Port du masque en extérieur : une décision qui fait encore débat

Port du masque en extérieur : une décision qui fait encore débat

Le Conseil d’Etat a validé l’essentiel des arrêtés imposant le port du masque en extérieur. C’est beaucoup plus cohérent » salue le ministre de la Santé, Olivier Véran. Mais certains médecins dénoncent une décision plus « politique » que « scientifique ».
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Avenue de Ségur, au ministère de la Santé, on a poussé un « ouf » de soulagement. Le Conseil d’Etat a validé dimanche soir, pour l’essentiel, les arrêtés préfectoraux imposant le port du masque généralisé en extérieur. A Lyon et dans le Bas-Rhin, le tribunal administratif avait pourtant retoqué en partie ces décisions. Mais le Conseil d'Etat a estimé qu'il est « justifié que le port du masque soit imposé dans des périmètres suffisamment larges pour englober de façon cohérente les zones à risque (...) afin que cette obligation soit cohérente et facile à appliquer pour les citoyens ». Le préfet du Bas-Rhin devra quand même revoir son arrêté et limiter l’obligation au centre-ville dans certaines communes moins denses. Le préfet du Rhône devra lui exclure de cette contrainte les personnes pratiquant le sport.

Le premier ministre Jean Castex s’est réjoui, en marge d’un déplacement, ce lundi, « de la décision du Conseil d'État qui rappelle que les orientations prises par le gouvernement sont satisfaisantes ». Une décision saluée également par le ministre de la Santé, Olivier Véran, qui avait saisi en appel le Conseil d’Etat. Interrogé par publicsenat.fr, le ministre affirme :

C’est beaucoup plus cohérent. Et il ne faut pas perdre cette cohérence. La décision du Conseil d’Etat légitime les arrêtés préfectoraux qui ont été pris. (Olivier Véran, ministre de la Santé)

Le port du masque à tous crins n’est pourtant pas défendu par tous, à commencer par de nombreux médecins. Le docteur Jérôme Marty, président du syndicat UFLM (Union française pour une médecine libre), fait partie de ceux qui ont milité, parmi les premiers, pour le port du masque en lieux clos (lire notre article). Fin juillet, il était signataire de la tribune qui poussait le gouvernement à imposer le masque à l’intérieur. Mais pour l’extérieur, il ne signe pas. « Depuis le début, on dit qu’il faut se baser sur une base scientifique, pour que les gens puissent comprendre et accepter. On porte le masque pour protéger les autres, plus que soit même. Si les autres ne sont pas là, je ne vois pas qui on protège… » lance Jérôme Marty, qui ajoute :

On sait que l’immense majorité, voire la quasi-totalité des contaminations de masse, se passe en lieux clos, et pas à l’extérieur. (docteur Jérôme Marty)

Le masque n’est utile à l’extérieur que « dans les rues bondées, les terrasses, les rassemblements » continue ce médecin, « mais à Paris ou à Lyon, il y a des rues désertes ». Si bien que Jérôme Marty craint « un retour en boomerang », avec à terme un problème d’acceptabilité du masque. Trop de masques, tue le masque, en somme. « On voit aujourd’hui qu’il y a beaucoup d’anti-masque qui pointent un peu partout » regrette-t-il (lire notre article sur le sujet), « il y a des trous dans la raquette dans le raisonnement sur le plan scientifique, ce qui nourrit les théories du complot ».

Le port du masque en extérieur, « ce n’est pas scientifique. C’est plus le principe de précaution »

Au final, pour Jérôme Marty, cette décision « n’est pas scientifique. C’est plus le principe de précaution avec des maires qui sont responsables de tout, une décision politique. Mais on peut comprendre qu’ils se protègent ».

Des propos qu’on ne partage pas, du côté du ministère de la Santé, où on rappelle que près de 80% des personnes acceptent le masque en ville, selon un sondage. « Et d’un point de vue scientifique, s’il y a un risque d’aérosolisation (de fines gouttelettes microscopiques émises en parlant et respirant, ndlr) dans la transmission du virus, ça justifie de se protéger dans la rue » souligne-t-on, avenue de Ségur. Quant à la prise de décision, on souligne que le gouvernement a voulu mettre en avant localement le couple maire/préfet. Autrement dit, c’est aussi la responsabilité des maires, comme à Marseille, où la situation empire (voir notre article).

« Il faut trouver un bon équilibre sur le masque » pour Bernard Jomier (app. PS)

Chez les élus locaux, la décision du Conseil d’Etat, et au-delà la question du port de masque en extérieur, est plus ou moins jugée utile. Pour le sénateur (apparenté PS) de Paris, Bernard Jomier, « il est important que les mesures d’obligation soient comprises, en cohérence avec les données scientifiques. Or le fait de prendre des arrêtés dans des départements où il n’y a pas d’exposition du virus est problématique. Et si vous promenez votre chien à 22 heures et qu’il n’y a personne, il n’y a pas de problème à ne pas porter un masque ». Ce médecin généraliste, toujours en activité, craint que « la position en faveur du port du masque tout le temps nourrisse les complotistes ». Il comprend cependant « l’impératif de lisibilité. On ne peut pas faire de la découpe rue par rue, c’est trop complexe. Il faut trouver un bon équilibre et la décision du Conseil d’Etat l’apporte » salue le sénateur de Paris.

Quant à « une ville comme Paris, je comprends l’arrêté. Mais le préfet a lui-même appelé au discernement dans son application ». Pour Bernard Jomier, la meilleure approche pour le masque reste celle définie en août par « Olivier Véran, avec l’ABCD. Mais malheureusement, ce n’est pas ce que le gouvernement fait ». Le ministre de la Santé avait défini ainsi la doctrine : « A quand on est A risques, B quand on est dans un lieu Bondé, C dans les endroits Clos, D quand la Distance est impossible à gérer ».

« Il faudrait rendre le masque obligatoire partout et systématiquement » selon Alain Milon (LR)

Pour le sénateur LR Alain Milon, lui aussi médecin de profession, il ne faut pas se poser de question : « Dans la mesure où on voit que le Covid est encore extrêmement dangereux, il faudrait rendre le masque obligatoire partout et systématiquement. Je suis très contraignant » assume-t-il. Avec un port du masque à la carte, il craint qu’« on oublie. Autant ne pas prendre de risque ».

« Dès le déconfinement, il aurait fallu le port du masque en entreprise, comme dans les transports » soutient même le président de la commission des affaires sociales du Sénat, qui préside aussi la commission d’enquête du Sénat sur la crise du Covid. Un point au moins où il s’accordera avec Jérôme Marty. « Les deux fils rouges de cette crise, depuis le début, ce sont 1/ les masques et 2/ les retards à l’allumage » regrette le président de l’UFML. Un retard dont ont souffert les soignants. « Avec 46 décès, la médecine libérale a payé le plus lourd tribut » rappelle Jérôme Marty, qui sort mercredi « Le scandale des soignants contaminés, dans les coulisses d’une sale guerre » (Ed. Flammarion).

Délais sur les tests : « Un énorme trou dans la raquette »

Le retard actuel concerne les tests, avec « un énorme trou dans la raquette », dénonce Jérôme Marty, à cause des délais dans les grandes villes pour faire le test puis avoir le résultat. « Ça obère la capacité à casser les chaînes de transmission. Mais cette question devrait être résolue dans quelques semaines avec l’arrivée des tests salivaires, aux résultats immédiats », espère le sénateur Bernard Jomier.

Le gouvernement compte aussi sur ces tests salivaires. Mais les scientifiques répondent au ministère de la Santé qu’ils ont besoin de plus de temps pour les rendre fiables. Quant à l’afflux devant les labos, on estime dans l’entourage d’Olivier Véran que « la priorisation est fondamentale ». Le ministre pourrait monter d’un ton cette semaine sur le sujet. Deux queues pourraient pourquoi pas être mises en place pour donner la priorité aux personnes symptomatiques et aux cas contacts.

Isolement ramené à 7 jours ?

Le ministre de la Santé est attendu aussi sur un autre sujet, qu’il a lui-même ouvert : la réduction de 14 à 7 jours la période d’isolement pour les malades. Ce serait possible scientifiquement – on sait aujourd’hui qu’on est beaucoup moins contagieux après 7 jours – et cela se justifierait au nom du principe de réalité, beaucoup de gens ne respectant pas la quatorzaine. La décision doit être prise dans les tout prochains jours. Une chose est sûre : les chiffres des hospitalisations et des entrées en réanimation vont continuer à augmenter dans les prochaines semaines. Le gouvernement n’en a pas fini avec le Covid, et les Français avec le masque.

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