Environ 20 % de lits fermés faute de personnel dans les « grandes structures hospitalières du pays ». Ce chiffre, issu d’une enquête du Conseil scientifique et du Comité consultatif national d’éthique, tous les deux pilotés par l’immunologue Jean-François Delfraissy, est sujet à débat depuis plusieurs jours. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a estimé devant l'Assemblée nationale qu’il n’était pas possible d’établir un chiffre précis, et parle plutôt d’un taux de fermeture autour de 5 %. Invité jeudi de « Bonjour chez vous » sur Public Sénat, Frédéric Valletoux, le président du conseil de direction de la Fédération hospitalière de France, s’est placé entre ces deux estimations. « Les premières enquêtes de la Fédération hospitalière de France montrent qu’il y a un phénomène réel, mais il n’est sans doute pas à hauteur de 20 %. Je pense qu’on sera entre 5 et 10 %, ce qui reste déjà beaucoup », a-t-il déclaré.
« Il y a un phénomène réel qui a pris des proportions plus importantes qu’avant la crise. La question du manque de personnel est un sujet prégnant. Il y a longtemps que l’on est nombreux à tirer la sonnette d’alarme sur l’attractivité des métiers et l’absentéisme », explique Frédéric Valletoux pour qui la crise sanitaire liée au covid-19 n’a fait qu’accentuer une situation installée de longue date. « Il y avait déjà 30 % de postes vacants avant », pointe-t-il. « Deux années de crise ont accentué la fatigue, l’épuisement des personnels, cela ne pouvait que créer des tensions nouvelles ».
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« L’hôpital est un paquebot lent »
Pourtant, le plan d’investissement hospitalier lancé en début d’année ne devrait pas montrer ses effets avant un certain temps, car « l’hôpital est un paquebot lent » note Frédéric Valletoux. « Ce plan d’investissement est le bienvenu, mais il ne donnera des effets que dans quelques années. Idem pour les grilles de salaires. » Celui qui est également maire de Fontainebleau admet ne pas voir de solution pérenne à court terme. « On va peut-être se tourner vers des gens qui sont partis, rappeler de jeunes retraités, on va essayer de colmater la brèche. »
Plafonnement de la rémunération de l’intérim médical
En attendant, les hôpitaux publics s’appuient, pour certains massivement, sur le recours à l’intérim. Dans un contexte sanitaire toujours tendu, l’entrée en vigueur de la loi Rist, qui prévoit un plafonnement systématique de la rémunération de l’intérim médical, initialement prévue le 27 octobre, a été reportée à 2022 à la demande du secteur, qui redoute que la nouvelle réglementation ne rebute une partie de cette main-d’œuvre. « L’intérim ne disparaîtra jamais », estime Frédéric Valletoux. « Mais on a basculé dans un système avec des comportements de mercenaires : les médecins vont au plus donnant et font pousser les prix à la hausse, 2 000 ou 3 000 euros la journée », alerte ce responsable.
« La santé doit être la grande affaire du prochain quinquennat », poursuit Frédéric Valletoux. « C’est majeur, la crise a montré que les Français étaient profondément attachés à leur système de santé, c’est un ciment du pacte républicain. L’hôpital a été notre bouclier sanitaire pendant la crise, mais on voit bien le navire prend l’eau. »