Après deux jours consacrés aux problèmes de sécurité, d’école et de logement, Emmanuel Macron a conclu, ce vendredi, sa visite à Marseille par une journée sur le thème de l’environnement, pour inaugurer notamment le congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la Nature. Le chef de l’Etat a aussi annoncé la tenue d’un sommet environnemental « One Ocean » fin 2021 ou début 2022. « La France va organiser dans les prochains mois ce que nous avons fait pour la biodiversité en début d’année, c’est-à-dire un One Ocean Summit qui va consister à mettre les scientifiques, les acteurs économiques, les acteurs régionaux et les Nations unies autour de la table ».
Cette séquence environnementale du président de la République est l’occasion de revenir sur son bilan en matière de protection de la biodiversité depuis le début du quinquennat.
L’abandon de chantiers polémiques
En janvier 2018, le Premier ministre de l’époque Edouard Philippe avait annoncé une mesure forte : l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes. Un projet qui divise depuis des décennies notamment car le futur aéroport était prévu sur une zone naturelle riche en biodiversité. Certains opposants en avaient fait une ZAD, une zone à défendre, s’y installant, au prix d’affrontements avec les forces de l’ordre. En contrepartie de l’abandon du projet d’aéroport, la ZAD a été évacuée. « C’est surtout une victoire de Nicolas Hulot », explique Joël Labbé, sénateur écologiste du Morbihan. « C’était la condition de Nicolas Hulot pour qu’il accepte de devenir ministre de la Transition écologique d’Emmanuel Macron. »
Autre chantier d’envergure abandonné par le gouvernement, le projet d’extraction minière en Guyane dit de la Montagne d’Or. Ses partisans estimaient qu’il allait créer près de 4000 emplois dans un territoire touché par le chômage. Les opposants à la Montagne d’Or assuraient qu’elle allait détruire 1500 hectares de la forêt amazonienne où vivent 1700 espèces protégées. En mai 2019, le Conseil de défense écologique, instance gouvernementale, annonce que « le projet actuel « Montagne d’or » est incompatible avec les exigences de protection de l’environnement ». A l'heure actuelle, les industriels concernés souhaitent verdir leur projet et mènent un bras de fer juridique avec l'Etat.
Maintien du glyphosate, retour des néonicotinoïdes
Du côté de l’emploi des pesticides, l’action du gouvernement a fait l’objet de vives critiques de la part des associations de défense de la biodiversité comme la fondation Hulot. L’abandon du glyphosate, promesse du candidat Macron pendant la campagne présidentielle, devait intervenir en 2020. Cette décision a été ensuite reportée et ne devrait pas intervenir avant la fin du quinquennat.
Le retour des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles dans la filière betterave a également créé la polémique. Ces substances, interdites par le gouvernement précédent, ont été réintroduites en 2020, pour une durée de 3 ans, pour sauver la filière betterave en difficulté. Cette mesure avait provoqué un débat sous haute tension au Sénat. Défenseur de l’usage des pesticides pour les betteraves, le sénateur LR Pierre Cuypers salue cette dérogation qu’il avait lui-même demandée au ministre de l’Agriculture. « En 2020, sans les néonicotinoïdes, nous avons perdu 70 % de la production de betteraves, à cause de l’épidémie de jaunisse. De plus, il faut rappeler que les abeilles ne viennent pas sur les betteraves car elles n’ont pas de fleurs, donc on doit pouvoir utiliser ces produits. » Le sénateur écologiste Joël Labbé s’inscrit en faux : « Il n’y a pas que les abeilles, c’est toute la biodiversité autour des betteraves qui est désormais menacée par le retour de ces pesticides. » Joël Labbé se félicite néanmoins de l’extension de la loi qui porte son nom et qui interdit l’usage des pesticides sur tous les territoires non agricoles comme les espaces verts.
Un plan pour abattre davantage de loups
Concernant les loups, espèce qui divise les éleveurs et les militants écologistes, Emmanuel Macron a lancé en 2019 un plan Loup qui augmente le pourcentage d’animaux à abattre, pour atteindre un taux entre 17 et 19 %. Une hausse justifiée par le seuil de 500 loups qui avait été atteint à l’époque et pour diminuer les attaques de troupeaux. Ce plan Loup a ralenti la progression de l’espèce. Début 2021, 624 loups gris étaient recensés.
Chasser « et en même temps » protéger la biodiversité
Ce quinquennat sera marqué par des mesures prises en faveur du monde de la chasse, tout en exigeant des chasseurs plus d’engagement pour la biodiversité. Le prix du permis de chasse a été divisé par 2 passant de 400 à 200 euros mais en même temps une contribution biodiversité de 15 euros est prélevée sur chaque permis. L’Office national de la chasse a fusionné avec l’Agence française de la biodiversité pour regrouper les différents acteurs. « Cela correspond à un moment où les chasseurs ont progressé dans leur action pour protéger la faune et la flore », estime Pierre Cuypers, membre du groupe d’étude Chasse et Pêche au Sénat. « Aujourd’hui ils participent à la régulation des populations animales jugées trop nombreuses, comme les sangliers et les chevreuils. Dans mon département, en Seine-et-Marne, le rôle des chasseurs est aussi d’œuvrer à la plantation de haies, de plantes à pollen. »
18 espèces d’oiseaux menacées sont chassées en France
Sur les pratiques de chasse ancestrales, la chasse à la glu a été suspendue puis interdite. Au grand dam de certains sénateurs du sud de la France comme Dominique Estrosi Sassone, sénatrice LR des Alpes-Maritimes. « La chasse à la glu n’est pratiquée aujourd’hui que par quelques vieux chasseurs qui transmettent un savoir-faire séculaire de notre territoire. Il ne décime pas la biodiversité. C’est un premier coup donné aux chasses traditionnelles alors qu’Emmanuel Macron s’était engagé en 2017 à les préserver. Qui sait si demain il ne va pas interdire la chasse à courre ? »
Concernant les espèces menacées, la chasse à la tourterelle des bois a été interdite cet été par le gouvernement, sous la pression de la Commission européenne.
Mais on retiendra qu’aujourd’hui, sur les 64 espèces d’oiseaux qu’on peut chasser en France, près de 18 sont considérées comme menacées par l’Union internationale pour la conservation de la Nature qui se réunit en Congrès à partir d’aujourd’hui à Marseille. Ce congrès d’une dizaine de jours a pour objectif de faire bouger les lignes internationales lors de la COP15 Biodiversité, en avril 2022 en Chine.