A quelques jours de l’audience qui devait avoir devant la cour de justice de le République, Noël Le Graët, par la voix de son avocat a annoncé retirer sa plainte pour diffamation contre l’ancienne ministre des Sports. Invitée dans l’émission Sport etc, Amélie Oudéa-Castéra réagit en exclusivité à cette annonce au micro d’Anne-Laure Bonnet.
Uber Files : les sénateurs de gauche demandent une commission d’enquête
Par François Vignal
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Après les révélations des « Uber Files », l’opposition demande des comptes. Selon l’enquête tirée de milliers de documents internes à l’entreprise américaine, adressés par une source anonyme au quotidien britannique The Guardian et transmis au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et à 42 médias, dont Le Monde, Emmanuel Macron a joué un rôle pour aider Uber à se développer en France, quand il était ministre de l’Economie, entre 2014 et 2016.
L’actuel chef de l’Etat a alors, selon Le Monde, « œuvré en coulisse pour la société de VTC, qui tentait d’imposer une dérégulation du marché et affrontait l’hostilité du gouvernement ». Le quotidien parle même d’un accord « gagnant-gagnant ». « Le « deal », comme l’appellent les cadres d’Uber France, repose sur un échange simple : en contrepartie de la suspension d’UberPop, Emmanuel Macron leur fait miroiter une simplification drastique des conditions nécessaires pour obtenir une licence de VTC », selon l’enquête du Monde.
« Il n’y a dans cette histoire aucune affaire de compromission, rien d’illégal, ni de pot-de-vin » affirme François Patriat
Face à ces révélations sur la proximité de l’ancien ministre de l’Economie avec les dirigeants de la multinationale américaine, les responsables macronistes font corps. « Il n’y a pas de deal, il n’y a pas de contrepartie, il y a un ministre qui a reçu de grands chefs d’entreprise et c’est normal », a balayé sur C-News la nouvelle patronne des députés LREM, Aurore Bergé. « Est-ce que le ministre de l’Economie n’est pas là pour aider l’implantation d’entreprises en France ? C’est son boulot », ajoute de son côté François Patriat, à la tête des sénateurs marcheurs. « A l’époque, Emmanuel Macron discutait avec tous les acteurs du secteur, aussi bien la G7, que Le Cab. Que le cabinet du ministre ait travaillé avec les entreprises ne peut choquer personne. A l’époque, Emmanuel Macron avait une ligne très claire : accompagner tous les acteurs émergents », ajoute le sénateur de la Côte-d’Or.
« Il n’y a dans cette histoire aucune affaire de compromission, rien d’illégal, ni de pot-de-vin. Il a fait avancer le droit, non pas par favoritisme pour une entreprise, mais pour permettre à l’économie numérique de se développer », soutient encore le président du groupe RDPI (LREM), qui ajoute :
C’est un procès en sorcellerie pour trouver le marronnier de l’été.
Quant aux échanges directs avec Travis Kalanick, alors PDG de l’entreprise, « Emmanuel répond toujours comme ça, c’est son style », selon François Patriat, qui insiste : « Il a fait évoluer le système avec les VTC, ça a libéralisé. Mais ce n’est pas un signe de compromission ».
« Toute la lumière doit être faite au travers d’une commission d’enquête parlementaire » demandent les sénateurs écologistes
Des explications qui ne convaincront pas la gauche. Les députés de l’intergroupe de la Nupes ont annoncé leur intention de déposer une proposition de résolution pour la création d’une commission d’enquête « sur les révélations des Uber Files et le rôle d’Emmanuel Macron dans l’implantation d’Uber en France ». Sa portée serait cependant limitée par l’immunité présidentielle, qui protège Emmanuel Macron. Il ne pourrait être entendu, tant qu’il est chef de l’Etat.
Les sénateurs du groupe écologiste du Sénat leur emboîtent le pas. Le groupe présidé par Guillaume Gontard demande aussi une commission d’enquête sénatoriale. « Ces fuites révèlent un phénomène d’ampleur, aux implications multiples, dont toute la lumière doit être faite au travers d’une commission d’enquête parlementaire. Elle pourra mener un travail de fond en toute transparence, dans le respect du cadre démocratique », soutient le groupe dans un communiqué, qui demande si « ces négociations « secrètes » ont été menées aux dépens des travailleurs des plates-formes eux-mêmes, dont les droits sociaux semblent avoir été amoindris ? »
« Le Président est mis en cause sur un sujet grave, il faut qu’il s’explique », demande le communiste Pascal Savoldelli
Une initiative portée aussi par la présidente du groupe CRCE (communiste), la sénatrice Eliane Assassi. Elle a écrit à Gérard Larcher pour demander également la création d’une commission d’enquête. « De très nombreux SMS, mails, échangés entre les dirigeants d’Uber et M. Macron et ses conseillers tendent à démontrer que ce dernier était non seulement un ministre œuvrant pour le développement de son pays, mais surtout un partenaire pour ouvrir le marché français », écrit la sénatrice PCF.
Son collègue du groupe communiste, Pascal Savoldelli, juge qu’« il y a un certain nombre d’éléments qui sont extrêmement graves ». « Il faut prendre ça au conditionnel, mais il y a des charges très lourdes de complaisance, d’aide », dénonce le sénateur PCF du Val-de-Marne, « il a facilité le fait qu’on contourne le droit social et la protection sociale ».
Pascal Savoldelli connaît bien le sujet. Il a été rapporteur au Sénat d’une mission d’information sur « l’uberisation de la société ». Il est l’auteur, avec son groupe, d’une proposition de loi pour protéger les travailleurs des plateformes numériques. Il est même l’auteur d’un livre, « Ubérisation et après ? » (Ed. Du Retour). Le sénateur PCF a « écrit au Président » pour lui demander des comptes. « La vérité doit être établie. Il faut que le Président s’exprime sur le sujet. Il est mis en cause sur un sujet grave, il faut qu’il s’explique. Les Français ont le droit de savoir quels ont été ses agissements quand il a été ministre de l’Economie », demande Pascal Savoldelli.
« Je ne sais pas si c’est un scandale d’Etat, mais c’est une affaire d’Etat, au minimum », selon Patrick Kanner
Le président du groupe PS du Sénat, Patrick Kanner, raille lui « un nouveau en même temps, lobbyiste et membre du gouvernement ». Son groupe « estime » aussi, dans un communiqué, « qu’une commission d’enquête sénatoriale serait bienvenue pour faire la lumière sur ce sujet grave ».
« Je suis vraiment tombé de ma chaise. Je n’étais pas au courant », raconte l’ancien collègue d’Emmanuel Macron, en tant que ministre des Sports et de la Ville, sous François Hollande. « Ce qui est terrible, c’est que ça a été fait en secret, contre l’avis de ses patrons et du ministre des Transports, Alain Vidalies. C’est un mélange des genres qui n’est pas acceptable. Et quand on regarde la première loi votée en 2017, c’était la loi de moralisation de la vie politique française… » pointe le sénateur PS du Nord.
« Je ne sais pas si c’est un scandale d’Etat, mais c’est une affaire d’Etat, au minimum. Il faut qu’il s’explique maintenant. Il a confondu la start up nation avec les règles de l’Etat de droit », lance le patron des sénateurs PS. Sur le principe, « qu’Uber rencontre le ministre de l’Economie pour défendre son modèle, pas de problème. La question est de savoir s’il est devenu de fait un allié objectif ou subjectif de Uber ? Là, il y a un conflit d’intérêts potentiel », souligne Patrick Kanner, qui demande « s’il y avait des aides au financement pendant sa campagne ? Y a-t-il eu un retour sur investissement pour le combat qu’il a mené secrètement pour l’implantation d’Uber en France ? Le doute s’est installé. Et dans cette période où on voit monter les extrémismes, ce n’est pas un service qu’il rend au pays ».
Lobbying d’Uber auprès des parlementaires
Au-delà du cas d’Emmanuel Macron, Le Monde pointe aussi « le lobbying tous azimuts » d’Uber « du Parlement aux ministères », lors de l’examen de la proposition de loi Thévenoud, en 2014, qui freinait le développement de l’entreprise. La multinationale fournit alors des amendements clé en main, c’est-à-dire déjà rédigés, aux députés. Une pratique régulière chez les représentants d’intérêts, d’entreprises ou aussi d’ONG ou de syndicats.
Au Sénat, le député UDI de Seine-Saint-Denis, Vincent Capo-Canellas, défend à l’époque les VTC. Il dépose et réussit à faire adopter un amendement qui permet aux chauffeurs de VTC d’enchaîner les courses, alors que la première version du texte leur imposait un retour à leur base entre chaque client. « Pour Uber, pas de doute : Vincent Capo-Canellas est alors vu comme son « principal et plus actif défenseur » au Sénat », écrit Le Monde. Il rencontre alors le directeur général d’Uber France, Thibaud Simphal.
« Je n’ai en rien été sensible à la moindre influence d’Uber » soutient le sénateur Vincent Capo Canellas
Contacté par publicsenat.fr, le sénateur de Seine-Saint-Denis, dément toute volonté d’avoir voulu favoriser Uber, plus qu’une autre entreprise. « J’ai reçu l’ensemble des représentants des taxis, des VTC et de l’administration, à ce moment-là. Dans ce cadre, je n’ai pas refusé de recevoir Uber. J’ai beaucoup discuté avec les taxis et VTC français », soutient celui qui est aujourd’hui questeur du Sénat. Il rappelle le « contexte » de l’époque : « Les taxis étaient montrés du doigt par la presse, les plus jeunes. Il y avait un sujet sur la qualité du service. Les taxis n’étaient pas assez nombreux. On se disait qu’un peu de concurrence, par les VTC, ne pouvait faire que du bien aux taxis et ne pouvait être qu’utile pour améliorer la mobilité. Il fallait stimuler les taxis et trouver un équilibre. Le texte l’a permis ».
Concernant l’amendement qu’il avait porté, il souligne qu’il avait reçu l’avis favorable du rapporteur et « un avis de sagesse du ministre en séance. Il a d’ailleurs été maintenu ensuite à l’Assemblée ». Vincent Capo Canellas explique qu’il s’agissait « d’un amendement de compromis, de repli. Il avait été travaillé par moi, mes équipes, suite aux discussions avec les taxis, l’ensemble des organisations de VTC français et j’ai très marginalement entendu Uber. J’ai beaucoup travaillé avec tous les autres ». « J’ai cherché un équilibre mais je n’ai pas du tout privilégié les VTC et encore moins Uber, qui me semblait pour moi être plutôt le diable », ajoute Vincent Capo Canellas, « étonné qu’en interne, Uber ai présenté cet amendement comme quelque chose de positif pour eux. Car ce n’était ni l’objectif, ni l’intention ». « C’était mon travail de parlementaire d’écouter. Je n’ai pas eu d’attention particulière pour Uber », insiste le sénateur, qui ajoute : « Je n’ai en rien été sensible à la moindre influence d’Uber »
Le centriste souligne enfin avoir aussi été « cosignataire d’un amendement plutôt contre les VTC » ou d’un autre « favorable aux taxis ». Quant aux accusations portées contre Emmanuel Macron, il ne souhaite pas s’exprimer sur le sujet.