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Reprise de la ligne Perpignan-Rungis : les sénateurs attendent toujours un plan pour développer le fret ferroviaire
Par Public Sénat
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C’est un sujet qui avait particulièrement mobilisé les sénateurs. En juillet 2019, la nouvelle ministre de la Transition écologique, Elisabeth Borne avait à peine entamé ses premiers pas dans l’hémicycle pour l’examen du projet de loi Energie Climat, qu’une nouvelle venait percuter son entrée en poste.
Après quelques jours de fonctionnement à vide, la ligne ferroviaire de fret reliant la plateforme Saint-Charles international de Perpignan, (premier centre de commercialisation, de transports et logistique de fruits et légumes en Europe), et le marché de Rungis, était finalement suspendue.
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Quand les élus dénonçaient une « opération écologiquement irresponsable » et « économiquement absurde »
En cause ? La vétusté des wagons de ce train qui traversait la France six jours par semaine, avec à son bord entre 800 et 1 200 tonnes de primeurs. Le manque d’anticipation de la SNCF et de l’Etat actionnaire, était pointé du doigt. Anticipant la remise en état des wagons frigorifiques, prévue à l’origine pour la fin de l’année 2019, les clients n’avaient pas renouvelé leur contrat, privilégiant le transport routier, moins cher. Une situation ubuesque s’en était suivie. « Un train fantôme » avait circulé pendant une semaine sans marchandise à son bord. Une « opération écologiquement irresponsable » et « économiquement absurde » avait chargé le sénateur communiste, Pascal Savoldelli.
Après avoir rejeté la responsabilité de cette situation sur les gouvernements précédents, Élisabeth Borne annonçait qu’une « solution pérenne » serait trouvée pour le mois de novembre 2019, à la reprise de la saison des primeurs.
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« On ne va pas bouder cette annonce »
Il aura fallu finalement attendre donc plus deux ans pour voir cette ligne reprendre. Le train est parti de Perpignan en présence de Jean Castex vendredi après-midi. « En juillet 2020, j’ai pris l’engagement de rouvrir le train des primeurs […] Aujourd’hui, je viens vous dire que cet engagement est tenu », s’est félicité le Premier ministre, originaire des Pyrénées-Orientales.
Le train est toutefois beaucoup moins long qu’auparavant. Sur les 80 wagons dont disposait Ermewa (un loueur de wagons, filiale de la SNCF), seuls 34 ont pu être retapés, permettant d’avoir des convois de 12 wagons chacun, avec 12 wagons mobilisés dans un sens, 12 dans l’autre et 10 gardés en réserve ou en maintenance.
A la gauche du Sénat, particulièrement mobilisée à l’époque, c’est un demi-soulagement. « On ne va pas bouder cette annonce. Dans mon département, le Val-de-Marne, la suspension de ce train a conduit au passage de 51 camions supplémentaires par jours », rappelle Pascal Savoldelli. « C’est une bonne nouvelle, même si le train reprend sur un plus petit débit et un plus petit volume. Ça montre que la mobilisation de la CGT Cheminot et des politiques a payé » ajoute la sénatrice membre du groupe écologiste, Sophie Taillé-Polian.
« Une bonne nouvelle », également pour le sénateur PS, Olivier Jacquin, spécialisé dans les questions du transport ferroviaire, qui s’interroge sur la reprise de ce marché par la filiale de la SNCF, Rail Logistics Europe. « En 2019, ils nous expliquaient qu’il n’y avait pas de marché pour le fret ferroviaire. Je remarque qu’ils ont changé d’avis ». A l’AFP, le PDG de Rail Logistic, Frédéric Delorme concède : « Ça coûte plus cher que la route et c’est pour ça qu’il faut une subvention mais les bénéfices écologiques justifient cette subvention ». Une subvention qui s’élève à 14 millions d’euros sur la durée de la convention prévue jusqu’à la fin 2024. A cette date, les wagons seront définitivement hors d’usage.
En 2025, SNCF Réseau a pour projet de créer une autoroute ferroviaire de Barcelone à Anvers en passant par Perpignan et Rungis. Mais le projet est conditionné à la construction d’un terminal digne de ce nom dans le marché de gros francilien qui n’est actuellement pas adapté pour faire débarquer des conteneurs ou des camions.
« Nous n’avons pas de modèle économique pour le transport de fret ferroviaire »
En mai dernier, une mission d’information du Sénat formulait 40 propositions pour amorcer la transition écologique dans le transport de marchandises. Un enjeu de taille dans un pays où 90 % du transport intérieur, est dominé par le mode routier. « Le problème c’est que nous n’avons pas de modèle économique pour le transport de fret ferroviaire. Pour vous donner une comparaison, lorsque SNCF Réseau fait passer un TGV sur un sillon ça lui rapporte 30 euros, lorsque c’est du fret, c’est 1 ou 2 euros. Certains opérateurs privés s’interrogent sur la volonté de SNCF Réseau de développer le fret ferroviaire, sachant qu’une des filiales de la SNCF est Geodis, une holding qui fait du transport routier », souligne Olivier Jacquin.
Enjeu essentiel de la transition écologique, le fret ferroviaire nécessite des « investissements lourds et un accompagnement des transporteurs routiers notamment pour l’acheminement des marchandises sur le dernier kilomètre. Un réseau doit être mis en place pour connecter le rail, la logistique et le transport routier. C’est tout un plan qu’il faut réaliser avec des exigences pour les entreprises sur le multimodal. C’est bien pour ça que nous demandons à ce que les aides du plan de relance soient ciblées », insiste Sophie Taillé-Polian. Le rapporteur LR du Budget, Jean-François Husson déplore lui aussi « l’extrême lenteur » du gouvernement sur le sujet « et l’absence de volonté politique et commerciale pour développer l’offre ».
« Avec le réchauffement climatique, nous ne pouvons pas continuer comme ça »
« Ce sujet a été pris par le gouvernement uniquement sous l’angle des marchés et pas sous l’angle des investissements. Le Val-de-Marne a des atouts pour qu’il y soit engagé un grand plan d’investissements qui relierait le fret ferroviaire et fluvial. Mais les gouvernements successifs ont préféré laisser pourrir la situation », regrette Pascal Savoldelli.
Jean Castex a signé, ce vendredi, quatre conventions avec SNCF Réseau, à hauteur de 47 millions qui s’ajoutent au 1,25 milliard destiné à doubler la part du fret ferroviaire, de 9 % à 18 %, d’ici à 2030. « Ne vous laissez pas abuser par ces chiffres. Pour relancer le fret ferroviaire, il faut 30 milliards d’euros », estime Olivier Jacquin, rapporteur de la mission Transports lors de l’examen du dernier budget. « Olivier Dussopt m’a qualifié de sénateur particulièrement dépensier. Mais nous n’avons pas le choix. Avec le réchauffement climatique, nous ne pouvons pas continuer comme ça ».