Pendant des décennies, le Chlordécone a instillé son poison insidieux au cœur des Antilles françaises. Dispersé entre les années 1970 et 1995, principalement dans les plantations de bananes, il s’est infiltré dans les sols, dans les eaux, puis dans les corps. Aujourd’hui, les conséquences sont pléthores, et les victimes ont porté leur cause en justice. Mais l’enquête anime leurs suspicions. C’est ce qu’est venue rappeler la sénatrice socialiste Victoire Jasmin ce mercredi lors des questions d’actualité au gouvernement. « Les documents de l’enquête de l’Assemblée nationale de 2019 ont été scellés et ne seront consultables qu’en 2044. Pire, des plaintes d’associations, d’élus, de victimes dénoncent des dissimulations avérées de preuves. La justice veut prescrire. S’agit-il de dissimulations avérées de preuves. D’un mépris pour ces populations ? », a-t-elle interrogé le gouvernement.
En l’absence du ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, Olivier Véran s’est chargé de répondre. La Chlordécone a été une « vraie saleté, une vraie saloperie qui a pourri les sols », reconnaît le ministre de la Santé. Plus grave, elle a un « effet rémanent pendant 600 ans ». Le ministre « partage l’émotion de la population ». L’Etat français quant à lui s’est déjà engagé à travers trois plans. Emmanuel Macron en a annoncé un quatrième. « Les faits font l’objet d’une information judiciaire suivie par le pôle de santé publique du tribunal de Paris. Des juges d’instructions ont été désignés en octobre 2008. Ce sont les services de l’office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique ainsi que les sections de recherche de la gendarmerie de Martinique et Guadeloupe qui sont saisies de l’enquête sur commission rogatoire. Les juges d’instruction auraient signalé aux parties civiles la possible prescription de l’action publique dans ce dossier », a précisé Olivier Véran.
Mais de réponse, il n’en donnera point. « Le gouvernement ne peut pas interférer dans une procédure judiciaire en cours ni la commenter en vertu du principe d’indépendance de l’autorité judiciaire », explique-t-il. Avec le nouveau plan du gouvernement en « cours d’adoption », Olivier Véran assure qu’un « pas essentiel sera franchi ». « Les moyens ont été doublés. Une directrice de projet a été nommée. Elle va permettre d’améliorer le suivi entre le national et le local. C’était une des propositions phare de la commission d’enquête », souligne-t-il. Pas de quoi satisfaire la sénatrice, qui n’a pas confiance dans son apparente bonne volonté. « Vous avez très récemment dérogé aux règles sur les néonicotinoïdes. Ce sont les mêmes sujets », a-t-elle rétorqué.