Avons-nous assisté au dernier rebondissement de l’examen de la réforme des retraites, vendredi avec le recours à l’article 44 alinéa 3 de la Constitution ? Rien n’est moins sûr, à entendre les présidents des groupes, socialiste, communiste et écologiste qui donnaient une conférence de presse en début d’après-midi.
Pour mémoire, le ministre du Travail, Olivier Dussopt a sorti l’arme lourde quelques heures plus tôt en annonçant l’utilisation de l’article 44 alinéa 3 sur l’ensemble de la réforme. Il permet à une assemblée de se prononcer par un seul vote sur tout ou partie d’un texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement. Dans le cas présent, Olivier Dussopt n’a retenu qu’une grosse soixantaine d’amendements, « et aucun en provenance de nos groupes », a précisé Patrick Kanner, le président du groupe socialiste du Sénat.
Après la réunion d’une Conférence des présidents, la gauche du Sénat a pris la décision de présenter malgré tout son millier d’amendements en discussion. Ils ne pourront être adoptés ni faire l’objet d’une explication de vote. « Pour que les Français soient informés des prises de position que nous voulions défendre. Je ne pense pas qu’il y aura d’autres moyens de nous brider de nous bâillonner », a indiqué Patrick Kanner.
« On ira jusqu’au bout de ce qu’il est possible de faire »
La réforme des retraites examinée dans le cadre d’un projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité Sociale, est débattue dans un délai contraint. Conformément à l’article 47 de la Constitution, le Sénat a 15 jours pour se prononcer soit jusqu’au dimanche 12 mars à minuit.
Or, la gauche du Sénat n’a jamais fait mystère de sa stratégie consistant à prolonger le débat au-delà de cette date. L’absence de vote en première lecture à l’Assemblée nationale et au Sénat ferait planer un risque d’inconstitutionnalité sur le texte. « Le Conseil Constitutionnel pourrait décider qu’il y a eu une atteinte manifeste à la sincérité du débat parlementaire et censurer le texte », avait expliqué le constitutionnaliste Dominique Rousseau à publicsenat.fr.
« On ira jusqu’au bout de ce qu’il est possible de faire […] pour pousser le débat, malgré les restrictions, pour que ce texte ne soit pas soumis au vote », a indiqué Éliane Assassi, la présidente du groupe communiste tout en confirmant qu’ils auraient recours à des rappels au règlement « pas simplement pour prolonger les débats, mais parce que nous avons des choses à dire ».
« Leur majorité se fissure et qu’ils veulent vite écourter le débat »
Le président du groupe écologiste, Guillaume Gontard s’est défendu de toute obstruction. « Jusqu’à l’article 7, le débat a eu lieu. Pourquoi ce changement de stratégie de la part du gouvernement et de la majorité sénatoriale ? Parce que leur majorité se fissure et qu’ils veulent vite écourter le débat », veut-il croire.
Pour rappel, le vote sur l’article 7 sui reporte l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans, le groupe LR n’a pas fait le plein. 127 sénateurs ont voté pour, 2 votes contre (Sylvie Goy-Chavent, Alain Houpert), et surtout 15 abstentions (dont Mathieu Darnaud). Le groupe Union centriste, l’autre composante de la majorité sénatoriale s’est aussi retrouvé très partagé. 35 de ses membres ont voté pour, mais 12 ont voté contre, alors que certains avaient déposé un amendement de suppression, et 10 se sont abstenus (dont Valérie Létard, Loïc Hervé, Hervé Maurey et surtout le Modem Jean-Marie Vanlerenberghe). Jeudi, 8 sénateurs de la droite et du centre ont aussi fait des mises au point sur leur vote en indiquant qu’ils auraient voulu voter contre ou s’abstenir sur l’article 7