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Présidentielle 2022 : Emmanuel Macron a-t-il intérêt à dissoudre l’Assemblée nationale ?
Par Public Sénat
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Bonne idée ? Ou fausse bonne idée ? C’est une rumeur qui tourne depuis plusieurs mois. L’indiscrétion est sortie dans le journal l’Opinion en novembre dernier. Elle ressort cette semaine dans le Canard enchaîné. Emmanuel Macron songerait à dissoudre l’Assemblée nationale au lendemain du second tour, soit le 25 avril.
63 jours séparent le premier tour de l’élection présidentielle prévue le 10 avril, et le premier tour des législatives, le 12 juin. Ce délai, le plus long depuis la réforme du quinquennat, fait craindre à la majorité de voir son électorat moins motivé quand il faudra revenir aux urnes deux mois après la présidentielle.
Bien parti pour briguer un second mandat, Emmanuel Macron aurait réactivé récemment cette piste de la dissolution, au motif qu’« il n’est pas possible de gouverner sans le Parlement », en période de guerre, selon l’hebdomadaire satirique.
Rien ne s’y oppose juridiquement
Un dernier argument qui est factuellement faux. La session parlementaire n’est pas interrompue en période électorale. Elle est suspendue. Rien n’empêche l’exécutif de le convoquer en session extraordinaire pour examiner un texte.
En droit, rien n’empêcherait non plus Emmanuel Macron, tout juste réélu, de dissoudre l’Assemblée nationale. Ce droit est défini à l’article 12 de la Constitution. Trois limites y sont posées. Le chef de l’Etat ne peut dissoudre l’Assemblée nationale lorsqu’il exerce les pouvoirs exceptionnels fixés à l’article 16 de la Constitution. Il ne peut non plus exercer ce droit dans l’année qui suit une dissolution. Enfin, lorsque l’intérim est exercé par le président du Sénat.
« Le Président court-circuiterait la proclamation officielle des résultats »
Mais pour autant, « dissoudre l’Assemblée serait une imbécillité » tranche le constitutionnaliste, Jean-Philippe Derosier. « Ce serait politiquement extrêmement risqué pour Emmanuel Macron car perçue comme la pire des manœuvres électoralistes, destinée à détourner la libre expression du peuple ».
Revenons au droit. L’article 12 prévoit que les élections « ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution ». Trois scénarios se dessinent alors. Le premier, le plus avantageux en apparence, consisterait à dissoudre dès le lundi 25 avril, au lendemain du second tour, pour viser un premier tour des législatives, le 15 mai et un second tour, le 22 mai. Rappelons que le premier et le second tour des législatives ne peuvent être séparés que d’une semaine.
« Mais en choisissant de dissoudre le 25 avril, le Président court-circuiterait la proclamation officielle des résultats par le Conseil Constitutionnel qui doit se tenir le mardi 26 ou le mercredi 27 avril. Le scénario le plus envisageable serait d’attendre cette date », rappelle le constitutionnaliste.
Une dissolution le 27 avril conduirait à décaler le premier tour des législatives au 22 mai et le second au 29, lors du pont de l’ascension. L’exécutif avait justement choisi d’avancer l’élection présidentielle pour ne pas que voir le second tour tomber lors des jours fériés du mois de mai.
Dernière hypothèse, la pire, décaler encore d’une semaine la date des législatives pour que le premier tour se déroule le 29 mai et le second le 6 juin, soit deux week-ends de jours fériés, pour deux semaines seulement d’avance sur les dates prévues.
Conclusion. Emmanuel Macron aurait beaucoup plus à perdre qu’à gagner car comme le rappelle Jean-Philippe Derosier en choisissant de dissoudre l’Assemblée nationale, l’exécutif perdrait aussi un moyen de pression sur sa majorité. « Imaginons que le gouvernement ne dispose plus de la majorité absolue mais d’une majorité relative à l’Assemblée nationale. Il faudra bien discipliner les troupes. Il ne pourra plus dissoudre avant un an et demi. Et nous ne sommes plus en 1988 lorsque le gouvernement pouvait avoir recours à l’envi au 49-3 (article qui permet d’adopter un texte sans vote) ». Depuis la révision constitutionnelle de 2008, le recours au 49-3 est limité à un seul texte au cours d’une même session parlementaire, hors projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.