Alors que les députés PS soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites portée par La France insoumise, qui efface également le mécanisme mis en place par l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine sous François Hollande, le sénateur Bernard Jomier (Place publique), appelle les parlementaires de gauche à ne pas aller trop loin face aux enjeux démographiques.
Quelle place pour le port des signes religieux dans l’espace public ?
Par Héléna Berkaoui
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Il y a trente ans, trois collégiennes sont expulsées de leur établissement car elles refusent d’ôter leur voile. L’affaire dite des foulards de Creil en 1989 a ravivé les débats autour de la place des signes religieux dans l’espace public, suscitant des questionnements qui n’ont pas cessé depuis. Parallèlement, le cadre législatif a évolué au cours des trois dernières décennies pour encadrer le port de ces signes distinctifs dans l’entreprise, à l’école mais aussi dans l’espace public.
La loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l’État est le socle de la laïcité telle qu’elle existe en France. Néanmoins, la loi de 1905 ne se prononce pas sur le port de signes religieux. L’interdiction du port de la soutane dans l’espace public, voulue par certains élus à l’époque, ne résistera pas à l’examen final du texte. « Il a paru à la commission que ce serait encourir (…) le ridicule, que de vouloir par une loi qui se donne pour but d’instaurer dans ce pays un régime de liberté au point de vue confessionnel, imposer aux ministres des cultes l’obligation de modifier la coupe de leurs vêtements », justifiait alors Aristide Briand, le rapporteur du texte.
Le port de signes religieux à l’école
La laïcisation de l’école date de 1882, la loi portée par Jules Ferry rend l’école gratuite de 6 à 13 ans, obligatoire et laïque. Les objets religieux sont retirés des établissements et l’enseignement religieux est supprimé des programmes. La loi du 30 octobre 1886 sur l'organisation de l'enseignement primaire met en place la laïcisation progressive du personnel des écoles publiques.
La loi de 2004 sur les signes religieux dans les écoles publiques françaises interdit quant à elle « le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse » dans les écoles, collèges et lycées publics. Une circulaire précise par ailleurs que les signes visés sont « le voile islamique, quel que soit le nom qu'on lui donne, la kippa, ou une croix de taille manifestement excessive ». Les signes religieux discrets demeurent toutefois autorisés.
« La loi du 15 mars 2004 ne s’applique pas aux écoles et établissements scolaires privés hors contrat », précise le rapporteur général de l’Observatoire de la Laïcité, Nicolas Cadène. « Les établissements scolaires privés sont libres d’accepter le port de signes ostensibles ou d’en réglementer le port », ajoute-t-il.
Si certains élus se sont déclarés favorables à l’interdiction du voile à l’université, aucune loi n’interdit à ce jour aux étudiantes et aux étudiants de porter les signes religieux dans les établissements publics de l’enseignement supérieur et ce dans la mesure où ils sont considérés comme majeurs.
Quelles règles dans l’espace public ?
Le port de signes religieux dans l’espace public n’a pas été remis en cause mais la loi du 11 octobre 2010 dispose néanmoins que « nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage ». Cette loi a été votée à un moment où le débat autour du voile intégral avait lieu dans la société. L’article 2 de cette loi précise la notion d’espace public, une notion juridique encore inconnue dans le droit, : « L'espace public est constitué des voies publiques ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un service public ». Ce texte permet néanmoins de se couvrir le visage pour des raisons sanitaires.
Le port du Burkini (un maillot de bain couvrant les jambes et les bras) avait, lui aussi, fait débat durant l’été 2016. Certaines mairies ont publié des arrêtés municipaux pour en interdire le port mais le Conseil d’État a jugé qu'en l'absence de risques de trouble à l'ordre public provoqué par cette tenue, les mairies concernées ne pouvaient prendre une mesure interdisant l'accès à la plage et la baignade. Le Conseil d’État estimait par ailleurs que de tels arrêtés portaient « une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales ».
Le port des signes religieux en entreprise et dans le service public
Dans le service public, « la jurisprudence a toujours étendu la neutralité des agents à toutes les convictions : religieuses, mais aussi politiques ou philosophiques », rappelle Nicolas Cadène. La neutralité s’étend donc à tous les agents du service public mais ne concerne pas les usagers. « Lorsque l’on fait partie du personnel d’un service public (qu’il dépende directement de l’administration publique ou qu’il soit délégué à un organisme privé), que ce soit vis-à-vis des collègues ou vis-à-vis des usagers, l’on doit strictement respecter le devoir de neutralité car l’on ne représente pas son individualité mais bien l’administration publique neutre », développe le rapporteur de l’Observatoire de la laïcité.
En revanche, l’entreprise privée est soumise à d’autres règles sauf dans le cas où il lui serait confié une mission de service public. « Pour faire simple, il est possible d’interdire les signes religieux dans une entreprise privée sur certains postes de travail si cela est justifié objectivement », explique Nicolas Cadène. « Plus précisément, la restriction d’une manifestation du fait religieux par un salarié est possible s’il y a entrave aux règles de sécurité ou de sûreté ; aux conditions d’hygiène ou de propreté ; à la liberté de conscience d’autrui ; à l’aptitude à la mission professionnelle ; à l’organisation du service ; aux intérêts de l’entreprise. Dans ce dernier cas, il est possible d’imposer une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause indifférenciée (c’est-à-dire visant toutes les convictions) n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients ; et dès lors que l’employeur, en tenant compte de ses contraintes, a proposé à un salarié qui refuserait cette clause un poste de travail n’impliquant pas de contact visuel avec les clients. »