Les ministres « éclairés » par le Giec : « Un aveu d’incompétence », selon l’écologiste Guillaume Gontard

Les ministres « éclairés » par le Giec : « Un aveu d’incompétence », selon l’écologiste Guillaume Gontard

La paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte, membre du Giec, est invitée ce mercredi au séminaire gouvernemental pour « sensibiliser » les ministres à la question du réchauffement climatique. « Un gros coup de com’. Mais il va revenir totalement en boomerang », selon Guillaume Gontard, à la tête du groupe écologiste du Sénat.
François Vignal

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Canicules, sécheresse, orages et pluies diluviennes. Après un été de tous les dangers climatiques, le gouvernement entend mettre du vert dans sa rentrée politique. Avec quelques bonnes « résolutions à prendre pour la rentrée… et tout temps », glisse un conseiller. Le séminaire gouvernemental, prévu ce mercredi, dans la foulée du Conseil des ministres, est l’occasion d’envoyer ce message.

Formation des décideurs publics

Pas simple, quand les chantiers sont nombreux. Chaque ministre va présenter demain « sa feuille de route des prochains mois », explique-t-on. Emmanuel Macron l’avait évoqué, la semaine dernière, pour le premier Conseil des ministres depuis les vacances : ce « séminaire gouvernemental nous permettra de structurer les grands chantiers, en matière de sécurité, à travers la Lopmi (projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur), en matière de justice, sur le travail », notamment l’assurance chômage. Et bien sûr les questions brûlantes de l’énergie et de lutte contre le réchauffement climatique.

Un peu comme dans un séminaire d’entreprise, un intervenant extérieur est invité. Pas n’importe qui. Il s’agit de la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du groupe de travail n° 1 du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), comme l’a révélé France Info. Les ministres sont-ils appelés à prendre des notes, avec interrogation écrite à la fin ? « Ce n’est pas une formation, mais plutôt une sensibilisation », précise un conseiller ministériel, qui confirme l’information. « Il y aura un moment dédié à la transition écologique. Elle interviendra dans ce cadre. Ce sera plus une session de questions-réponses. Certains peuvent se poser des questions. Elle pourra les éclairer », explique le même conseiller. Un autre souligne que « Valérie Masson-Delmotte s’est occupée de la formation à l’écologie des futurs élèves de l’INSP (Institut national du service public), qui a remplacé l’ENA. Elle est très en pointe sur la manière de former les décideurs publics à cela ».

L’idée est « de développer une culture commune », selon un ministre

Selon un ministre, il s’agit d’aborder « la globalité du sujet », autant « les problèmes générés » par le réchauffement que « les réponses à apporter ». L’idée est « de développer une culture commune », selon ce membre du gouvernement, contacté par publicsenat.fr. Enjeux et perspectives en somme. De quoi développer, s’il y avait besoin, le réflexe climat chez chacun, d’insuffler l’esprit de la transition écologique à tous les étages des politiques publiques.

« Tout le monde en a besoin », reconnaît un conseiller d’un autre ministre, qui précise aussitôt que « les uns ou les autres ne sont pas acculturés au changement climatique. Il peut en revanche y avoir des choses concrètes à faire au sein des ministères ». « Il ne faut pas oublier qu’un ministre, c’est avant tout un chef d’administration, avec parfois beaucoup de monde, des emprises immobilières aussi », rappelle ce membre de cabinet ministériel. Autant de leviers à actionner, en plus des politiques plus globales sur les renouvelables ou les économies d’énergie.

« Mieux vaut tard que jamais ! Mais ça montre la totale désorganisation du gouvernement, qui n’a pas de cap »

Une invitation d’une experte du Giec qui fait rire, ou plutôt pleurer, Guillaume Gontard, à la tête du groupe écologiste du Sénat. « Que le gouvernement s’aperçoive que le réchauffement climatique est une réalité et qu’il faudra agir… Mieux vaut tard que jamais ! Mais ça montre la totale désorganisation du gouvernement, qui n’a pas de cap, à part faire des plans d’urgence quand on est au pied du mur », pointe le sénateur écologiste de l’Isère, qui soutient que « pendant 5 ans, Emmanuel Macron a évacué la question environnementale, il l’a mise sous le tapis ». En soi, Guillaume Gontard « trouve très bien que le gouvernement fasse un séminaire pour rencontrer Valérie Masson-Delmotte. On doit s’appuyer sur les scientifiques, les écouter », « mais ce qui me frappe c’est que le gouvernement en soit encore à sa formation ». Au final, ça lui « fait un peu peur ».

Le président du groupe écologiste du Sénat rappelle qu’il est prévu en même temps de « supprimer 500 postes à l’Office national des forêts, après déjà 1 500 postes supprimés, alors que le Giec dit que la question des forêts et des puits de carbone est essentielle ». Pour Guillaume Gontard, ce séminaire avec sensibilisation au réchauffement climatique est donc « un gros coup de com’. Mais il va revenir totalement en boomerang », comme si « le gouvernement ne savait pas ce qu’il se passait. C’est un aveu d’incompétence. On va rencontrer les personnes du Giec pour savoir ce qu’on devrait faire. Les bras m’en tombent. Je suis totalement effaré ». En terme de communication, il est vrai que l’opération peut être à double tranchant. D’un côté, l’image d’un gouvernement qui s’empare pleinement et collectivement du sujet, et qui incite ainsi les Français à le faire aussi. De l’autre, celle de ministres qui ne sont pas à la page et auraient besoin d’une petite mise à niveau. Un peu comme si on invitait, en 2022, un spécialiste du numérique pour parler des opportunités offertes par le web…

« La Première ministre met un coup d’accélérateur certain »

Une vision qui énerve les macronistes. « Il n’y a pas de ministre climatosceptique dans le gouvernement », rétorque-t-on dans un cabinet, où on « récuse l’idée que des ministres s’en foutraient et que d’autres s’y intéresseraient. L’écologie n’est pas un sujet de débat ». Reste que si l’exécutif assure mener la bataille de l’écologie depuis 2017, « la Première ministre y met un coup d’accélérateur certain », vante ce conseiller. Devant le Medef, lundi, Elisabeth Borne a exhorté les entreprises à réduire leur consommation d’énergie face au risque de rationnement. La Première ministre a aussi annoncé samedi au Parisien la création d’un fonds vert d’1,5 milliards d’euros pour les collectivités locales « pour les aider dans l’accélération de leur transition écologique ». Comme l’avait dit Emmanuel Macron à Marseille, lors de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle, « la politique que je mènerai dans les 5 ans à venir sera écologique ou ne sera pas ». C’est l’heure de passer des mots aux actes.

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