Crimes sexuels sur mineurs : pourquoi le Sénat n’a pas adopté le seuil de non-consentement à 15 ans ?

Crimes sexuels sur mineurs : pourquoi le Sénat n’a pas adopté le seuil de non-consentement à 15 ans ?

Après l’adoption de la proposition de loi de la sénatrice centriste Annick Billon visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels, beaucoup de personnes s’interrogent sur le seuil d’âge retenu en dessous duquel un mineur est considéré comme non consentant à une relation sexuelle avec un adulte : 13 ans. Pourquoi pas 15 ans comme le demandait le groupe PS ? Retour sur ce débat au Sénat.
Public Sénat

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

La proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels crée une nouvelle infraction dans le Code pénal, qui punit de vingt ans de réclusion criminelle « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis par une personne majeure sur un mineur de treize ans lorsque l’auteur des faits connaissait ou ne pouvait ignorer l’âge de la victime ». Ainsi, « le comportement de l’enfant ne sera plus interrogé, on ne questionnera plus le consentement d’un mineur de moins de 13 ans », expliquait, jeudi lors des débats en séance publique, la sénatrice centriste Annick Billon.

Mais ce week-end, l’adoption du texte a entraîné une polémique sur les réseaux sociaux sous le hashtag #avant15anscestNON. Pourquoi ne pas avoir retenu le seuil d’âge de 15 ans ? s’interroge-t-on en substance.

« Ce que nous voulons pour les moins de 13 ans, nous devons le vouloir pour les moins de 15 ans »

Si le texte a été adopté à l’unanimité du Sénat, le groupe Socialiste, dont la sénatrice de l’Oise et ancienne Ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, Laurence Rossignol souhaitait rehausser le seuil d’âge à 15 ans de façon à protéger également les mineurs âgés entre 13 et 15 ans.

« Je crains qu’en fixant un seuil d’âge à 13 ans, on fragilise les 13-15 ans pour lesquels on admettrait en fin de compte, un éventuel consentement, qu’il n’y aurait pas viol systématiquement. Ce que nous voulons pour les moins de 13 ans, nous devons le vouloir pour les moins de 15 ans », a-t-elle argué lors de la présentation de son amendement qui n’a pas été retenu.

Pour mémoire au moment de l’examen de la loi Schiappa en 2018, l’âge de non-consentement, fixé à l’époque à 15 ans, était une promesse de l’ancienne ministre en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes, avant de reculer suite à un avis du Conseil qui soulevait l’inconstitutionnalité d’une telle mesure. En effet, avec un seuil d’âge inscrit dans la loi, l’âge de la victime devenait alors un élément constitutif du crime de viol ou du délit d’agression sexuelle : au même titre que la contrainte, la surprise, la menace, la violence (article 222-23). De ce fait une présomption dite irréfragable de culpabilité aurait été inscrite dans la loi, ce qui est inconstitutionnel en droit pénal.

C’est pour contourner cet écueil qu’Annick Billon a fait le choix de créer dans le Code pénal une infraction autonome du viol, intitulé crimes sexuels sur mineurs. Ce nouveau crime a pour but de vider des prétoires les débats sur le consentement lorsque la victime a moins de 13 ans. Et ainsi poser un « interdit clair », et ne plus voir des décisions de justice comme en 2017, où la cour d’assises de Seine-et-Marne avait acquitté un homme de 30 ans jugé pour le viol d’une fillette de 11 ans.

La position du gouvernement : « Un vrai risque constitutionnel inhérent au seuil de 15 ans »

Jeudi, au Sénat, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti a demandé le retrait de l’amendement de Laurence Rossignol. « Je veux vous indiquer qu’il y a un vrai risque constitutionnel inhérent au seuil de 15 ans déjà identifié par le Conseil d’Etat dans son avis du 15 mars 2018. Un mineur de 17 ans et demi qui aurait eu des relations sexuelles avec un mineur de 14 ans deviendrait de facto un criminel le jour de ses 18 ans. Ce n’est pas une question tranchée, elle est difficile, elle est délicate. Ça mérite une vraie réflexion, un approfondissement de nos travaux », a-t-il fait valoir.

Annick Billon avait par la suite pris la parole. « J’entends les débats sur 13 ou 15 ans mais il ne faut pas oublier qu’il y a deux ans, il n’y avait aucun seuil possible à inscrire dans la loi. Donc déjà inscrire 13 ans, c’est un progrès […] la création d’une infraction autonome balaye les réserves du conseil d’Etat », assurait-elle.

« C’est inconstitutionnel is the new je ne suis pas d’accord »

« C’est inconstitutionnel is the new je ne suis pas d’accord », avait fini par railler Laurence Rossignol avant d’ajouter : « Moi, je ne connais qu’une seule façon de savoir si c’est inconstitutionnel ou pas, c’est que le Conseil Constitutionnel se prononce ».

Dans la même thématique

PARIS: Murs en miroirs pour dissimuler les travaux de la Fondation Cartier
3min

Société

[Info Public Sénat] Le rapporteur public du Conseil d’Etat demande l’« annulation » des groupes de niveau au collège

Suite à trois recours déposés contre le choc des savoirs, dont un par la sénatrice écologiste Monique de Marco, le rapporteur public du Conseil d’Etat demande d’annuler la mise en place des groupes de niveau au collège, soit le cœur de la réforme portée par Gabriel Attal. S’il faut encore attendre la décision du Conseil d’Etat, son avis pourrait être suivi.

Le

Crimes sexuels sur mineurs : pourquoi le Sénat n’a pas adopté le seuil de non-consentement à 15 ans ?
3min

Société

« Bruno Retailleau a eu tort de parler de suppression des aides sociales » en cas de condamnation, assure Marie-Arlette Carlotti

Ce mardi, Marie-Arlette Carlotti, sénatrice socialiste des Bouches-du-Rhône, était invité de la matinale de Public Sénat. Membre de la commission d’enquête sur le narcotrafic, elle est revenue sur les mesures présentées vendredi dernier par Bruno Retailleau et Didier Migaud dans le cadre de leur plan de lutte contre le trafic de drogue.

Le

Crimes sexuels sur mineurs : pourquoi le Sénat n’a pas adopté le seuil de non-consentement à 15 ans ?
7min

Société

Narcotrafic : « Je suis très fier que le travail sénatorial soit repris par le gouvernement », salue le sénateur PS Jérôme Durain

Alors que le gouvernement présente ce vendredi son plan contre le narcotrafic, le PS entend lui aussi montrer que « sur le plan répressif, il prendra toute sa part dans la lutte contre la criminalité », tient à rappeler le sénateur Jérôme Durain. Sa proposition de loi, cosignée avec le sénateur LR, Etienne Blanc, « sera le véhicule législatif retenu par le gouvernement pour traiter de cette question du narcotrafic ». Le socialiste sera présent à Marseille, aux côtés des ministres.

Le