Ce n’est pas l’enfant en situation de handicap qui doit s’adapter à l’école mais bien le contraire, assure Claire Hédon, la Défenseure des droits. Alors qu’en 2021, dans le domaine des droits de l’enfant, une saisine sur cinq adressée à la Défenseure des droits était relative à des difficultés d’accès à l’éducation d’enfants en situation de handicap, Claire Hédon s’est emparée de ce sujet dans son dernier rapport publié lundi 29 août.
Depuis le début du quinquennat, le nombre d’enfants en situation de handicap accueillis en milieu ordinaire a crû de 19 % - un peu plus de 400 000 en 2021. Le rapport, consacré à l’accompagnement humain de ces enfants, note qu’une partie de l’accompagnement n’est pas appliquée par manque de personnel et budget.
Même si le nombre d’AESH (accompagnant d’élèves en situation de handicap) a bondi – elles étaient 125 000, en très grande majorité des femmes, à avoir été recrutées par l’Education nationale cette année, et 4 000 emplois supplémentaires ont été annoncés par le ministre de l’Education – tous les postes ne sont pas pourvus. Il manque, par exemple, 1 300 AESH pour la rentrée dans le Val-de-Marne selon l’association Parents 94.
AESH : un emploi précaire
Tous les acteurs du secteur s’accordent pour dire qu’un enjeu de taille se cache sous la formation des AESH et de leur rémunération. « Ce sont des mi-temps payés même pas 900 euros en moyenne, raconte Céline Brulin, sénatrice communiste. Il ne faut pas s’étonner s’il y a un turn-over important, ce qui est préjudiciable pour les enfants. » Pour la sénatrice de la Seine-Maritime, il faut « déprécariser ces personnes » et engager rapidement la création d’un nouveau statut.
La loi Blanquer a bien créé les PIAL (pôles inclusifs d’accompagnement localisés) qui sont censés répartir les AESH en fonction des besoins des enfants du territoire. « On nous a vendu les PIAL comme une révolution, mais ils servent plutôt à gérer la pénurie des AESH », estime Marie-Pierre Monier, corapporteure d’un rapport d’information sur le bilan des mesures éducatives du quinquennat de février 2022. Dans les faits, certaines accompagnantes peuvent se retrouver à suivre plusieurs enfants sur un territoire très vaste et avec des handicaps divers, sans y être forcément formées.
Les syndicats demandent leur abandon et la Défenseure des droits parle d’un « bilan mitigé » et d’un fonctionnement « opaque et disparate ». « Cette organisation est souvent guidée par une rationalisation des ressources, sans prendre en compte les besoins des enfants, ou le cadre de travail de l’AESH ». En 2019, la rapporteuse spéciale des Nations Unies encourageait la France « à passer de l’approche individuelle appliquée actuellement, qui veut que les enfants handicapés s’adaptent au système scolaire, à une approche générale visant à transformer le système d’enseignement de sorte qu’il accueille, dans une démarche inclusive, les enfants handicapés ».
Le temps périscolaire n’est pas géré par l’Etat
Outre la formation et la rémunération des AESH qui posent question, le temps de mission est hachurée pour ces accompagnantes. L’Etat paie les AESH sur le temps scolaire mais ne prend pas en charge le périscolaire et la cantine qui sont gérés et financés par les collectivités. Outre le poids financier important qui ne permet pas toujours d’embaucher correctement, ils ne font pas toujours appel aux mêmes personnes, d’où une discontinuité de la prise en charge pour les enfants en situation de handicap.
Le recours à ces accompagnantes, indispensable pour certains des enfants, serait comme « un pansement sur une jambe de bois » pour d’autres, selon Sonia Ahehehinnou, vice-présidente de l’Unapei une fédération d’associations pour les intérêts des personnes handicapées mentales de leurs familles. « Les AESH ne sont pas l’alpha et l’oméga, nous devons arrêter de considérer la situation des enfants handicapés seulement au travers du prisme de la question des AESH. Certains enfants requièrent d’autres dispositifs et d’une équipe pluridisciplinaire. Nous sommes en train d’éloigner de la scolarisation une partie des enfants », dénonce-t-elle. Une préconisation partagée par Marie-Pierre Monier qui engage à ne pas délaisser les établissements spécialisés.
De meilleures statistiques et une formation de tout le personnel
Dans son rapport, la Défenseure des droits confirme cette tendance et rappelle que « la présence d’un personnel chargé de l’accompagnement n’est ni un préalable ni une condition à la scolarisation de l’élève ». Claire Hédon appelle à la refonte d’un système global dans lequel l’ensemble des équipes éducatives et pédagogiques seraient formées. Pour cela, elle recommande d’améliorer les statistiques qui permettront une meilleure visibilité sur les besoins réels et de se doter d’outils de pilotage adaptés.
Si Philippe Mouiller, sénateur LR membre du Conseil national consultatif des personnes handicapées, partage les constats de la Défenseure des droits, il estime que les traits sont quelque peu épaissis. « Même s’il reste incontestablement de nombreuses choses à faire, il y a eu une vraie progression dans la prise en charge ces dernières années. » Le budget consacré à l’école inclusive a bondi de 65 % durant le quinquennat pour atteindre les 3,5 milliards d’euros selon un rapport d’information du Sénat. La sénatrice Céline Brulin note elle aussi ces évolutions qui « vont dans le bon sens » mais qui s’avèrent trop lentes selon elle. « La temporalité n’est pas la même lorsqu’on est une famille qui attend de savoir si son enfant aura une place dans l’école à la rentrée. C’est une souffrance terrible pour les familles et les enfants. »