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Retraites : le gouvernement a recours au vote bloqué pour faire adopter sa réforme
Par Simon Barbarit
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L'examen de la réforme des retraites va-t-il s’arrêter plus tôt que prévu ? Au Sénat, les patiences étaient en train de s’user après neuf jours de débats et le gouvernement a choisi l’arme lourde pour en finir alors qu’il restait un millier d’amendements à examiner jusqu’à dimanche.
Olivier Dussopt a eu recours à l’article 44 alinéa 3 de la Constitution. Il permet à une assemblée de se prononcer par un seul vote sur tout ou partie d’un texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement. « Le gouvernement demande à votre assemblée de se prononcer par un vote unique sur l’ensemble du texte », a précisé le ministre du Travail avant de citer la liste des amendements retenus par l’exécutif.
Le Sénat était en plein examen de l’article 9 portant sur les questions de prévention et de compensation de la pénibilité au travail et des risques professionnels quand une nouvelle fois les débats ont tourné à la bataille réglementaire.
« Les choses avaient bien commencé »
« Les choses avaient bien commencé », a pourtant rappelé le rapporteur du texte, René-Paul Savary (LR). En effet, la séance a débuté par l’examen d’un amendement consensuel de la commission visant à permettre un départ anticipé à taux plein à 60 ans en cas d’incapacité permanente. Certes, l’amendement avait été appelé en priorité, par la présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Deroche (LR) mais cet appel ne faisait pas tomber les amendements de la commission.
Mais, les débats changent de ton lorsqu’Olivier Dussopt convoque le troisième alinéa de l’article 44 de la Constitution, afin de rendre irrecevable à 19 sous-amendements de l’opposition de gauche qui n’ont pas été examinés par la commission des affaires sociales.
Une procédure à laquelle le ministre du Travail a déjà eu recours jeudi soir provoquant l’ire de l’opposition. « M. le Ministre, ça ne vous a pas suffi hier soir ? Vous avez aimé ça ? Vous avez une petite addiction aux rappels au règlement ? », l’a tancé la sénatrice socialiste, Laurence Rossignol.
En effet, ce deuxième recours à l’article 44-2 de la Constitution a conduit à une longue liste de rappels au règlement de la gauche du Sénat. Communiste, socialistes et écologistes ont particulièrement dénoncé le fait que la commission des affaires sociales ne s’est pas réunie pour demander l’examen de la priorité de l’amendement de René-Paul Savary. « Quand est-ce que la commission s’est réunie ? », a pointé le sénateur communiste, Fabien Gay.
« Si ça, ce n’est pas de l’obstruction, je ne sais pas comment ça s’appelle »
René-Paul Savary a précisé que son amendement avait été déposé le 28 février, « donc vous aviez tout le temps pour m’alerter pour prendre des décisions nécessaires ? Donc, j’estime que les sous-amendements déposés dans la précipitation, sans étude d’impact, ne relèvent pas de la commission ».
« On se met d’accord sur un amendement et au moment des explications de vote, 19 sous amendements. Si ça, ce n’est pas de l’obstruction, je ne sais pas comment ça s’appelle », a estimé le sénateur LR, Roger Karoutchi.
S’en est suivie une suspension de séance d’une demi-heure. A la reprise, Olivier Dussopt annonce la sentence. Ce sera l’article 44 aliéna 3 de la Constitution.
« La messe est dite, mes chers collègues », a constaté Patrick Kanner, le président du groupe socialiste du Sénat.
« La majorité sénatoriale est devenue le toutou du gouvernement »
« Quel aveu de faiblesse […] la majorité sénatoriale est devenue le toutou du gouvernement », a fustigé le patron des sénateurs écologistes, Guillaume Gontard.
La présidente de la séance, Nathalie Delattre (RDSE) a précisé que le Sénat « verrait » quand même « le millier d’amendements qui restent dans la liasse ». Ces amendements pourront donc être présentés mais ne feront pas l’objet d’un vote ce qui raccourcit fortement la durée de l’examen du texte.
Lors des nombreuses explications de vote qui ont suivi, le président du groupe LR, Bruno Retailleau a estimé que la gauche « surjouait l’indignation ». « L’application du vote bloqué, c’est la Constitution. Ce n’est pas une application illibérale de notre loi fondamentale. La cause du vote bloqué, c’est vous, c’est votre obstruction », a-t-il rétorqué.
Le ministre du Travail a donné une conférence de presse à la suspension de séance. Sur demande des trois groupes de gauche, une Conférence des présidents s'est tenu à 14 heures. Suivie d'une conférence de presse des 3 groupes de gauche, socialiste, communiste et écologiste.