1961, ouverture du 1er Planning familial à Grenoble
En 1961, le premier centre de planification français ouvre à Grenoble. Anciennement appelé « Maternité heureuse », cet établissement œuvre pour la contraception, en proposant aux femmes et aux couples différents moyens pour réguler les naissances et pour leur bien-être personnel. La pilule n’étant pas encore commercialisée en France, le Planning familial a un rôle bien précis. Pour l’historienne spécialiste de la sexualité et de la femme, Bibia Pavard, « le rôle du Planning familial c’est d’abord informer sur le contrôle des naissances et sur les moyens possibles afin de limiter ces naissances. Il a un rôle d’information parce que la loi de 1920 contraint la liberté de circulation de l’information et interdit toute propagande anticonceptionnelle. C’est une loi ambiguë, qui n’interdit pas la contraception en tant que telle, mais qui interdit la vente et la circulation de contraceptifs. C’est dans un cadre nataliste qu’elle a été prise et l’idée c’est de ne pas inciter la population à utiliser ces contraceptifs. La loi de 1920 a une autre caractéristique, celle d’associer la contraception et l’avortement, dont elle est fermement contre ». La gynécologue et militante au planning familial, Danielle Gaudry poursuit « au début des années 60, on reçoit des couples qui sont en difficulté par des grossesses répétées, non désirées ou des couples qui veulent découvrir les moyens existants de contraception en les orientant vers des médecins qui font les consultations. Le centre de Grenoble va être l’un des premiers centres où l’on va fabriquer un des premiers contraceptifs, "l’Alpagelle", un spermicide. Il faut savoir qu’à cette époque, de nombreux drames arrivaient dû fait de cette absence de contraceptifs ».
1967, la loi Neuwirth
En 1967, la loi Neuwirth autorisant l’usage de contraceptifs est adoptée. Un an plus tôt, c’est Lucien Neuwirth un homme politique gaulliste aidé par un groupe de militantes, qui commence à promouvoir l’idée de la contraception. Un projet de loi visant à supprimer la loi de 1920 et qui n’est pas au goût de tout le monde. Plusieurs arguments vont être mis en place pour faire adopter ce projet. Pour Bibia Pavard, « l’un des arguments avancé pour adopter la loi Neuwirth, c’est de dire que c’est un moyen de lutter contre l’avortement clandestin et qu’une fois la possibilité d’accéder aux contraceptifs modernes, l’avortement allait disparaître. C’était l’espoir de l’époque. Mais en réalité, c’est une loi qui est extrêmement restrictive : elle interdit la vente de contraceptifs aux mineurs, il faut une autorisation parentale au préalable. Aussi, les contraceptifs ne sont pas remboursés par la sécurité sociale, ce qui introduit des inégalités de classe ». Une loi, symbole d’une véritable révolution. La gynécologue et militante au Planning familial, Danielle Gaudry l’admet, « c’était une avancée importante et une délivrance pour les femmes. Il faut savoir que l’espérance de vie des femmes a été prolongée grâce à deux évènements : l’arrivée des antibiotiques et les méthodes contraceptives modernes qui ont permis d’espacer les grossesses. Mais en 1967, lorsqu’on avait moins de 21 ans, il fallait trouver le médecin qui puisse être suffisamment compréhensif pour obtenir la pilule ».
1972, des enfants quand je veux
En 1972, la question de la contraception entre dans les familles. Dans un reportage télévisé, une mère de famille explique comment elle fait sa propre planification des naissances, après deux grossesses trop « rapides » à son goût. Grâce à la pilule, maîtriser sa fertilité devient possible et est une source d’épanouissement pour les familles. Mais cette « maîtrise de la fécondité » est contestée : certains y voient le risque d’un débordement de la sexualité. Pour l’historienne Bibia Pavard, « l’un des arguments dans les débats parlementaire c’est la peur d’une remise en cause de l’ordre du genre. Il y a aussi l’idée que la pilule et la contraception en général permettent d’avoir une famille heureuse et harmonieuse et le choix du moment d’avoir ses enfants, ça permet aussi de les choyer davantage et d’avoir une harmonie sexuelle et familiale ».
1974, la pilule est remboursable
En 1974, les féministes réclament le remboursement de la pilule. Face à cette mobilisation, le gouvernement adopte une série de mesures qui prévoient notamment la délivrance de la pilule pour les mineurs sans autorisation parentale et le remboursement de la pilule par la sécurité sociale. Une véritable révolution depuis la loi Neuwirth. Pour Danielle Gaudry, « les années 70 ont amené les éléments législatifs qui étaient les reflets d’une évolution sociale. La société et les mouvements féministes poussaient énormément les politiques et on peut dire que ça a été une réelle prise de conscience de la société ». L’historienne Bibia Pavard tient à souligner que « c’est la loi Veil de 1974, qui va banaliser la contraception et qui va la libéraliser totalement. On retient la loi Neuwirth de 1967 mais on peut dire que 1974 c’est le véritable tournant ».
1982, la pilule masculine
En 1982, la pilule change de camp. Pour la première fois, une pilule est conçue pour les hommes. Cette pilule masculine permettrait aux hommes d’arriver à un état de stérilité temporaire. Un débat se crée : serait-elle un risque pour la virilité ou la libido ? La gynécologue Danielle Gaudry l’admet, « actuellement on reparle de contraception masculine mais la recherche n’a pas avancé. Cela n’intéresse pas les laboratoires. On évoque ici la virilité, pourtant on a jamais parlé de féminité chez les femmes qui prennent la pilule. La question ne s’est jamais posée». Une revendication semble s’opérer : les femmes prennent la pilule, les hommes devraient en faire autant. Pour Bibia Pavard, « ce début d’année 80, est un moment où des groupes d’hommes réfléchissent à leur participation dans le processus contraceptif. Il y a des expérimentations avec les pilules mais également tout une réflexion sur le slip chauffant qui permettrait de réduire la production de préservatif. On commence à avoir l’idée que la contraception ne doit pas reposer uniquement sur les femmes, que cela peut être un poids aussi bien qu’une libération ».
Contraception : en 1982, les hommes testent la pilule, et le slip chauffant
2013, les dangers des pilules de 3ème et 4ème génération
Au tournant des années 2000, la pilule est perçue comme dangereuse. Certaines pilules seraient responsables de plusieurs effets secondaires : embolie, thrombose, AVC ... En cause, les pilules de 3ème et 4ème génération, telle que "Diane 35", retirée des marchés par l’ancienne Ministre de la Santé, Marisol Touraine. En 2013, une ancienne gymnaste victime de thrombose dû à la prise de la pilule témoigne sur France 3. La pilule suscite désormais la défiance Au-delà de ce scandale, Bibia Pavard explique « on s’aperçoit qu’il y a un mouvement qui commence à remettre en cause cette idée que la pilule ne pose pas de problème. Elle est révélatrice d’un nouveau rapport au corps, à la nature, aux médicaments. Aujourd’hui on n’a plus confiance totalement dans notre système de santé et on est méfiant vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique ». Une chose est sûre pour la gynécologue Danielle Gaudry, « si on met dans la balance d’autres moyens de contraceptions avec la même efficacité et moins de contrainte… la pilule pourrait être mis au rang de quelque chose d’historique. Mais actuellement, on peut difficilement s’en passer, parce qu’elle pas que des inconvénients, elle a aussi des avantages et ça on en parle jamais».
Bibliographie :
- "Si je veux, quand je veux", de Bibia Pavard, éd Presse universitaire de Rennes
Retrouvez l'intégralité de l'émission présentée par Fabrice D'Almeida, samedi à 8h30 et 15h30, dimanche à 12h et lundi à 23h.