Ce matin, dans les couloirs du Sénat, la surprise était de mise. À droite comme à gauche, l’annonce de la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances sur le dossier de l'aciérie d’Ascoval était passée inaperçue. Invitée sur Radio Classique, Agnès Pannier-Runacher a confirmé l’information parue dans Les Échos quelques heures auparavant, comme quoi l’État travaillait avec Altifort, candidat à la reprise du site, sur une solution sans Vallourec, principal actionnaire de l'aciérie.
Jean-François Rapin, sénateur (LR) du Pas-de-Calais, « ne voit pas comment c’est possible » car selon lui, « tout reposait sur Vallourec », dont l’État est actionnaire à 17%. « Ascoval c’est Vallourec » renchérit le parlementaire.
« L’absence d’empathie » de la secrétaire d’État
À l’origine, Altifort, candidat à la reprise de l'aciérie Ascoval, avait formulé une offre impliquant que Vallourec maintienne pendant un et demi son niveau actuel de commandes, ce qu’a refusé le sidérurgiste français du fait de sa situation financière particulièrement dégradée. « Il faut être responsable dans ce dossier » avait lancé la secrétaire d’État en soutien de cette décision, lors des questions au gouvernement au Sénat, jeudi dernier. Et d’ajouter : « Ascoval c’est 281 emplois, Vallourec c’est 2800 emplois en France et une perte de 300 millions d’euros au premier semestre. » Des propos qui ont provoqué des huées sur les bancs de l’hémicycle.
Le sénateur (LR) du Nord, Marc-Philippe Daubresse n’a pas décoléré de cette « absence d’empathie » pour les 281 employés d’Ascoval. « Il manquait la prise en considération des situations humaines », confirme Éric Bocquet, sénateur communiste du Nord. Une critique balayée mardi soir par Agnès Pannier-Runacher à la sortie des questions au gouvernement, au Sénat. Au micro de Tâm Tran Huy, dans Sénat 360, sur Public Sénat, la secrétaire d'Etat a assuré avoir de « l'empathie pour les 281 salariés » : « La manière de les respecter, c'est de leur dire la vérité, pas de les promener. Le sujet de ces 280 familles m'empêche plutôt de dormir, mais je ne fais pas de démagogie. »
« La disparition de ce site serait une catastrophe historique »
Les élus locaux de la région Hauts-de-France font front commun « pour qu’Ascoval vive ». « La disparition de ce site serait une catastrophe historique » prévient Marc-Philippe Daubresse. Le sénateur reste ouvert à « une solution avec ou sans Vallourec » à la condition d’un État « volontaire » : « Il est grand temps que l’État réagisse, il n’a pas joué son rôle d’État stratège jusqu’ici. »
Son collègue Jean-François Rapin, plus dubitatif quant à une issue favorable pour l'aciérie Ascoval sans le sidérurgiste français Vallourec, reconnaît, lui aussi, qu’ « il faut tenter toutes les possibilités » et opte pour la méthode Coué : « Si la secrétaire d’État a proposé une solution (sans Vallourec), c’est sans doute qu’il y en a une ! »
Côté syndicats on se réjouit d’un « pied de nez à Vallourec ». Bruno Kopczynski, porte-parole de l'intersyndicale d'Ascoval et délégué CFDT, a confié à l’AFP que « des clients se sont intéressés à (eux) suite au mouvement ». « Si ça se fait, ce sera avec les concurrents directs de Vallourec (...) pour compenser les 135 000 tonnes de commandes de barres pleines qu'Altifort demandait à Vallourec sur 18 mois ».
« Ce que nous préconisons, c’est que l’État monte au capital d’Ascoval »
Reste à savoir quel rôle va jouer l’État dans cette affaire. Le sénateur communiste du Nord, Éric Bocquet, formule un objectif chiffré : « Ce que nous préconisons, c’est que l’État monte au capital d’Ascoval pour peser dans la décision, en passant de 15 à 33%. » « Il faut que l’État joue son rôle d’actionnaire. Si l’État s’engage, ça pourrait donner confiance aux banques, jusque-là réticentes », poursuit-il. Un raisonnement à l’inverse de celui formulé par Agnès Pannier-Runacher, partisane du « pour un euro public il faut un euro privé ».
Si on n’avance pas d’objectif chiffré chez Les Républicains, on n’en pense pas moins. « On ne demande pas la nationalisation pour autant » tempère toutefois Marc-Philippe Daubresse. Et d’insister sur le volontarisme du président de la région Hauts-de-France. Volontaire, mais aussi échaudé : Xavier Betrand a accusé l’État de « préparer l’assassinat de l’aciérie » : « Au bout d’un moment, on en a marre d’être pris pour des cons, on sait exactement ce qu’ils sont en train de préparer mais on ne laissera pas faire. Si l’État prenait sa part, l’entreprise continuerait » avait-il lâché. Avant de décider s’il « prendr(a) sa part », l’exécutif a réclamé une expertise indépendante sur la situation économique d’Ascoval, qui rendra ses conclusions ce mardi, à 19h30, avant la réunion « décisive » de mercredi à Bercy.
« Il n’y a pas de réunion de la dernière chance mais une volonté constante de trouver une solution pour Ascoval » a tenu à rassurer Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des finances, lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale ce mardi. Agnès Pannier-Runacher rappelle, pour sa part, que « (leur) motivation est d'avoir des réponses rapides pour les 280 salariés (...) et une usine compétitive ». Or « le contrat avec Vallourec n'était pas un contrat qui créait de la valeur, mais qui mettait en difficulté l'aciérie ». « L'objectif est de trouver le bon client et le bon plan de financement », ajoute la secrétaire d'Etat.
En attendant, les sénateurs communistes, sous la houlette de la sénatrice du Nord Michelle Gréaume, ont prévu d’adresser un courrier au Premier ministre pour lui faire part de leurs propositions avant le 7 novembre, date à laquelle le tribunal de grande instance de Strasbourg rendra sa décision. « Ascoval n’est pas un canard boiteux, c’est une entreprise qui a de l’avenir » conclut Éric Bocquet.