Alors que le gouvernement demande un effort budgétaire de 5 milliards d’euros aux collectivités – « 11 milliards » selon les élus – le socialiste Karim Bouamrane affirme que « Michel Barnier est totalement inconscient ». Le PS a organisé ce matin, devant le congrès des maires, un rassemblement pour défendre les services publics.
Réforme constitutionnelle (2/2) : tu veux ou tu veux pas ?
Par Public Sénat
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A la rentrée 2018, la réforme constitutionnelle repointe le bout de son nez, après des débuts pourtant laborieux (lire l’épisode précédent). Gérard Larcher se dit prêt à jouer le jeu. « Il est mieux qu’on se remette autour d’une table et qu’on cause » lâche le deuxième personnage de l’État. Emmanuel Macron relance bel et bien la réforme en semblant éviter les sujets qui fâchent (voir vidéo ci-dessous).
« On peut voyager un peu ensemble » avec Gérard Larcher, assure Richard Ferrand, désormais président de l’Assemblée nationale. « Ce sera une relation plus équilibrée. Gérard Larcher est trop malin. C’est bien d’avoir quelqu’un également malin en face… » selon un député LREM. Les deux camps se méfient toujours l’un de l’autre.
Marc Fesneau, qui a remplacé Christophe Castaner aux Relations avec le Parlement, évoque un retour de la réforme en janvier 2019. Les sénateurs entendent limiter la baisse du nombre de parlementaires. Plutôt 270, au minimum, que 240, pour assurer une bonne représentation des territoires ruraux.
« S’ils veulent avoir la guerre, ils vont avoir la guerre… »
Mais, partout en France, la grogne monte autour du prix de l’essence. C’est la naissance des gilets jaunes, fin 2018. Deuxième crise d’envergure en moins d’un an. Le sort s’acharne sur la réforme constitutionnelle, de nouveau repoussée… Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, annonce un report à mars 2019. « Le grand débat ne doit pas être une simple caution », met en garde, suite à ce report, Philippe Bas, président LR de la commission des lois du Sénat. « Le Sénat va tout faire pour bloquer la réforme constitutionnelle » croit en réalité un membre du parti présidentiel. L’ambiance commence à nouveau à se tendre.
Janvier 2019, les relations entre exécutif et sénateurs reprennent une tournure franchement mauvaise. Dans sa lettre aux Français, Emmanuel Macron, qui a lancé le grand débat pour s’extirper de la crise des gilets jaunes, évoque la transformation du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental. Autrement dit, on n’est pas loin d’évoquer sa suppression ! L’exécutif donne l’impression de surfer ainsi sur l’antiparlementarisme, qui vise en particulier la Haute assemblée. Au Sénat, tout le monde s’excite. L’heure est à la défense du bicamérisme. « S’ils veulent avoir la guerre, ils vont avoir la guerre… » lâche un élu de droite. Un accord semble bien loin. Et politiquement, pourquoi les sénateurs feraient-ils ce cadeau à Emmanuel Macron, d’une réforme adoptée, synonyme de victoire politique ?
On trinque ? Pas encore…
Dans la foulée du grand débat, l’idée d’un référendum d’initiative citoyenne locale est évoquée, selon un projet d’allocution. Puis, lors d’une conférence de presse, Emmanuel Macron met à nouveau la proportionnelle sur la table. Le RIC a disparu. Le chef de l’État lui préfère un référendum d’initiative partagée rendu plus accessible. La réforme fera donc son retour « à l’été ».
C’est reparti pour les discussions. Et cette fois – surprise – les choses semblent mieux engagées. On parle même de « deal » à la Haute assemblée. « On a les clefs de la réforme. Ils ont peur qu’on les attire dans la nasse. Mais notre intention est chimiquement pure » assure un sénateur aux premières loges… Exit les mesures qui diminuaient les droits du Parlement. La baisse du nombre de parlementaire est toujours là, mais allégée, la différenciation locale est conservée. Bref, la réforme semble Sénat-compatible.
Au Palais du Luxembourg, on apprécie que le gouvernement ait « mis de l’eau dans son vin ». Allez, on trinque ? Pas encore. L’exécutif a décidé de ressortir à nouveau l’idée de renouveler tout le Sénat en 2021. Pas l’idéal pour conclure. Même cause, mêmes effets, les sénateurs disent « non ». On tourne en rond.
« L’accord est proche » mais l’échec est inévitable
Le 12 juin, à la tribune de l’Assemblée nationale, pour son discours de politique générale, Edouard Philippe fait pourtant mine de rester confiant : « L’accord est proche ». Sur le papier, c’est vrai. On n’a jamais été aussi proche d’un accord. Presque tous les sujets sensibles ont été expurgés. Mais le premier ministre met en garde. Il ne mobilisera « pas du temps parlementaire pour constater in fine le désaccord avec le Sénat » (voir la vidéo ci-dessous). La confiance n’est toujours pas là.
Voyant la balle renvoyée dans son camp, Gérard Larcher réagit vite par communiqué, qui ressemble plus à un faire-part de décès de la réforme. Il dénonce, de manière qui semble un peu précipitée, le « renoncement » de l’exécutif. Et parle au passé : « Un accord était possible lors de la discussion parlementaire » grâce aux « importantes avancées ». Mais il prévient : « Le Sénat ne saurait porter la responsabilité de ce report ». Officiellement, les négociations ont bloqué sur une différence de 20 sénateurs sur le niveau de baisse nécessaire.
« Gérard Larcher a toujours une ligne rouge. Sur le cumul, on a dit oui. Moins de proportionnelle, on a dit oui. Un sénateur par département, on a dit oui. Il y a toujours une ligne rouge » lui reproche alors François Patriat, à la tête des sénateurs LREM. Mais en réalité, ce nouveau report – ou plutôt cet échec – arrange tout le monde. Car si les sénateurs n’ont jamais été très friands de la réduction du nombre de parlementaires, les députés LREM non plus. Difficile de se faire hara kiri. La baisse, c’est bien pour le voisin. Quand il faut la faire dans son département, c’est toujours plus compliqué.
Réforme dans les limbes
La réforme connaît un soubresaut à la rentrée 2019, quand l’exécutif décide de présenter malgré tout le texte en Conseil des ministres, fin août. Un pur affichage qui permet de sous-entendre que le blocage vient du Sénat. Car le gouvernement conditionne l’inscription du texte au Parlement à « un accord global préalable » avec la Chambre haute. « Pas question d’avoir un débat parlementaire tronqué » rétorque Gérard Larcher lors de sa conférence de presse de rentrée (voir la vidéo ci-dessous). Tout le monde se dit toujours prêt à discuter. Mais chacun continue de se renvoyer la balle, qui commence à s’user.
Depuis, la réforme est dans les limbes. Le gouvernement a eu d’autres dossiers prioritaires, comme les retraites. Tout ça pour ça. « Nous allons prier pour la révision constitutionnelle » ironise en janvier dernier Gérard Larcher, qui ne pleurera pas la réforme… Fin de l’histoire ? Peut-être pas tout à fait. « Le Président n’a pas enterré la réforme constitutionnelle. Je vous le dis franchement » confiait fin février une ministre, selon qui « la proportionnelle est toujours là. Sur le redécoupage, il y a un bureau au ministère de l’Intérieur qui a déjà travaillé ».
Retour d’une réforme a minima après la crise du Covid
A la faveur des mesures post-Covid, la réforme repointe en effet le bout de son nez. Mais dans une version vraiment a minima, avec l’intégration de la lutte contre le réchauffement climatique à l’article 1 de la Constitution, annonce Emmanuel Macron. Mesure déjà adoptée par amendement, à l’Assemblée, lors de l’examen du premier texte. Mais au Sénat, on doute de l’utilité d’une révision que certains jugent « cosmétique ». Les débats vont se poursuivre dans les mois à venir, qui diront si cette troisième version de la révision va à son terme. Mais la grande réforme institutionnelle dont rêvait le chef de l’État ne verra, elle, peut-être jamais le jour.