21 septembre 2001, à 10 heures 17, plus de 300 tonnes de nitrate d’ammonium stockées dans un hangar du complexe chimique d’AZF, à cinq km du centre-ville de Toulouse, explosent, provoquant une onde sismique de 3,4 sur l’échelle de Richter. 31 personnes perdront la vie dans cette catastrophe industrielle qui fera des milliers de blessés.
Cette explosion d’une ampleur jamais vue sur le sol français depuis la seconde guerre mondiale, va faire prendre conscience à la population française que le risque industriel n’est pas qu’une hypothèse.
Loi Bachelot : création des plans de prévention des risques technologiques
La catastrophe va entraîner, deux ans plus tard, l’adoption de la loi Bachelot (30 juillet 2003) sur la prévention des risques technologiques. Un texte « novateur, réparateur, équilibré », promet la ministre de l’Ecologie et du développement durable de l’époque. La loi prévoit notamment la mise en place de plans de prévention des risques technologiques (PPRT) autour des sites à risques classés Seveso. Le site AZF était bien classé zone à risques Seveso, conformément à une directive européenne de 1982. Mais construit en 1920 à l’écart de la ville, il s’était rapproché de l’agglomération toulousaine, au fur et à mesure de la croissance urbaine.
Les PPRT doivent concilier la protection de l’environnement et de la santé publique, avec la présence d’une activité industrielle sur le même territoire. Le dispositif identifie l’encadrement de l’urbanisme comme l’un des principaux remèdes aux risques industriels majeurs. Le PPRT est réalisé par le préfet après une enquête publique et certaines consultations obligatoires (élus locaux, exploitants). Il délimite plusieurs zones. Dans la plus dangereuse, les habitants sont expropriés au frais de l’Etat. Des travaux de protection dans les logements ou des mesures d’organisation de l’activité dans les entreprises, peuvent être prescrits dans les zones à plus faibles risques.
La catastrophe d’AZF ayant rendu inhabitables des centaines de logements, la loi Bachelot accélère également les indemnisations matérielles en cas de sinistre de très grande ampleur. Tous les contrats d’assurance de biens des particuliers multirisques habitation ou assurance automobile devront désormais obligatoirement comporter la garantie des risques technologiques.
Mais cette réglementation va mettre du temps à se mettre en place. En 2013, à peine la moitié des 390 PPRT étaient approuvés. En 2020, 5 étaient toujours en voie de finalisation. La raison de cette lenteur invoquée par le ministère réside notamment dans la lenteur des procédures d’expropriation.
Le 26 septembre 2019, l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen va entraîner une nouvelle série de mesures. La catastrophe d’AZF avait conduit à une commission d’enquête à l’Assemblée nationale. 18 ans plus tard, ce sont les sénateurs qui exercent cette mission de contrôle de l’exécutif.
Création d’un bureau d’enquête accidents industriels
Mais la ministre de la Transition écologique et Solidaire, Elisabeth Borne n’attend pas la fin des travaux de la commission d’enquête du Sénat pour présenter son plan de prévention et de gestion des risques industriels, dès le mois de février 2020. La ministre annonce la création d’un « bureau d’enquête accidents industriels » indépendant. Comme il en existe dans le domaine de la sécurité aérienne, ce nouveau bureau d’enquête aura pour but « d’institutionnaliser toutes les leçons que l’on pourra tirer des accidents industriels importants » explique-t-elle. Il est institué par la loi Climat et Résilience adopté par le Parlement cet été.
Augmentation des contrôles des installations classées pour la protection de l’environnement
La commission d’enquête du Sénat avait mis en exergue « les angles morts importants et inacceptables dans la politique de prévention des risques industriels, déployée depuis 40 ans en France ». Des failles symbolisées par la division par deux, en quinze ans, des contrôles des ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement). Et si l’exécutif promet une augmentation de 50 % de ces contrôles d’ici la fin du quinquennat, les sénateurs pointent, eux, « une forme d’indulgence des pouvoirs publics vis-à-vis des industries » liée au « nombre réduit de sanctions prononcées, la faiblesse et le taux de classement sans suite plus élevé pour les infractions environnementales ».
Depuis l’incendie de Lubrizol, de nouvelles obligations sont toutefois imposées aux industriels. Les exercices de mise en œuvre des plans d’urgence (plans d’opération interne : POI) devront se tenir tous les ans au lieu de trois pour les sites Seveso classés à hauts risques. Et alors que le groupe Lubrizol avait tardé à communiquer la liste des produits stockés dans son usine et dans celle de Normandie Logistique, les industriels doivent dorénavant tenir à jour et en permanence, des fichiers indiquant la nature et la quantité des produits présents sur leur site.
Nouveaux délits d’atteinte à l’environnement
La catastrophe d’AZF s’est soldée par 18 années de bataille judiciaire. En 2017 l’ex-directeur du site, Serge Biechlin a été condamné à 15 mois d’emprisonnement avec sursis et 45.000 euros d’amende. La société propriétaire de l’usine AZF, Grande Paroisse (filiale de Total) a été condamnée à payer 225.000 euros d’amende. Les deux ont été reconnus coupables de « fautes caractérisées » commises par « maladresse », « négligence » ou encore « manquement aux obligations de prudence » avant de voir leur pourvoi en cassation rejeté. Des peines considérées comme trop faibles par les associations de victimes.
Auditionnée par la commission d’enquête Lubrizol en 2020, Élisabeth Borne avait concédé « des trous dans la raquette sur les sanctions en termes d’atteinte à l’environnement », avant de préconiser la création d’un « délit d’atteinte générale à l’environnement ».
La loi Climat et Résilience crée deux délits. Un délit de mise en danger de l’environnement en cas de mise en danger grave et durable (sur au moins sept ans) de l’environnement (faune, flore et qualité des sols), puni cinq ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende. Un montant qui peut être porté jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.
Le délit intentionnel dit « d’écocide » est lui puni de 10 ans d’emprisonnement et d’une amende de 4,5 millions d’amende, pouvant être portée jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.