Le débat sur la procréation médicalement assistée (PMA) et la gestation pour autrui (GPA) fait son retour. Dans une tribune publiée vendredi dans Le Figaro, 119 sénateurs, essentiellement du groupe LR, présidé par Bruno Retailleau, lui-même signataire, mettent en garde contre le recours à ces techniques de procréation en faveur des couples d’hommes et de femmes.
« Principe de précaution et de prudence »
La publication de la tribune n’est pas anodine. « Les états généraux de la bioéthique sont ouverts. C’est une période très importante où la société française est en réflexion tous les 5 ans » souligne à publicsenat.fr Philippe Bas, président LR de la commission des lois, qui a écrit la tribune. « Elle dit que le désir d’enfant n’est pas altruiste dans un cas et égoïste dans l’autre. C’est une aspiration fondamentale de l’être humain. Il faut apporter de la considération pour ce désir, quand la nature s’y oppose. Il faut également apprécier non seulement les attentes de ceux qui ont ce désir mais aussi les intérêts de l’enfant. Les premiers à apprécier ce sont les parents, mais la société a son mot à dire quand elle est sollicitée. Or dans les affaires d’assistance médicale à la procréation, la société est sollicitée » souligne le sénateur de la Manche, qui ajoute que « l’hôpital public devrait ensuite dégager des moyens » et tout comme « l’assurance maladie ». Il ajoute, au sujet de la GPA : « Les valeurs des droits de l’homme et de la femme, dans la déclaration des droits de l’homme, ne permettent pas d’accepter que la femme se loue pour autrui ».
Philippe Bas fait la différence avec « une personne seule ou vivant en couple de même sexe, qui peut parfaitement adopter. C’est une amélioration pour l’enfant. Mais concevoir la vie sans père, si on se place du point de vue de l’enfant, cela posera la question de l’accès aux origines, qui est sensible. Pour l’enfant, il peut y avoir un manque, qui peut être surmonté bien sûr. On ne nie pas la capacité d’amour des adultes. Mais il peut aussi ne pas être surmonté. On voit se multiplier les difficultés pour les adultes nés de l’assistance médicale à la procréation, qui sont dans l’angoisse de l’opacité de leur origine » fait valoir l’ancien ministre chargé de la Famille. Pour le président de la commission des lois, c’est « le principe de précaution et de prudence » qui prévaut, « c’est une lourde responsabilité de faire naître un enfant sans père ».
Laurence Rossignol « pour l’ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes »
Des arguments qui ne font pas sens pour la sénatrice PS Laurence Rossignol, ancienne ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes. Elle est « pour l’ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes ». « La PMA est une technique qui est aujourd’hui légale pour les couples hétérosexuels. Donc je considère juste de l’ouvrir aux couples lesbiens » explique-t-elle. Dans la tribune, les signataires évoquent les « risques pris pour le développement de la personnalité » de l’enfant. « Ce sont des arguments fallacieux », répond la sénatrice PS de l’Oise, « car ce qu’ils disent sur la PMA pour les couples homosexuels, ils peuvent le dire pour la PMA utilisée pour les couples hétérosexuels. Ce n’est pas cohérent ». Philippe Bas fait lui la différence en raison des causes « médicales » liées à l’infertilité, concernant le recours à la PMA par les couples hétérosexuels.
Laurence Rossignol est en revanche opposée à la légalisation de la GPA, « car c’est une technique d’une autre nature qui empreinte le corps d’une femme, son ventre, au profit des parents d’intention ». « Dans le cas de la GPA, elle n’est pas compatible avec certaines lignes rouges, dont la marchandisation du corps » ajoute-t-elle.
« Le fond de leur pensée, c’est que Dieu seul peut dire qui naît quand et qui meurt quand »
Selon l’ancienne ministre, ce que les sénateurs de droite n’osent pas dire, c’est que leurs motivations sont d’un autre ordre. « Ce sont des combats sincères. Mais ils sont en réalité idéologiques et fortement inspirés par les lois religieuses. Et vous retrouverez la même chose sur le suicide assisté. Le fond de leur pensée, c’est que Dieu seul peut dire qui naît quand et qui meurt quand. Ce n’est pas aux hommes et aux femmes d’en décider. Ça donne une position extrêmement cohérente, qui est une position anti pilule du lendemain, anti avortement, anti PMA et anti fin de vie. Ce sont des techniques qui bouleversent totalement l’ordre naturel auquel se réfèrent les catholiques. Et l’homme n’a pas à en prendre le contrôle » affirme Laurence Rossignol. Elle ajoute : « C’est très respectable. C’est une cohérence de la pensée. Mais ça ne peut pas déterminer la position du législateur au XXIe siècle, dans la France d’aujourd’hui ».
Interrogé sur le rôle possible de considérations religieuses, Philippe Bas répond que « chacun a ses valeurs, ses aspirations. Certains ont des valeurs spirituelles. Mais il n’est pas besoin d’avoir des valeurs spirituelles pour porter en commun les principes universels qui fondent notre société ». Il ajoute que « cette tribune est parfaitement laïque ». L’ancien secrétaire général de l’Elysée sous Jacques Chirac place son texte « à l’aune des valeurs léguées par les pères fondateurs de la Constitution », « les droits de l’homme ».
Laurence Rossignol pense elle que les sénateurs LR sont à rebours des évolutions sociétales. « Dans l’opinion, ceux qui défendent ces positions là ont perdu. La société a évolué. Sans eux et malgré eux. C’est comme pour le mariage pour tous. Maintenant, tout le monde sait que c’est irréversible. Les Français sont d’accord » souligne la sénatrice PS.
Macron favorable à la PMA
Le débat est cependant loin d’être terminé. Dans le cadre des états généraux sur de la bioéthique, les consultations se terminent le 7 juillet. Le gouvernement décidera ensuite s’il légifère ou pas en matière de PMA/GPA. Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron s’était déclaré favorable à la PMA mais contre la GPA. Candidat, il avait affirmé que « le fait que la PMA ne soit pas ouverte aux couples de femmes et aux femmes seules est une discrimination intolérable ».
En octobre dernier, il s’était montré plus flou. S’il estimait « normal » d’ouvrir ce droit, il ajoutait que « Le politique ne doit pas imposer un choix en brutalisant les consciences ».