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Réforme du bac : « Il y a une spécialisation élitiste des mathématiques », regrette Max Brisson
Par Public Sénat
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De moins en moins de lycéens en cours de mathématiques, c’est un des ratés de la réforme du baccalauréat mise en place à la rentrée 2019. « Je ne dis pas que c’est un faux problème. C’est un sujet sérieux, et je suis très ouvert aux propositions pour améliorer », a reconnu, Jean-Michel Blanquer, dimanche sur Cnews.
Après les polémiques autour des circonstances de la rédaction du dernier protocole sanitaire, les mathématiques au lycée sont l’autre sujet qui empoisonne la fin de mandat du ministre de l’Education nationale.
Le pourcentage de filles dans les filières de maths divisé par 2
Depuis deux ans, les filières S, ES et L n’existent plus au lycée général. Les lycéens doivent choisir trois spécialités en première et en abandonner une en terminale. Depuis deux ans, ce sont les mathématiques qui sont le plus souvent sacrifiées, comme le montrent les chiffres du ministère, mis en exergue par l’APMEP (Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public) et relayés depuis par plusieurs parlementaires.
Avant la réforme, 90 % des élèves de terminale générale suivaient un enseignement de maths. A la rentrée 2020-2021, ils n’étaient plus que 59 %. Chez les filles, la chute est encore plus marquante. 85 % d’entre elles suivaient un cours de mathématiques en terminale avant la réforme, elles ne sont désormais plus que 45,8 %, un pourcentage qui a été quasiment divisé par 2.
« On a mis dans le tronc commun de première et de terminale, un enseignement scientifique de deux heures hebdomadaires. Il faut probablement le faire évoluer pour qu’il y ait plus de mathématiques en son sein, pour la culture mathématique de l’ensemble des élèves », a esquissé le ministre.
Contacté par l’AFP, l’APMEP craint « un effet d’annonce pour répondre aux inquiétudes » et rappelle que l’enseignement scientifique, deux heures par semaine dans le tronc commun, est le plus souvent dispensé par des profs de physique-chimie et de SVT.
« On a mis de côté le besoin en culture mathématique »
Le sénateur LR, Max Brisson, co-rapporteur d’une mission d’information en charge de faire le bilan des principales réformes du ministre, regrette « une spécialisation élitiste des mathématiques au lycée ». « Mais, ça pouvait se comprendre car le bac S était devenu un bac sélectif. Il était prisé par les meilleurs élèves pour choisir un enseignement supérieur qui n’était pas toujours scientifique. Résultat, le niveau des maths avait considérablement baissé en terminal S. Rétablir une filière mathématique de haut niveau avec la spécialité ‘’mathématiques expertes’’ était justifié. Mais on a mis de côté le besoin en culture mathématique beaucoup plus large », ajoute-t-il.
>> Lire notre article: Education : une mission du Sénat pour évaluer les réformes de Jean-Michel Blanquer
En attendant la remise du rapport de la mission d’information du Sénat prévue le 23 février prochain, Max Brisson fait deux préconisations. Comme Jean-Michel Blanquer l’a concédé dimanche, il souhaite rétablir un minimum d’enseignement de mathématiques dans le tronc commun. Mais surtout, le sénateur des Pyrénées Atlantiques propose de créer « une spécialité complémentaire de type maths appliquées qui pourrait être utile par exemple, aux futurs élèves d’écoles de commerce, car elle ne demanderait pas une capacité d’abstraction trop forte » explique-t-il. Cette piste pourrait consister à transformer l’option « mathématiques complémentaire » de terminale (3 heures par semaine) en spécialité (6 heures).
Au Sénat, ce sujet alarme de nombreux élus. Après la sénatrice LR Françoise Dumont qui, la semaine dernière, écrivait au ministre de l’Education pour lui demander le retour des mathématiques jusqu’à la terminale pour le baccalauréat général, c’est au tour de Cyril Pellevat (LR) de prendre la plume pour lui demander « ce qu’il compte mettre en place afin de renforcer la transmission de la discipline […] et l’attractivité des mathématiques chez les jeunes femmes ».
Sur Twitter, la sénatrice membre de Génération (s), Sophie Taillé-Polian constate « qu’il aura fallu 3 ans à Jean-Michel Blanquer pour se rendre compte des inégalités accrues par sa réforme du bac. Aujourd’hui le système de spécialités favorise l’autocensure, en particulier des filles ».
Invité il y a quelques jours à l’Agora sur l’éducation organisée au Sénat, le député Cédric Villani, auteur d’un rapport sur l’enseignement des mathématiques, avait déploré une « dégringolade « à l’école primaire, au collège et au lycée sur la maîtrise des notions mathématiques ». En cause selon lui, la formation des enseignants de l’élémentaire dans la mesure où une majorité d’entre eux ont suivi une formation littéraire.
>> Lire notre article: Agora de l’éducation : « La clef, c’est d’avoir un vrai débat sur le métier d’enseignant », soutient Éric Charbonnier
Plus largement, le manque d’attractivité du métier a des impacts encore plus forts dans l’enseignement des mathématiques. En novembre 2021, un rapport fait au nom de la commission des finances, du sénateur Gérard Longuet (LR) note que « les professeurs du secondaire peuvent prétendre à des rémunérations largement supérieures, en particulier dans l’informatique ».
Pour Pierre Ouzoulias, « Jean-Michel Blanquer n’est pas républicain »
« La réforme du baccalauréat est purement économique. Le gouvernement a économisé 300 postes. On compromet l’avenir scientifique de nos enfants. Le masque tombe. Jean-Michel Blanquer n’est pas républicain. L’engagement républicain, c’est amener une classe d’âge au plus haut niveau possible. Avec les nouveaux métiers de demain, il est nécessaire de donner aux élèves une culture générale le plus longtemps possible. » estime le sénateur communiste Pierre Ouzoulias.
Pour le vice-président de la commission de la culture et de l’éducation, la solution ne passe pas uniquement par la « revalorisation du métier d’enseignant. Quand vous faites ce métier, ce n’est pas que pour l’argent. Il leur faut avant tout des conditions correctes pour exercer leur pédagogie. Les professeurs ne les ont pas et ils jettent l’éponge ».
« Cette réforme a été une aubaine pour Jean-Michel Blanquer. De facto, elle a réglé un problème en réduisant les heures d’enseignement dans un secteur où il y a une crise de recrutement. Mais je ne dirai pas que c’était intentionnel. Je ne ferai pas ce procès au ministre », tempère de son côté Max Brisson.