« Il s’agit d’une disposition essentielle à la lutte antiterroriste » a réagi à publicsenat.fr, le président de la Commission des lois du Sénat, Philippe Bas. Quelques semaines après les attentats du 13 novembre, il présentait, en décembre 2015 un texte destiné à « renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste ». Le sénateur LR annonçait la création de nouvelles infractions pénales : comme ce nouveau « délit de consultation habituelle de sites internet terroristes » semblable à celui prévu pour les consultations de sites pédopornographiques.
Repris par le gouvernement dans sa réforme pénale, cette disposition vient d’être censurée par le Conseil Constitutionnel saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité. Ce délit, défini dans un nouvel article 412-2-5-2 du code pénal, punissait « de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende » le fait de « consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages, images ou représentations soit provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme, soit faisant l'apologie de ces actes ». Cet article n'était toutefois « pas applicable lorsque la consultation est effectuée de bonne foi, résulte de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou est réalisée afin de servir de preuve en justice ».
Dans sa décision, le Conseil a estimé que sur l’exclusion de la pénalisation de la consultation effectuée de « bonne foi », « les travaux parlementaires ne permettent pas de déterminer la portée que le législateur a entendu attribuer à cette exemption ». « Le Conseil en a déduit que les dispositions contestées font peser une incertitude sur la licéité de la consultation de certains services de communication au public en ligne et, en conséquence, de l'usage d'internet pour rechercher des informations ».
Les Sages ont donc repris l’une des argumentations de l’avocat de la Ligue des droits de l’Homme, François Sureau, auditionné le 31 janvier. Me Sureau estimait que la loi contestée empêchait « le citoyen d’une démocratie de se former une opinion justifiée sur l’une des menaces les plus graves qui pèsent sur notre société, sur sa nature et sur ses formes », jetant « un pan entier de la liberté de penser (…) dans l’ombre policière et répressive » rapporte le journal Le Monde.
Le Conseil Constitutionnel a aussi considéré que l’atteinte à la liberté de communication instituée par ce délit n’était ni adaptée, ni proportionnée, puisqu’il « n’impose pas que (son) auteur ait la volonté de commettre des actes terroristes », pas plus qu’il adhère « à l’idéologie exprimée » sur ces sites.
Philippe Bas annonce qu’il déposera dans les prochains jours une nouvelle proposition de loi destinée à rétablir un délit « essentiel » selon lui « à la lutte antiterroriste ». « Nous prendrons en compte la décision du Conseil Constitutionnel, notamment sur l’exemption de bonne foi. Nous allons mieux caractériser ce délit pour se conformer à la décision du Conseil Constitutionnel » réagit-il. Election présidentielle oblige, la session parlementaire sera suspendue à la fin du mois pour reprendre après les élections législatives. Pas de quoi décourager le sénateur LR : « nous irons le plus loin possible dans cette direction. C’est une exigence qui traverse l’élection présidentielle » conclut-il.