« Un fiasco, oui. Mais, dans les circonstances où la déradicalisation s’est faite, n’importe quel gouvernement aurait abouti aux mêmes résultats » affirme la sénatrice EELV, Esther Benbassa. Intitulé, « Désendoctrinement, désenbrigadement et réinsertion des djihadistes en France et Europe » le rapport d’information mené conjointement avec la sénatrice LR Catherine Troendlé (LR) dresse un sévère bilan d’étape des dispositifs de prise en charge de la radicalisation violente. Depuis mai 2016, les deux sénatrices se sont déplacées dans les maisons d’arrêt, au centre expérimental de Pontourny et ont auditionné une trentaine d’acteurs, associatifs et institutionnels.
Symptomatique de ces défaillances, le centre de Pontourny en Indre-et-Loire, ouvert à l’automne dernier est actuellement vide. Avec une capacité d’accueil de 25 places, seulement 9 personnes y résidaient, au plus fort de son activité. « On a ouvert un centre dans un lieu idyllique avec 2 millions et demi de frais de fonctionnement (…) mais il ne peut fonctionner qu’avec des pensionnaires » pointe Catherine Troendlé. Malgré une sélection effectuée sur 60% des préfectures, le centre de Pontourny « a démontré l'échec d'une politique de prise en charge de la déradicalisation fondée uniquement sur le volontariat de personnes ne faisant pas l'objet d'une procédure judiciaire » complète la sénatrice LR.
Déradicalisation: Catherine Troendlé "il y a une pression énorme sur le gouvernement d'apporter une réponse"
Pour autant, les deux sénatrices nuancent la responsabilité de l’action précipitée l’exécutif. « Cette précipitation peut se comprendre, il y a une pression énorme sur le gouvernement quel qu’il soit, d’apporter une réponse à l’anxiété de la population face aux actes terroristes, face aux 13000 signalements qui ont été médiatisés » explique Catherine Troendlé. Effet pervers de cet urgence, « un business de la déradicalisation» s’est créé. « Malgré leur bonne volonté, plusieurs associations, recherchant des financements publics en période de pénurie budgétaire, se sont tournées sans réelle expérience vers le secteur de la déradicalisation » déplore Esther Benbassa. « Il ne faut pas être pessimiste. Il faut simplement changer de mode de réflexion et se dire que la déradicalisation pourrait être remplacée par l’accompagnement individualisé, par la socialisation, par la réinsertion professionnelle et sociale. On ne peut pas faire l’impasse sur la prévention » (…) Le terme (déradicalisation) est impropre. Nous avons plutôt opté pour embrigadement, endoctrinement et réinsertion » ajoute-elle.
Le rapport définitif de la mission d'information doit être rendu en juillet, ont annoncé les sénatrices.
Images et Itw: Héloise Grégoire