », souligne-t-elle en attendant de voir le prochain budget.
Début 2023, le gouvernement lancera une « grande campagne nationale » sur les violences sexuelles faites aux enfants. La dernière remonte à 2002.