Dans un bois de chênes aux airs paisibles, près de Seveso, en Italie, deux fosses contiennent les déchets contaminés issus de l’accident de l’usine de produits chimiques Icmesa. Après la catastrophe, les autorités ont rasé l’usine et les maisons à proximité.
Gianni Del Pero, géologue et directeur du WWF Lombardie se souvient : « Sous terre, on a enfoui tous les restes de l'usine et des maisons avoisinantes, avec tous les souvenirs des habitants. Il y a aussi les 80 cm de terre qui ont été raclés pour décontaminer ce bois, le matériel de l'usine, ainsi que le réacteur qui a explosé le 10 juillet 1976 ».
Ce jour-là, le réacteur de l'usine était en chauffe, jusqu'à ce qu'une soupape de sécurité saute. Pendant 20 minutes, un nuage blanc chargé de dioxine hautement toxique va se propager.
Alberto Colombo, avait 15 ans au moment des faits et s’en souvient comme si c’était hier. « C’est seulement après plusieurs jours, quand je suis repassé une semaine plus tard aux abords de l’usine, que là c’est la surprise. C’est la surprise car dans toutes les rues, des panneaux étaient apparus avec comme message : interdit de cultiver, défense d’entrer dans les zones contaminées ». Pendant plusieurs jours, les autorités ont tenté de minimiser le danger. Avant de décider l’évacuation de la population. Alberto Colombo est forcé de déménager à Milan avec sa famille.
« Les feuilles des arbres sont devenues jaunes brutalement alors même qu’on était en plein été »
Le bilan de la catastrophe est impressionnant
Gianni Del Pero, raconte les jours qui ont suivi l'accident : « La végétation a brûlé, les feuilles des arbres sont devenues jaunes brutalement alors même qu’on était en plein été, mais ce qui nous a le plus inquiétés c’était de voir les animaux qui mouraient ».
Le bilan de la catastrophe est impressionnant : plus d’un millier d’animaux décimés, 77 000 têtes de bétail abattues, 358 hectares contaminés… Les premiers cas de chloracné apparaissent. 193 enfants seront touchés par cette altération de la peau. Même si ce jour-là aucun mort n’est à déplorer, on craint des effets à long terme.
À l’époque, Paolo Mocarelli, professeur de médecine à l’université de Milan, était jeune médecin et a lancé une série de prélèvements sanguins sur les personnes exposées à la dioxine. « Les 1ers mois on a effectué des prélèvements sanguins sur plusieurs milliers de personnes et ensuite on a assuré leur suivi pendant plusieurs années ». Dans une étude qui récapitule 40 ans de recherches sur les effets de la dioxine sur la population de Seveso, Paolo Mocarelli décèle une baisse de la fertilité et une hausse de certains types de cancer. Après des années et des années de recherches, la conclusion de cette étude a montré une légère augmentation des tumeurs dans la zone hépatobiliaire et du système lymphatique.
« Dans toutes les rues, des panneaux étaient apparus avec comme message : interdit de cultiver, défense d’entrer dans les zones contaminées »
À Seveso, il n’y a plus d’usine en centre-ville. La ville a d’ailleurs donné son nom à une directive européenne qui encadre la prévention et la gestion des risques industriels majeurs. Cette ville a tiré les leçons du passé, aujourd’hui le maire, Luca Allievi, veut aller de l’avant. Une nouvelle autoroute est en projet pour favoriser le développement économique de la commune. « Les travaux pour la nouvelle autoroute devraient bientôt commencer. Il s’agit d’une autoroute qui passera sur le tracé de la route actuelle qui relie Milan à Meda. En l’agrandissant on va creuser et déplacer la terre, mais tout est sous contrôle. Les dernières analyses nous disent que la situation est stable ».
Mais les militants pour l’environnement craignent que les travaux de l’autoroute provoquent l’évaporation de dioxines. Ce qui ferait courir un risque pour la population de Seveso, car plus de 40 ans après la catastrophe, la dioxine est toujours présente dans les sols.