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Retraites : pourquoi la deuxième version du Référendum d’initiative partagée n’a que peu de chances d’aboutir
Par Henri Clavier
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En ajoutant un article sur la création d’une « recette fiscale liée aux ressources du capital pour sécuriser le financement de la retraite par répartition », les parlementaires de gauche souhaitent rentrer dans les clous du Conseil constitutionnel et proposer une véritable réforme. En effet, au sens de l’article 11 de la Constitution, le référendum doit porter sur « des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent ». « Après analyse, nous avons rédigé un texte qui est davantage conforté en termes juridiques, avec des arguments financiers, afin de porter une vraie proposition de réforme », avait précisé Patrick Kanner pour publicsenat.fr. Or, sur le premier RIP, le Conseil constitutionnel a estimé que la proposition de loi, visant à plafonner l’âge de départ légal à 62 ans, ne présentait pas le caractère d’une réforme puisque, le texte sur les retraites n’avait pas encore été promulgué au moment de la décision.
Tout l’enjeu de ce deuxième RIP, sur lequel le Conseil constitutionnel se prononcera le 3 mai, est donc de déterminer si l’ajout d’une ressource fiscale peut être considéré comme une réforme. D’autre part, si la constitution précise que le RIP ne peut porter sur une disposition entrée en vigueur depuis moins d’un an, « dans sa décision RIP 1, le Conseil constitutionnel précise qu’il se prononce à la date de la saisine », explique Mathilde Heitzmann-Patin, professeur de droit public à l’université du Mans.
« Nous aurions tout intérêt à ce que le Conseil constitutionnel précise un peu plus la signification d’une réforme portant sur la politique économique de la nation »
La conformité du RIP à la Constitution s’apprécie donc par rapport à l’existence ou non d’une réforme. Or, le Conseil constitutionnel ne s’est prononcé que quatre fois sur la question, puisque « la grande nouveauté de l’article 11 alinéa 5 c’est de permettre au Conseil constitutionnel de contrôler si la proposition de loi rentre dans le champ d’application », affirme Bruno Daugeron, professeur de droit public à l’université Paris-Descartes. Dans ces conditions, la notion de « réforme » apparaît relativement floue. « C’est un domaine dans lequel il y a peu de jurisprudences et de décisions, donc le Conseil constitutionnel fabrique de la norme au fur et à mesure de ses décisions », pointe Bruno Daugeron.
Néanmoins, les juges constitutionnels ont pris l’habitude de détailler leurs arguments dans les commentaires de la décision laissant ainsi planer un doute sur la définition même de réforme. « Nous aurions tout intérêt à ce que le Conseil constitutionnel précise un peu plus la signification d’une réforme portant sur la politique économique de la nation », explique Mathilde Heitzmann-Patin qui considère, par ailleurs, que « le Conseil constitutionnel peut continuer d’avoir une vision stricte du caractère de réforme mais pourrait aussi assouplir sa jurisprudence ».
Proposer « une réforme substantielle du système des retraites »
L’introduction d’un article portant sur la fiscalité semble s’inscrire dans une mesure relative à la politique économique ou sociale de la nation puisque « dans son commentaire de la décision RIP 3 [déposé en octobre 2022, sur la taxation des superprofits], le Conseil constitutionnel précisait que la dimension fiscale n’était pas un frein à l’utilisation de l’article 11 », note Mathilde Heitzmann-Patin. L’introduction de cet article pourrait donc permettre de présenter une réforme dans la mesure où « l’exposé des motifs nous dit que la part des revenus du capital est une part infime du système de retraites », analyse Mathilde Heitzmann-Patin.
Si l’introduction d’une mesure fiscale peut correspondre aux critères du Conseil constitutionnel, les « Sages » de la rue Montpensier avaient, dans une précédente décision, estimé qu’il fallait que la mesure fiscale apporte une modification suffisante. La stratégie est donc de proposer « une réforme substantielle du système des retraites, avec pour objectif de transformer une part infime en part substantielle pour parer la critique d’une modification trop peu importante », souligne Mathilde Heitzmann-Patin.
« A priori, le Conseil ne va pas faire de distinction entre les deux articles et apprécier la globalité »
Si cette nouvelle disposition pourrait, éventuellement, correspondre aux critères du Conseil constitutionnel, la partie plafonnant le départ à la retraite à 62 ans reste problématique. En effet, cette disposition ne propose toujours pas de changement de l’état du droit au moment de la saisine du Conseil constitutionnel. « A priori, le Conseil ne va pas faire de distinction entre les deux articles et apprécier la globalité, mais il pourrait se dire que l’un des deux articles peut être une réforme et l’autre non », tempère Mathilde Heitzmann-Patin.
Rappelons que même si le Conseil constitutionnel validait la conformité du RIP, l’organisation d’un référendum resterait peu probable. En effet, la proposition de loi devrait encore récolter 4,8 millions de signatures et que les assemblées ne se saisissent pas du texte dans un délai de six mois.
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