Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
SNCF : le Sénat assouplit les conditions de retour des cheminots
Par Public Sénat
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C’est un point important dans le cadre de l’examen de la réforme de la SNCF au Sénat : le « sac à dos social » sur les conditions de transfert et de retour des cheminots, qui partiraient travailler pour la concurrence. Avec l’aménagement du territoire, c’est l’autre apport marquant de la Haute assemblée sur le texte.
Le Sénat a ainsi adopté ce jeudi, en fin de journée, une série de garanties pour les salariés. Il a en même apporté une nouvelle, sur les conditions du retour à la SNCF d’un cheminot qui le souhaiterait, s’il y a un poste vacant. La fenêtre de retour possible passe de 3 à 6 ans, comme voté initialement en commission, à une période de 3 à 8 ans.
Gage supplémentaire donné à la CFDT et à l’UNSA
Le rapporteur LR du texte, Gérard Cornu, a défendu « une avancée sociale importante », « un signe fort ». « Avec Hervé Maurey (président de la commission du développement durable, ndlr), on a regardé pour voir si on pouvait encore faire un signe » a expliqué Gérard Cornu. Il ajoute :
« Il faut montrer un signe auprès des cheminots et de tous ceux qui veulent sortir de cette impasse ».
C’est en effet un point important pour les syndicats réformistes, la CFDT et l’UNSA, avec l’incessibilité de la SNCF, adoptée mercredi. Après l’adoption du texte par le Parlement, le gouvernement espère ainsi casser l’unité syndicale qui a porté le mouvement de grève à la SNCF jusqu’ici. Ce geste devrait donner un gage de plus aux syndicats réformistes et faciliter leur éventuel retrait de la grève. Et asphyxier le mouvement.
Point important : la ministre des Transports, Elisabeth Borne, s’est dite « favorable » à cette évolution pour « aménager cette fenêtre pour le droit d’option », qui « renforce encore les garanties données aux salariés ». Elle la soutiendra lors de la commission mixte paritaire, où députés et sénateurs chercheront un texte commun. « Les garanties apportées aux syndicats, en cas de transfert, sont de nature à les rassurer » espère la ministre.
« Pas une avancée sociale » mais « une concession au mouvement social »
Fait rare, l’amendement a été voté à l’unanimité de tous les groupes. Même par les communistes, qui s’opposent avec force au texte. Mais face à « ce moment de fraternité sénatoriale », ils ont voulu calmer l’ardeur de la majorité. « Il ne s’agit pas du tout d’une avancée sociale » a corrigé Guillaume Gontard, qui rappelle « la perte du statut » pour les cheminots (voir le débat de la vidéo ci-dessous). « C’est une avancée dans la constitution de cette loi. (…) Bien sûr, on la soutiendra. Et je tiens à dire que c’est une avancée grâce à la mobilisation des salariés » ajoute le sénateur (rattaché au groupe PCF) de l’Isère.
« J’ai appris quelque chose : que c’était au Sénat qu’on mettait fin aux grèves » a ironisé son collègue communiste Fabien Gay (voir la seconde partie de la vidéo ci-dessous). « Non, il faut rester sérieux. C’est aux cheminots et syndicats de décider ». Lui aussi préfère parler de « concession au mouvement social », de « demi-recul ». « Pas dupes », les communistes ont voté contre l’ensemble de l’article. « Ça ne change rien au fond » a souligné la présidente de groupe, Eliane Assassi.
« Certains diront que c’est le verre à moitié vide ou le verre à moitié plein. Mais c’est quand même une avancée » a estimé le sénateur PS Claude Bérit-Debat. Il souligne que « les syndicats réformistes avaient attiré notre attention sur ce point pour avoir la garantie que cette petite avancée soit inscrite dans la loi ». Le sénateur LREM Frédéric Marchand y a vu lui une preuve de « dialogue et de concertation, qui font que les uns et les autres discutent depuis quelques semaines avec les organisations syndicales réformistes ». Les discussions ont en effet continué du côté gouvernemental. Tout comme au Sénat. Son président et ancien ministre du Travail, Gérard Larcher, a reçu les organisations, ainsi que le rapporteur du texte.
Le Sénat et gouvernement main dans la main
Sur ce dossier, exécutif et Haute assemblée ont travaillé en bonne entente, pour ne pas dire main dans la main, à la différence de la réforme des institutions. Le rapporteur LR Gérard Cornu ne s’en cache pas : « On a fait un exemple de co-construction. Tout ce qui est mis dans le texte de la commission a été aussi validé par le gouvernement et Madame la ministre. Je le dis, car ça n’a pas toujours été le cas, dans les rapports entre le ministre et le Sénat… »
Le président UDI de la commission, Hervé Maurey, a défendu l’ensemble des apports « pragmatiques et humains » du Sénat. « Je rappelle que ce texte est venu de l’Assemblée nationale avec aucune disposition concernant le volet social ». La Haute assemblée a adopté le « maintien du salaire du personnel transféré, le sac à dos social qui contient des avantages importants pour les salariés. Nous avons adopté ce parachute social pour les salariés transférés qui souhaiterait revenir dans l’entreprise. Ce parachute social est agrandi » a-t-il détaillé.
« Garantie de l’emploi et de la rémunération »
Contrairement au souhait des syndicats, les cheminots pourront en revanche se voir imposer, dans certains cas, le changement d’entreprise. Mais le Sénat a « favorisé au maximum le recours au volontariat des salariés » fait valoir Gérard Cornu. Et si le transfert implique un changement de région, le cheminot pourra le refuser. La ministre a aussi mis aussi en avant « la garantie de l’emploi, les garantis de rémunération, la médecine de soin, le logement » et « une véritable portabilité des droits ».
En parallèle, des négociations sont en cours en vue de la signature d’une convention collective pour le secteur. « Je vous confirme que je réunirai dans les prochaines semaines les partenaires sociaux pour relancer la négociation de la convention collective » a assuré Elisabeth Borne. En cas de blocage, la ministre prévient : le gouvernement pourra recourir à « un dispositif supplétif qui permettrait à l’Etat de s’assurer de la conclusion, en cas de désaccord ». Le dialogue social, oui. Mais dans une certaine limite.