Suppression du corps diplomatique : le Sénat demande la suspension d’une « réforme dangereuse »
Deux mois après la confirmation d’une suppression progressive du corps diplomatique, une mission sénatoriale appelle le gouvernement à suspendre la réforme et propose un avis consultatif du Parlement sur certaines nominations.
« Qui peut nous assurer qu’un inspecteur des impôts ferait un bon ambassadeur ? ». C’est l’inquiétude qui transparaît du rapport d’une mission d’information sur l’avenir du corps diplomatique.
« Compte tenu de l’impact de cette réforme sur la diplomatie, sur le rayonnement de la France, il n’était pas concevable que notre commission reste sans réagir », a souligné Christian Cambon en prélude de la conférence de presse.
Pour mémoire, la réforme de la haute fonction publique voulue par Emmanuel Macron remplace les grands corps de l’Etat par un corps unique des administrateurs de l’Etat. L’objectif est de diversifier les carrières et les profils des hauts fonctionnaires. Après le corps préfectoral, au tour du corps diplomatique d’être amené à disparaître à l’orée de l’année prochaine. Un décret publié entre les deux tours de la présidentielle avait acté l’extinction du corps des conseillers des affaires étrangères et de celui des ministres plénipotentiaires (ambassadeurs). Ces deux corps pourront désormais être pourvus par des administrateurs de l’État et non plus, pour une grosse partie d’entre eux, par des diplomates de formation.
La réforme avait entraîné un rarissime mouvement de grève au Quai d’Orsay et une tribune dans le journal Le Monde cosignée par 150 jeunes diplomates.
« Cette réforme est non seulement inutile car l’administration est déjà très ouverte. On est loin d’être dans l’entre-soi », a rappelé André Vallini. Le rapport souligne qu’en 2019, 19 % des emplois d’ambassadeurs étaient occupés par des personnels en détachement ou intégrés au ministère des affaires étrangères contre 81 % par des diplomates de carrière. Quant aux postes de chefs de service, seuls 59 % étaient occupés par des diplomates de carrière. « C’est une réforme qui est aussi dangereuse. On va se priver de l’expertise et de l’expérience de diplomates professionnels et nommer à des postes importants des gens qui n’ont rien à voir avec la diplomatie […] Diplomate, c’est un vrai métier qui n’a rien à voir avec celui de préfet », a comparé le sénateur socialiste.
« Nous ne nous limitons pas à une attaque en règle. Nous faisons aussi un certain nombre de propositions qui nous paraissent susceptibles de modifier fondamentalement cette réforme », a insisté le président de la commission des Affaires étrangères.
La première et non des moindres, c’est une suspension de la réforme. « Il faut que le gouvernement et le président de la République prennent la mesure de cette réforme. Il n’y a jamais de honte à reporter une réforme et à la retravailler […] Imaginez qu’une formation extrême s’empare du pouvoir et procède à des nominations par sympathie », alerte Christian Cambon.
Un avis consultatif du Parlement sur certains postes
Le rapport recommande la mise en place d’un dispositif de consultation, un avis consultatif, des commissions « permanentes compétentes » du Parlement sur la nomination d’ambassadeurs au sein de grandes enceintes internationales, comme le G20. « Un ambassadeur qui partirait avec un ou deux avis défavorables de la part d’une commission des affaires étrangères, ne serait pas très aidé et ça obligerait le gouvernement à choisir les meilleurs candidats possibles », a expliqué » André Vallini.
Dans leur rapport, les élus recommandent également pour devenir chef de mission diplomatique « d’avoir exercé pendant au moins trois ans des fonctions de numéro deux de mission diplomatique ». Une exception pour 20 % des postes d’ambassadeurs pourrait toutefois être prévue. Seraient aussi exclus de la nomination de chef de mission diplomatique, les candidats n’ayant pas exercé pendant au moins trois ans les fonctions de numéros 2 de mission diplomatique.
Pour la primo nomination d’un chef de mission diplomatique, la commission d’aptitude devra être composée, pour moitié, de personnels du ministère des Affaires étrangères ou ayant exercé les fonctions de chef de mission diplomatique, recommandent les sénateurs.
Les sénateurs attendent désormais le retour sur leurs propositions de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Catherine Colonna. « Je ne m’attends pas à ce que la ministre nous dise : mon Dieu que le Sénat est visionnaire. Je retire la réforme. Mais je pense que l’avertissement sans frais que nous adressons ne sera pas sans conséquences », veut croire Christian Cambon.
« Il faut expliquer mieux la réforme et ce qu’elle représente comme opportunités », répond Catherine Colonna
Effectivement, quelques heures plus tard Catherine Colonna était auditionnée par la commission des affaires étrangères et des forces armées. Elle est restée plutôt évasive sur le bien-fondé des propositions de la chambre haute. Elle a d’abord tenu à souligner que la réforme de la haute fonction publique « ne singularise pas le quai d’Orsay ». « Il faut expliquer mieux la réforme et ce qu’elle représente comme opportunités pour les agents et les garanties qui ont été obtenues par mon prédécesseur, Jean-Yves Le Drian », comme notamment le maintien du concours d’Orient, une voie d’accès directe au Quai d’Orsay pour un certain nombre d’agents.
« Il y a eu un certain nombre de contre-vérités. La mise en extinction des deux corps de conseillers des affaires étrangères et de ministres plénipotentiaires, ne signifie pas l’extinction des métiers et des carrières. Jean-Yves Le Drian a obtenu que les agents qui servent ce ministère puissent continuer d’y exercer leur carrière s’ils le souhaitent », a-t-elle ajouté.
La ministre assure, par ailleurs, qu’elle consultera les parlementaires dans le cadre des prochaines Assises de la diplomatie. « J’aurai besoin de votre regard et de votre approche ».
Enfin, en ce qui concerne la proposition consistant pour le Parlement à émettre un avis consultatif sur la nomination de certains ambassadeurs, Catherine Colonna en prend note et renvoie à une prochaine expertise sur « sa faisabilité juridique » avant de se prononcer.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.