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Régionales en Paca : « La stratégie d’Eric Ciotti, c’est de fabriquer un RN bis ! », fustige Jean-Pierre Grand
Par Pierre Maurer
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Renaud Muselier pourra-t-il faire figurer le logo des Républicains sur ses affiches de campagne ? Le président sortant de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) a présenté vendredi sa liste pour les élections régionales, dévoilant au passage que 15 membres de la majorité présidentielle (Modem, Agir et LREM) y figuraient bel et bien. En revanche, aucun ministre ni parlementaire LREM n’est inscrit sur la liste qui a fracturé LR. « A mon égard, il avait dit qu’il ne pouvait pas se priver de mes compétences ! Ça m’avait fait rougir », rit jaune un parlementaire LR qui espérait figurer dans le dernier carré. Début mai, la main tendue de Muselier à la majorité présidentielle, reprise au bond par le Premier ministre Jean Castex qui avait annoncé le retrait de la liste menée par Sophie Cluzel en évoquant une « recomposition politique », avait créé un psychodrame chez Les Républicains. Si la secrétaire d’Etat aux personnes handicapées n’est pas dans le ticket final, elle soutient bien le candidat Muselier.
Renaud Muselier « a pris en otage sa famille politique »
Après des débats acharnés, le parti avait finalement décidé de maintenir son soutien à Renaud Muselier à la condition qu’il renonce à accueillir des candidats de la majorité. Ce que cette version définitive de la liste semble accréditer. « Il faut garder son sang-froid, certes il reste des points de tension, comme l’absence de nos députés LR sortants de la liste, mais les termes de l’accord, qui ne disaient pas de ministre ni de parlementaire LRM, ont été respectés », a expliqué l’entourage du patron des Républicains, Christian Jacob, au Monde. Garder son sang-froid ? Car des figures du parti continuent de grogner contre Renaud Muselier. Au premier rang desquels Éric Ciotti, député des Alpes-Maritimes et président de la CNI, et Bruno Retailleau, le président des sénateurs LR. Le premier a tranché dans le Figaro : Muselier est à ses yeux le « candidat de la majorité présidentielle ».
« Malgré ses engagements, Renaud Muselier a bien conclu un accord en bonne et due forme avec le pouvoir macronien. De fait, il a pris en otage sa famille politique malgré tous les efforts de fermeté et de diplomatie de Christian Jacob », dénonce Éric Ciotti. Le second est tout aussi vindicatif : « On ne peut pas sans cesse ruser avec nos électeurs et composer avec nos convictions. C’est pourquoi je demande à mon parti de retirer son soutien à la liste de Renaud Muselier. Nous ne pouvons pas être les témoins passifs d’une stratégie présidentielle destinée à nous éliminer », a écrit dès mercredi sur Twitter Bruno Retailleau. Laissée en marge de la liste LR dans le Grand Est, Nadine Morano pointe elle aussi le fait que « Renaud Muselier a pris des LREM sur sa liste au détriment de nos propres parlementaires ».
« Il n’y a pas de bonne solution »
Comme le député du Vaucluse Julien Aubert, ou le sénateur Jean Bacci, Philippe Tabarot en a fait l’amère expérience. Conseiller régional chargé des Transports et sénateur, il a dû se faire à l’idée que son nom ne figurerait pas sur la liste de son président de région. Rappelant son investissement « énorme » dans le cadre de sa délégation pour la région, il estime avoir fait les frais d’un deal entre Muselier et l’exécutif : le président sortant aurait consenti à ne prendre sur ses listes aucun parlementaire LR ou LREM sur les 135 noms choisis. Sur le fond et la forme, il partage donc le « constat » d’Éric Ciotti. « C’est revendiqué comme une alliance. C’est un soutien clairement affiché », appuie Philippe Tabarot.
Faut-il alors retirer son investiture à Renaud Muselier ? Voire carrément l’exclure ou le pousser à quitter le parti, comme Hubert Falco et Christian Estrosi, respectivement maires de Toulon et de Nice ? « La situation dépasse mon cas personnel. Il n’y a pas de bonne solution : la victoire du RN à quelque mois de la présidentielle ne serait pas agréable, et à l’inverse, une victoire de Muselier ne serait pas une victoire de LR », formule Philippe Tabarot qui cible, comme Éric Ciotti, la supposée tactique de l’exécutif. « La tactique Castex, Solère (conseiller politique d’Emmanuel Macron et ancien membre de LR), Estrosi, Muselier, Falco, a fait gagner 6 à 7 points au RN. Il faut que ces gens changent de logiciel », exhorte-t-il.
« En un mois Ciotti aura fait partir le maire de Nice, le maire de Toulon, et le président du conseil régional… »
De fait, pendant ce temps-là, Thierry Mariani, le chef de file du RN en Paca et ancien ministre sarkozyste caracole dans les sondages et s’en donne à cœur joie contre son ex-famille politique. « Je ne sais pas si c’est vrai que Christian Jacob baisse la tête quand il est devant Muselier, mais ce qui est clair c’est que Les Républicains ont baissé les bras en se résignant à soutenir cette liste macroniste », raille à longueur de tweets le candidat du RN. La gauche, regroupée derrière l’écologiste Jean Laurent Félizia, demeure pour l’heure plus confidentielle.
La fracture chez LR est profonde et le comité stratégique prévu mardi s’annonce une nouvelle fois agité. S’il n’en attend « rien car ça ne sert à rien et que tout est dit dans le Figaro ce matin », Jean-Pierre Grand, sénateur membre du groupe LR – mais qui a rendu sa carte du parti – n’en décolère pas moins contre les propos d’Éric Ciotti. « Nous, les élus gaullistes du Sud de la France, depuis des décennies on se bat contre la gauche, l’extrême gauche et contre l’extrême droite. Aujourd’hui, j’observe qu’Éric Ciotti, qui est élu dans une principauté électorale, ne respecte personne ! Le mouvement gaulliste ce n’est pas l’extrême droite ! Sa stratégie c’est de fabriquer un RN bis, c’est d’une gravité historique ! », fustige le sénateur de l’Hérault. Il y a quelques jours, les propos d’Éric Ciotti sur la différence entre LR et le RN avaient déjà creusé le sillon de la division chez LR.
Même colère quant à la gestion du cas de Renaud Muselier : « Ils sont en train de finir le travail ! Ils ont tout fait pour que ça se passe mal. En un mois Ciotti aura fait partir le maire de Nice, le maire de Toulon, et le président du conseil régional… Il a réalisé ce qu’aucun opposant n’a réussi. Ciotti, c’est devenu le patron des Républicains, les extrémistes ont pris du terrain. »
Christian Jacob en prend aussi pour son grade. Seul Gérard Larcher fait figure de recours pour calmer le jeu aux yeux de Jean-Pierre Grand. « Larcher est responsable et gaulliste : il faut qu’il fasse entendre sa voix et qu’il dise qu’il n’est pas d’accord », enjoint-il. Philippe Tabarot tient lui à défendre le numéro un des LR. « Christian Jacob avait réagi très fortement lors du premier épisode, là, il est dans une situation qui n’est pas simple. Il a eu à gérer le débat de la primaire, il doit gérer les gens de son propre camp qui s’en vont… Il a conservé l’unité des personnalités du parti, mais aussi la crédibilité du parti », veut-il croire. Jean-Pierre Grand pousse toujours pour plus d’implication de la part du premier des sénateurs et prévient : « Gérard Larcher a un rôle majeur à jouer, sinon ça va exploser après les élections ! »