Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
Parcoursup : le texte est examiné au Sénat
Par Public Sénat
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C’est face à un Sénat quelque peu remonté contre le gouvernement que le projet de loi relatif à « l’orientation et la réussite des étudiants » est examiné en séance jusqu'à jeudi. Traduction législative du « Plan étudiants » présenté en octobre, et adopté par les députés en décembre, ce texte se donne pour objectif de revoir les conditions d’accès à l’enseignement supérieur et de lutter contre le taux d’échec des étudiants lors de la première année à l’université, 60% des étudiants n’obtenant pas leur licence en trois ans.
Partie la plus visible (et suscitant le plus de débat) de la réforme, l’article premier du projet de loi donne une base législative à la nouvelle plateforme d’orientation « Parcoursup », ouverte le 22 janvier. Elle prend le relais, dans l’urgence, de l’ex-plateforme APB (Admission Post-Bac), arrêtée à l suite des décisions de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et du Conseil d’État. Ce dernier avait annulé la circulaire permettant le tirage au sort dans les filières en tension.
Désormais, les vœux d’inscription des futurs bacheliers seront traités par les établissements sur la base de certains critères : « les attendus ».
« Procédure cavalière »
Si le gouvernement met en avant un impératif de calendrier, légiférer sur une disposition déjà mise en œuvre heurte les sénateurs de plusieurs groupes. Le président du groupe Les Républicains, Bruno Retailleau, a dénoncé en commission « une procédure cavalière, qui ne respecte pas le Parlement ». Comprenant « l’urgence », Patrick Kanner, le patron des sénateurs socialistes rappelle ce matin qu’il « faut respecter le temps de travail du Parlement ». Les sénateurs communistes ont, eux, déposé un recours devant le Conseil d’État, dans l’espoir de suspendre l’arrêté instaurant Parcoursup.
Le rôle des établissements renforcé par la droite et le centre
Si le statu quo n’est envisagé par aucun des groupes du Sénat, chacun constate que la réforme soulève des inquiétudes et des risques, et entend aussi amender le texte à sa façon. Pour la droite et le centre, le projet de loi manque d’ambition. Il constitue « une première étape de la refonte d’un système à bout de souffle », selon Catherine Morin-Desailly (Union centriste), présidente de la commission de la Culture et de l’Éducation, qui estime que jusqu’à présent, l’échec en licence était une forme de « sélection déguisée ». Mais il « n’aborde pas de front la question de l’orientation », selon elle.
Deux mesures principales ont été adoptées en commission afin de faire coller le dispositif aux « réalités du terrain ». La droite et le centre veulent que les modifications des capacités d’accueil des établissements prennent en compte les taux de réussite et l’insertion professionnelle des filières, « quitte à supprimer des places dans les formations qui constituent des voies sans issue ».
La majorité sénatoriale a également voulu replacer les établissements dans la procédure d’orientation des étudiants sans affectation, de sorte à garantir « l’autonomie » des universités. Le président ou le directeur aurait son mot à dire sur l’affectation d’un étudiant proposée par le rectorat.
Vigilance des socialistes sur les « attendus » demandés aux lycéens
Cette place accordée au recteur fait l’objet d’une divergence avec les sénateurs socialistes, qui regrettent que la droite « revendique » dans ses propositions le mot de « sélection ». « Nous voulons que le droit à l’enseignement supérieur soit conforté par le texte », explique Patrick Kanner. « On a une rentrée universitaire à préparer, on regarde avec attention, car il faut trouver une solution », explique ce matin le président du groupe. « Ce texte ne convient pas totalement, loin de là ».
Référente du texte au sein du groupe, la sénatrice Sylvie Robert, regrette que la mise en place de Parcoursup n’ait pas fait l’objet d’une mise en place en « plusieurs étapes » et fixe deux « lignes rouges ». Sur la question des « attendus », ces critères de sélection arbitrés dans « un cadrage national », la sénatrice d’Ille-et-Vilaine s’inquiète des demandes spécifiques qui seront faites par des formations en tension. « Il faut bien que les attendus soient en lien avec la formation demandée ».
Deuxièmement, le groupe ne veut « aucun jeune ne soit laissé sur la route ». Pour les lycéens en attente de réponses, ou sans affectation, la sénatrice propose que le recteur propose « au moins deux » formations.
Le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) considère comme le Parti socialiste que la question budgétaire ne peut être évitée dans ces débats sur l’orientation dans le supérieur. Face à la croissance du nombre d’étudiants (30.000 nouveaux jeunes en moyenne par an), les budgets doivent progresser, selon eux. Vent debout contre le projet de loi, mais aussi contre les conséquences de la réforme du baccalauréat, les communistes s’insurgent contre un dispositif qui conduira à une « sélection sociale ».
Quant au groupe RDSE, les sénateurs se disent « partagés » sur le texte. « Nous osons espérer une amélioration, mais d’autres tensions peuvent apparaître, notamment si certains étudiants ne répondent pas assez vite », avait souligné en commission Françoise Laborde. Leur vote est « pour l’instant réservé ».
Alors qu’un comité scientifique et éthique a été installé ce mercredi pour veiller au bon fonctionnement de la nouvelle plateforme, notamment en ce qui concerne l'algorythme, la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a elle-même reconnu que des « améliorations » pourraient être encore nécessaires.